Judas [1/4]

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Miss Davis fête ses trente-huit ans ce week-end. Quelle belle surprise de l'accueillir chez moi ! Avec Simon, nous allons lui offrir la surprise de les célébrer ensemble à Paris. Les trois mousquetaires réunis.

Je ne pense même plus à la dispute avec Nathalie ni même à Charlie. Les femmes ont tendance à me fuir ces temps-ci. Et après ces derniers mois forts en émotion, cela me convient parfaitement. Ma vie était devenue un tourbillon d'histoires de cœur prépubères et il fallait que je me reprenne.

Donc, quoi de mieux qu'une soirée en présence de mes amis. Dany et Willy - de passage à Paris - se joindront à nous également avant de partir pour la Côte d'Azur.

Simon a organisé l'anniversaire au Carmen, me rappelant qu'il connaissait bien le patron. Il semblait impatient de faire découvrir à notre petit comité, ce club aux tentations les plus folles, faisant référence à notre seul passage en ce lieu.

Je me retrouve hésitant face à cet endroit où les souvenirs sont encore ancrés en moi. J'allais très certainement avoir du mal à m’ôter l'image de cette bohème qui a retourné mon existence et mes principes à 180°.

Je succombe pourtant aux caprices de la dreadeuse. Notre amie a dû nous supporter, Simon et moi, pendant plus de vingt ans, toujours à nos petits soins. Elle est l'unique femme qui a su rester près de nous sans nous lâcher et accepter nos caractères parfois immatures.

Impeccables, sur leur 31, Daniel et William nous attendent déjà sur place, en compagnie de... Iban ?

Je scrute dans les moindres recoins à la recherche de ma magnifique étudiante, à l'affût de la voir avec son abruti de blondinet. À ma grande surprise je la surprends au fond de la salle avec un autre homme, en pleine discussion. Mon cœur s'arrête. Tandis que j'assiste à cette scène, une poussée d'adrénaline me submerge. La soirée débute seulement que je me surprends déjà à vouloir rentrer. Sasha me hurle quelque chose à l'oreille et me ramène à la réalité : c'est pour elle que je le fais.

Les heures passent durant lesquelles, Sasha force sur l'alcool, Simon a disparu, comme à son habitude. Quant à moi, j'entreprends des allers-retours entre la table où Daniel et William se sont installés, en compagnie de la bande d'amis de Charlie, et le bar devenu mon havre de paix.

Alors que Video Games de Lana Del Rey nous parvient aux oreilles, certains fêtards se rasseyent pour se reposer de leurs dernières danses.

C'est dans cette cohue que je distingue quelque chose de suspect. Du coin de l'œil, j'aperçois quelqu'un qui semble droit comme un i. Ma tête se tourne instinctivement. Soudain, je réalise qu'il s'agit de Charlie, le visage enflammé de colère, ou est-ce du mépris ? Je distingue mal avec ces lumières peu éclairées et le passage de nombreux clubbeurs. Cependant, je remarque qu'elle fixe un point devant elle. Curieux de savoir ce qui se trame, j'assiste à cette scène, de ce déconcertant échange visuel entre Charlie et... Simon, qui se dresse au fond de la piste de danse.

Pourquoi le regarde-t-elle de cette manière ? Et lui, que fait-il là ? Planté comme un imbécile au milieu de la piste à baisser les yeux devant elle ? Est-il gêné ? Simon ne se laisse jamais impressionner et encore moins par une femme.

Tout d'un coup, mon ami pose ses yeux sur moi et je décèle... une expression de pardon ? Dans les films, nous avons toujours un homme qui découvre une vérité dans un club. La musique est en fond, lointaine. À cet instant, je suis cet homme.

Je ne sais ni comment réagir, ni même comment interpréter la situation. Je reste planté sur place à regarder Simon qui questionne son interlocutrice du regard, silencieux. Puis elle qui le toise avec dégoût, avant de se volter et partir en direction de la table où l'attendent ses amis, tandis que de son côté, Simon balaye les lieux d'un regard inquiet et d'un air agité avant de disparaître dans la foule.

Je pars à sa recherche pour qu'il me donne une explication, mais Sasha se jette sur moi tout éméchée et me prend par le bras pour nous diriger vers la table. Iban m'accueille comme un vieil ami. J'en oublie rapidement cette promesse que je me suis faite de l'étrangler.

La scène que je viens de vivre à l'instant reste gravée en moi. Pourquoi se fixaient-ils ainsi ? J'ai eu, pendant une fraction de seconde, l'impression qu'ils arrivaient à se parler à travers leur regard, comme s'ils se comprenaient, comme s'ils se connaissaient.

J'aurais aimé prendre Charlie à part, pour l'obliger à me donner une mise au point à ce que je venais d'assister. Impossible sans se faire passer pour un ancien petit ami tenace. Qui plus est, le type qui l'accompagne ne me facilite pas la tâche. Mon objectivité me sermonne aussi que je n'ai aucun droit de me l'approprier.

Passe ton tour le vieux prof.

Elle pose parfois ses yeux sur moi, mais se ravise en portant rapidement son attention vers Monsieur-les-mains-baladeuses. Je me tiens les tempes en les massant doucement dans le sens d'une aiguille d'une montre, pour me détendre et cesser de réfléchir.

Tout mon monde s'écroule, ou se réunit. Comment en suis-je arrivé là ce soir ? Mes amis londoniens avec le groupe d'amis de Charlie ? De mes deux ex qui arrivent à s'entendre et trinquer ensemble ? Épuisé par tout ce qui se passe depuis ces deux dernières années, je me pose sur un sofa et rejette ma tête en arrière afin de ne plus penser à rien.

J'entends les rires de mes amis qui s'ajoutent à ceux du groupe d'Iban. Plus loin, je distingue la voix de Charlie qui discute avec ce mec aux mots tordus et aux tournures de phrases incommodantes. À vrai dire, j'ai cette désagréable impression que la discussion va tourner au vinaigre. Ce qui ne tarde pas à arriver.

En un instant, la voix cassée de Charlie s'affole, expliquant qu'il doit arrêter ce petit jeu-là. Harceleur qui a l'air d'insister malgré le mécontentement de la jeune femme.

En entendant son ton paniqué, j'ouvre instinctivement les yeux. Personne autour de moi ne bouge. Ils sont tous en train de se hurler dans les oreilles et certains de la table dansent sur la piste. La musique recouvre ainsi les vociférations de Charlie. Suis-je donc le seul à l'entendre ?

Je vois ce sale pervers s'en prendre à ma radieuse Vénus. Il force de ses mains pour les remonter jusqu'à son entrejambe. Elle le gifle.

Avant même qu'il puisse poser la main sur elle, je me lève d'un bond et m'approche de lui. Je saisis son bras, je prends l'initiative numéro 1 en parlant calmement et en lui faisant entendre raison. Celui-ci m'envoie balader de façon très grossière. Ce qui me m'oblige à utiliser l'initiative numéro 2 : le soulever par le col afin de l'éloigner le plus possible d'elle. Ce malotru s'en prend à moi. Charlie intervient en lui disant d'arrêter. Il la bouscule, elle perd l'équilibre.

À la vue du corps de mon étudiante tomber contre le sofa, mon poing se resserre instinctivement et cesse sa course sur le nez de mon rival, avant de lui tomber accidentellement sur le dos pour le rouer de coups. Je sens plusieurs bras pour me retenir de ne pas l'envoyer à l'hôpital.

Quand les videurs débarquent, Iban leur explique que le gars du nom d'Emmanuel s'est mal comporté avec Charlie. Celle-ci, sous le choc, essaye de se relever tant bien que mal avec l'aide de Sasha, apeurée. Puis, sorti de nulle part, un grand blond, assez athlétique, fait son apparition. La main ensanglantée, je reconnais tout de suite Bastien.

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