1. Charlie Henderson

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Charlie souffla un grand coup en s'affalant dans son canapé en cuir bleu marine. Les manches de sa chemise remontées, elle essuya son front transpirant sur son avant-bras. Épuisée, elle fixa d'un air las, la multitude de cartons qui s'offrait à elle. Poussant un énième soupir, elle se décida à se lever afin de trouver son téléphone portable. Une fois celui-ci déniché derrière une pile de trois cartons, elle composa le numéro d'une pizzeria, trouvé sur le Net. Elle commanda une royale et une bouteille de coca, puis retourna s'assoir sur l'un des seuls meubles de l'appartement. Une petite demi-heure plus tard, on sonne à la porte. Charlie se lève et récupère un billet de vingt dans la poche de son blouson, avant d'aller ouvrir. Un jeune homme, charmant, à la peau ébène et aux dents brillantes, se tient devant elle, son casque rouge et blanc sur le crâne, un carton et une bouteille à la main. Elle lui tend l'argent et récupère son repas avant de fermer la porte et de se réinstaller dans son canapé. C'est en posant le tout par terre qu'elle aperçoit le bout de papier agraffé au ticket. Elle l'attrape et rit en voyant de quoi il s'agit, le livreur s'est permis de lui laisser son numéro, suivi d'un "appelle-moi pour qu'on se voie, Matt". Parvenant enfin à calmer son fou rire, la jeune femme prend une part de pizza et commence à la déguster, perdue dans ses pensées. Si seulemment il savait, rit-elle intérieurement. Charlie aime les femmes, elle ne l'a jamais caché. Cette révélation, qui l'a frappé à ses quinze ans, quand elle a découvert son amour pour l'une des filles les plus populaires de son lycée, a anéanti grand nombre de choses dans la vie de la jeune fille. Son père a refusé de la voir pendant plus d'un an, ses amis l'ont laissé tomber les uns après les autres, sa meilleure amie l'a abandonné, de peur qu'elle ne tente de la séduire. C'est sa trahison qui a le plus blessé Charlie, plus que celle de son père, qu'elle savait assez fermé d'esprit. Le seul de ses amis qui soit resté auprès d'elle fut Josh, son meilleur ami depuis la maternelle. Lui aussi, homosexuel, il a longuement admiré Charlie pour son courage. Malgré la perte de la casi-totalité de sa bande, la chose dont a le plus souffert la jeune femme, c'est de n'avoir jamais avoué à Lauren qu'elle l'aimait. Pendant trois longues années, elle a gardé son amour pour elle, n'en parlant qu'à Josh en terminale, après avoir fini à l'hôpital suite à une énième agression. Même avec les encouragements de son meilleur ami, Charlie n'a jamais dit à Lauren qu'elle l'aimait plus que de raison, qu'elle la voulait à en mourir, qu'elle la désirait plus que tout, qu'elle avait besoin d'elle pour vivre. Non, au lieu de ça, elle a préféré fuir, partir très loin d'elle et de son mépris. Elle l'a haït autant qu'elle l'a aimait, elle, cette garce qui a passé trois longues années à la persécuter, la tirer vers le bas. Plus d'une fois, Charlie a voulu en finir, heureusement, elle n'est jamais allée au bout.

Charlie sort de ses pensées lorsqu'elle commence à avoir soif, elle se lève alors et ouvre pas moins de cinq cartons avant de trouver celui dans lequel elle a rangé les verres. Se servant un coca, elle se poste à la fenêtre, respirant l'air frais. La vue sur Central Park est magnifique, Charlie est ravie de ce logement. Elle termine rapidement son repas, jette le carton et range le coca dans le frigo vide. Attrapant son pyjama, fourré à la va-vite dans son sac à dos, elle se rend dans la salle de bain où elle prend une douche rapide. Après ça, elle retourne s'allonger sur le canapé, récupérant une couette dans un autre carton et s'endort directement.

*****

Le lendemain, Charlie est réveillée par les rayons du soleil, poussant un petit cri de rage, elle se frappe le front. Comment a-t-elle pu oublier de fermer ses volets ? En voyant tous les cartons qu'elle a à ranger, elle se lève. Elle enfile un sweat et se sert une tasse de chocolat chaud, heureusement qu'elle a pensé au thermos. Charlie part dans la salle de bain pour se préparer, elle s'observe quelques instants dans la glace. Ses cheveux chatains clairs entourent son visage et glisse sur ses épaules, ses yeux noisettes, très légèrement bridés, les deux fossettes qui creusent ses joues rebondies lorsqu'elle sourit, Charlie ne s'est jamais soucié de ce que pensait les autres, elle ne se trouvait ni magnifique, ni repoussante, elle était banale, suffisamment belle pour qu'on s'intéresse fréquemment à elle. Elle rentra dans la douche et tenta d'actionner le robinet, sans résultat.

- C'est une blague, grogna-t-elle.

Elle ne pouvait pas commencer une journée sans une bonne douche. Décidée, elle partit, une fois revêtue de son pyjama, en direction de l'appartement voisin au sien. Elle toqua et attendit quelques secondes avant d'entendre les pas rapides, caractéristiques de l'arrivée d'un enfant. La porte s'ouvrit sur une petite fille aux longs cheveux bruns, environ six ou cinq ans, elle lui sourit et se baissa à son niveau.

- Dis, tu veux bien appeler ta maman ou ton papa, s'il te plaît ? demanda-t-elle à la fillette.

Elle repartit en courant. Pendant plusieurs minutes, Charlie attendit, avant que la petite brune ne revienne, seule.

- Tu veux entrer ? dit-elle en jouant avec ses mains.

- Elle est où ta maman ? questionna Charlie.

- Là-bas, elle a dit oui, bredouilla-t-elle.

La jeune Henderson, qui se doutait que sa mère n'en savait rien, s'apprêtait à décliner l'invitation quand une voix l'en empêcha.

- Thaïs ! Qu'est-ce que je t'ai dit !? Tu n'ouvres pas aux inconnus ! la gronda sa mère en la rejoignant devant la porte.

Charlie sentit son souffle se couper, elle n'en revenait pas. Tout son corps se tendit, son assurance sembla la quitter et elle perdit tous ses moyens.

- Hendergay ? appela la jeune femme aux cheveux bruns.

Charlie grimaça à l'entente du surnom dont Lauren et sa bande l'avait affublée. Elle se retourna et commença à marcher en direction de son appartement, sachant qu'il était inutile de demander à son bourreau si elle pouvait utiliser sa douche. Elle soupira, sa nouvelle vie tournait au cauchemar.

- Eh ! Attend ! Qu'est-ce tu fous devant chez moi ? Tu me suis ? Je t'ai déjà dit que tu m'intéressais pas, il me semble, s'indigna Lauren en la fusillant du regard.

Charlie la regarda avec dédain, sentant son coeur se briser un peu plus. Elle savait que Lauren avait toujours été méchante, mais elle pensait réellement qu'en six ans elle aurait changé et surtout qu'elle en la reverrait pas. La jeune Henderson rejoignit son domicile et se laissa tomber sur le canapé, blanche comme un linge. Une larme solitaire coula le long de sa joue. Pourquoi elle ?

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