Le péché de chair [2/2]

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— Quelqu'un est au courant ?

— Nathalie seulement. Elle m'avait bien dit de ne pas le faire. Une étudiante qui me tournait autour. J'ai été assez con pour lui donner de bonnes notes alors qu’elle ne le méritait pas tant que ça, et elle me rendait visite dans mon bureau. Elle était très convaincante et ça se passait mal avec ma femme. J'ai fini par lui avouer. Par chance, cette histoire ne s'est jamais ébruitée, heureusement !

— Vous étiez amoureux ?

— Non. Avec le recul, je pense que c'était plutôt un deal. Je sais ça fait pauvre mec ...

— ... Je ne juge pas. La fille était consentante, je ne vois pas le problème. Nous, les hommes, sommes faibles sur ce point-là.

— C'est pour ça James, ne rentre pas dans ce jeu de séduction. Et, Charlène Mahé est une jeune femme qui, à mon avis, ne sera pas facile à oublier. Quand on a parlé de Bastien la dernière fois, son ex, c'était un mec qui avait du succès auprès des filles. Et dès qu'il s'est mis avec elle, il est tombé amoureux. Il en a eu que pour elle. J'étais l'un de ses professeurs et il y a des choses dont on ne devrait pas se mêler. Mais Mahé a fait parler d'elle dès qu'elle est entrée à l'Université et sans avoir rien dit, ni fait. C'est le genre de personne qui laisse, à coup sûr, une empreinte dans ta vie.

Une empreinte, oui. Elle est passée comme une tornade en balayant tous mes principes et mes valeurs. Incapable de l'oublier. Je me réconforte en me disant que tout cela est dû au fait que je la vois tous les jours. Que lorsque mes cours cesseront, elle sortira de ma vie, tout comme de mes pensées.

— Je vais faire quelques brasses, lui dis-je en me levant d'un bond.

— D'accord. Je vais voir où ils en sont avec le cours.

J'ôte t-shirt et lunettes que je dépose sur le banc. Je me dirige vers le bord de la piscine et plonge la tête la première pour longer le couloir de nage jusqu'à l'autre extrémité du bassin. Là où je me retourne et m'accoude dos au mur, avant d'apercevoir une silhouette subaquatique qui s'avance à mon encontre, bras accolés le long du corps. Sirène qui jaillit des profondeurs pour reprendre son souffle, eau ruisselante sur son visage. Charlie qui affiche sous mes yeux, le haut de son maillot de bain si bien collé à sa poitrine. Je suis coincé contre la paroi carrelée de la piscine, scotché par cette représentation vénusienne qui a surgi tel un mirage.

J'essuie mes yeux pour mieux la voir. D'une somptueuse gestuelle, elle rejette sa tête en arrière pour éviter que ses cheveux ne viennent la gêner. Buste relevé, je peux admirer ses tétons qui pointent en ma direction.

Fait-elle exprès ? Sait-elle seulement le désir qu'elle attise en moi ?

— Salut, James...euh... professeur ? Je ne sais plus.

— Salut Charlie, affirmé-je en répondant à sa question par la même occasion.

Elle sourit, comprenant que le « professeur » en privé n'est pas une obligation.

— Vous n'avez pas répondu à mon mail. Avez-vous assimilé ma note au portrait représenté ? m'expose-t-elle en tentant de rester à la surface.

— J'avais très bien saisi que cela avait un rapport avec la discussion que nous avons eue après... cette nuit-là. Cependant, je ne savais pas quoi vous répondre sans que cela dépasse la limite de la relation professeur-élève, avancé-je en jetant des regards inquiets autour de nous, dans l'espoir que personne ne nous observe et surtout pas Frank.

— Oh ! J'ai réussi à faire fléchir le grand expert James Taylor !

Je pose enfin mon attention sur elle. Sourire en coin, ses yeux forment deux iris malicieux. À quoi joue-t-elle ?

— Qu'est-ce qu'il y a ? Vous avez l'air mal à l'aise ? fanfaronne-t-elle.

— Je n'aimerais pas qu'on nous voie discuter si proche dans un lieu autre que l'Université.

Elle roule des yeux, agacée. Fatiguée de battre des jambes pour rester en surface, elle décide de faire quelques brasses de droite à gauche devant moi et je finis par lui exposer mon malaise :

— Mollet est au bout de cette piscine.

— Mais oui ! Frank Mollet. Ce modèle de déontologie ! déclare-t-elle en haussant les sourcils.

Elle s'arrête de nager en découvrant mon expression qui vient de lui donner réponse à sa question :

— Vous êtes au courant ! s'exclame-t-elle explosant de rire. Non ! Vous devez être proches pour qu'il vous avoue ceci. Vous a-t-il déclaré qui c’était ?

Je reste évasif. Déduire. Voilà son jeu favori. Je n'ai pas envie de jouer. Je suis bien trop nerveux pour ça.

— Je constate que je n'en saurais pas plus, m'analyse-t-elle.

— Êtes-vous venue seule ? demandé-je afin de détourner le sujet.

— Non je suis venue avec des amis.

— Pas avec Mademoiselle Durand j'espère ?

Elle éclate de rire. Un nageur longe la ligne où nous nous trouvons puis sort la tête de l'eau en quête d'oxygène afin de poursuivre sa nage.

— Vous n'appréciez guère ses tentatives infructueuses pour vous séduire ? continue-t-elle sur le ton de la compassion.

— Non pas tellement. Elle est mon étudiante, je vous signale. C'est importun.

— Un rien vous embarrasse, vous ! râle-t-elle. À croire que vous mettez toutes femmes séduisantes dans la catégorie « étudiante ».

— Non. Il y a des femmes qui ne sont pas mes élèves et avec qui je peux me le permettre.

— Très bien.

— Mademoiselle Durand ne me plaît pas, si cela vous convient mieux.

— Constance Malagret, c'est plus votre tasse de thé ? lance-t-elle en plongeant sa tête sous l'eau.

Constance Malagret ? Constance. N'est-ce pas cette étudiante en médecine rencontrée au Perchoir ? Charlie ressort de l'eau et profite que je sois perdu en réflexion pour glisser jusqu'à moi. Elle n'est plus qu'à un mètre. Deux centimètres de moins et je sens que je vais poursuivre ma nage sur trois jambes.

— Paris n'est pas bien grande, le saviez-vous ? Et Constance est connue pour ses marathons de baise le week-end. Ça vous a plu j'espère ?

— Ça ne vous regarde pas.

— Alors vous devriez être plus discret. Si vous ne voulez pas qu'on vous pose des questions, professeur, insiste-t-elle sur le dernier mot, vexée.

Elle se positionne sur le dos essayant de faire la planche. Je pourrais l'aider en la soutenant d'une main sous la nuque et une sur ses f... . Non ! Reprends-toi !

— Comment savez-vous ça ?

— Je vous ai dit. Paris n'est pas grande. Les nuits parisiennes ne sont pas un secret pour les étudiants même d'une université à une autre, me rapporte-t-elle. Dans tous les cas, elle a tiré le gros lot, ce soir-là. Vu ce qu'elle amène chez elle d'habitude...

— Et vous ?

— Moi ? s'étonne-t-elle de ma question, ce qui l'amène à se repositionner droite.

— Un petit ami ? Une aventure ?

Telle une prédatrice, elle s'avance vers moi. Haussant un sourcil, elle enfouit la moitié de son visage sous l'eau me laissant admirer ses deux billes vertes qui me scrutent avec espièglerie. Elle s'accroche lentement au rebord de la piscine derrière moi et en profite pour enrouler ses jambes autour de ma taille. Nos deux sexes seulement séparés par nos maillots de bain respectifs :

— Non. Personne.

Je déglutis difficilement. Je sens mon bas-ventre devenir bouillant. Pas ici !

— Sans vos lunettes, cheveux mouillés. Mmh, cela me rappelle une nuit sauvage que je ne suis pas prête d'oublier, me chuchote-t-elle en sentant ses seins s'écraser tout contre mon torse.

— Charlie, arrêtez...

— Quoi ? ricane-t-elle satisfaite de cette posture. J'ai du mal à rester à la surface, puis comme ça je vous tiens aussi.

— Si on nous voyait ?

— Personne nous voit et on ne fait rien de mal.

Elle me hume dans le cou en laissant échapper un « humm ».

— Vous savez ce qui se dit sur vous à la fac, Monsieur Taylor ? me murmure-t-elle.

L'excitation grimpe aussi vite qu'un ascenseur et j'essaye de ne surtout pas la regarder, ni de faire attention à sa voix devenue suave. Même intonation qui prolifère des allusions qui doivent pertinemment se dire dans un endroit plus intime. Comme mon appartement, par exemple.

— Les étudiantes vous baisent des yeux et n'ont que de magnifiques compliments à votre égard. Si vous le pouviez, vous auriez de quoi vous divertir avec chacune d'entre elles. Et les étudiants, ils vous admirent, tout en rêvant d'être comme vous plus tard. Certains vous jalousent parce que leurs conquêtes n'ont que votre nom à la bouche. Et dans tout ça vous savez ce que je pense ?

— Non, déglutis-je en me tournant vers elle, nos lèvres trop proches l'une de l'autre.

— J'ai eu le privilège de toucher et de goûter à votre chair, alors que chaque partie de mon corps vous a appartenu une nuit. J'ai de la chance, non ?

Je ne fixe que sa bouche. À cet instant précis, j'oublie toutes mes conquêtes précédentes. Il n'y a qu'elle et moi. Le frottement de son entrejambe contre mon membre en éveil. Son corps me réclamant. Mon souffle haletant qui se mêle au sien. Et alors que mes mains s'apprêtent à caresser ses cuisses, Iban fait un plongeon près de nous. Charlie enlève précipitamment ses jambes autour de moi avant de rejoindre son ami :

— On se revoit à la rentrée, Monsieur !

J'étais si près du but que j'aurais été en mesure de la pénétrer dans cette piscine, juste cinq minutes. Le plaisir de savoir que nos deux corps se réunissaient à nouveau. Me sentir entrer dans son intimité la plus profonde. Rien qu'à penser au plaisir que j'aurai pu lui donner, j'en veux à Iban.

Une frustration tellement grande que ma mâchoire se serre de rage. Le nez pincé, le souffle fort, je reste un instant contre la paroi de la piscine, le temps que l'eau me refroidisse. Je regrette de m'être laissé aller à cette séduction irrésistible de mon étudiante. Furieux, main tendue et frustrée, je frappe l'eau à grands coups et éclabousse mon visage, tout comme les quelques nageurs qui se trouvent près de moi.

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