Le 14 février [3/3]

4 minutes de lecture

— Mais quel enfoiré ! Comment ai-je pu être aussi conne ! C'est évident, chuchote-t-elle.

Qui elle traite d'enfoiré ?

Elle se précipite vers la porte mais je me poste devant, l'empêchant de partir sans explications.

— Qu'est ce qui se passe ? Parle-moi, reprends-je d'une voix plus calme.

— Il n'y a rien, sanglote-t-elle.

— Alors pourquoi pleures-tu ?

— Je ne pleure pas, certifie-t-elle en relevant la tête pour me faire front.

— D'accord tu ne pleures pas, la rassuré-je en passant une main sur son doux visage.

— Je m'excuse. S'il te plaît, pardonne-moi.

Cette fois-ci, c’est elle qui prend mon visage entre ses mains alors qu'une seconde larme s'écoule.

— Va falloir que tu m'expliques quand même un peu, Charlène. Je ne peux pas rester comme ceci. Sans comprendre, l'imploré-je en essuyant sa troisième larme.

Elle secoue la tête tout en fermant les yeux.

— Calme-toi. Dis-moi. Certes, je ne sais pas qui tu es, mais je crois savoir qui je suis.

—Je sais que je devrais t'en parler. Pourtant.... je.... par où commencer ? Et surtout, t'en remettras-tu ? balbutie-t-elle le visage enfoui entre ses mains.

Ses mains tremblent à nouveau. Elle est secouée de spasmes.

— On va en profiter pour discuter. Assieds-toi s'il te plaît.

Elle regarde d'abord le tabouret puis le lit :

— Je ne peux pas.

— D'accord, quand tu te sentiras prête on en reparlera. Un autre jour.

— Il n'y aura pas d'autre jour, James. C'est fini.

Les mots me frappent comme une épée qui s'abat sur ma nuque.

— Maintenant laisse-moi sortir, ordonne-t-elle.

— Est-ce que ça a un rapport avec ce que j'ai dit ?

— Non…oui…oublie ça.

— Viens..., la supplié-je en la prenant par la main, qu'elle lâche aussitôt.

— Je vais te dire une chose. On dirait que tu as pris une habitude vraiment récurrente, et d'ailleurs depuis sûrement des années, que les femmes te tombent du ciel, sans rien faire, comme j'ai pu succomber l'année dernière, qu'aujourd'hui tu as la certitude qu'elles peuvent s'attacher à toi et se soumettre à toi.

La colère me prend soudain.

— Qu'est-ce que t'en sais ? J'ai couché avec des femmes et c'est quoi le problème ? Je ne te connaissais pas.

— Ah bon ? poursuit-elle les yeux écarquillés. Très bien. Donc, le petit regard perçant de ta voisine lorsqu'elle nous a vus main dans la main, ne signifie rien ? N'as-tu pas couché avec elle peut-être ? Après avoir honteusement menti à son mari ? Hein ! Une femme mariée, putain, James ! Et Camille, tiens. Oui, parlons-en. Elle arrivera à ses fins parce que tu es un homme faible et, qu'un jour, je ne te satisferai plus. La dernière et non des moindres : Mme Cigliano ! Ma gentille prof qui n'a de yeux que pour toi. La pauvre, elle ne sait même pas dans quoi elle s'engouffre avec toi. N'était-ce pas elle avec qui que tu étais ce soir ? Ces femmes-là ? Elles sont bien dans le présent ? Pendant que tu me baises tous les jours ! Non ? Alors, arrête-moi ton cinéma, sale menteur ! C'est juste une histoire de cul entre nous, tu le sais très bien !

Elle est furieuse et s’égosille, alors je m’emporte à mon tour, en fermant les yeux un instant.

— Ah non, non ! Ne détourne pas cette fucking discussion ? Pourquoi as-tu changé de comportement ? À quel moment ce que j'ai dit, t'as mis dans cet état ? C'est quand j'ai parlé de ma vie à Londres ?

— Ouvre-moi cette fichue porte ! me répète-t-elle en serrant les dents.

Elle tire sur la poignée de la porte d'entrée. J'essaye de l'en l'empêcher, elle n'a pas le droit de me traiter ainsi. Non pas après l'année que j'ai vécue à Londres. Pas après ces six mois où elle est entrée dans ma vie en me la bouleversant. Non, elle allait rester c'est décidé ! Elle me pousse, puis ouvre la porte. Je la retiens par le bras en la suppliant de ne pas partir comme ça. Elle me bouscule et me donne des coups sur le torse. Je tente de l'attraper par les bras pour qu'elle cesse. Elle me gifle et part, me laissant le cœur en miettes et dans l'incompréhension de la scène qui vient de se dérouler.

Je fais les cent pas en cherchant le meilleur moyen de la faire revenir. Je prends un de mes t-shirt, enfile mes chaussures et dévale les escaliers de mon immeuble. Je glisse et me rattrape tant bien que mal à la rampe. J'ai les yeux embués, j'ai oublié mes lunettes, et je sens que ma vue n'est pas super nette.

Alors que j'arrive à sortir du hall, Charlie démarre son deux-roues. Je hurle son prénom dans la rue et je crie à en perdre la voix. Dans un état second, je ne me suis même pas rendu compte que j'étais sous la neige à peine vêtu. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Dans cette obscurité urbaine où rien ne se passe, où un homme attend son amante revenir vers lui, en espérant une explication. Une lueur d'espoir que tout ceci n'est pas arrivé. Qui lui enlèverait le poids qu'il porte sur ses épaules à cet instant.

— James ? entendis-je derrière moi. James ?

Je fais volte-face et me retrouve nez à nez avec Moïra.

— James, il neige, tu vas attraper froid.

It's over.... Elle est partie.

« L'énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive.

Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses. »

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