Londres [2/5]

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Un fond de John Lee Hooker résonne dans le May Fair Bar et je me tourne vers Simon :

— J'ai des dossiers à déposer demain. Je dois passer quelques coups de fil importants à certains intéressés pour les œuvres d'Emlyn et à la Galerie Henoch de New York. Je t'en parlerai mieux demain. Hannah, tu peux prendre ta journée demain si tu le souhaites, rajouté-je en m'adressant à ma collègue.

— Ça ne m'ennuie pas tu sais, affirme-t-elle, un sourire bienveillant affiché sur son visage un peu rond.

— Elle aime être près de moi, certifie Simon, son bras appuyé sur le dossier d'Hannah.

— Excuse-moi, James. Je veux bien prendre ma journée. Ça me fera des vacances pour une fois, répond-elle en lâchant un rictus forcé à Simon.

— Je comprends. Tu m'aimes et c'est très difficile de me voir tous les jours. Faut savoir prendre du recul, s'approche-t-il d'elle en jouant avec ses sourcils.

— Je prends un jour de repos parce que mon patron me l'a gentiment proposé et que je suis fatiguée de devoir te supporter, avoue-t-elle sincèrement.

— De toute façon, j'ai fini les comptes aujourd'hui, change-t-il de sujet en s'adressant à moi et en enlevant son bras du siège de Hannah pour y prendre son verre. Faut que tu jettes un œil dessus.

— C'est exactement de ça que je voulais te parler. Merci, précisé-je.

Simon me tape dans le dos et s'exclame à l'intention de nos amis :

— Alors, où en êtes-vous ? Vous êtes déjà arrivés à la débauche de notre enseignant ?

— Quelle débauche ? s'intéresse Betsy, des cacahuètes en bouche.

Je laisse retomber ma main sur ma cuisse d'un geste de défaite. Secouant la tête, mes yeux se ferment instinctivement. Quel enculé celui-là !

— Qu'as-tu fait ? demande Paul soudain sorti de sa rêverie.

— Il ne vous a pas raconté la soirée de ses trente-huit ans, ce vieux bougre ?

— Ah ! Ça fait des cachotteries ! clame Sasha, curieuse.

— Bah alors raconte ! se réjouit mon traître d'ami, brûlant d'impatience.

— Oh non. Je vois que tu en crèves d'envie, mais attention à ce que tu vas dire sur elle, protesté-je.

— Ah oui ! Parce que le professeur Taylor a passé la nuit avec son étudiante mais il n'arrive pas à se l'enlever de la tête.

— Tu t'es sauté ton étudiante ? explose Sasha.

— Le pied ! approuve Daniel.

Sasha me foudroie du regard, bouche ouverte. Quant à Hannah, une expression de déception la défigure.

— Ça s'est passé avant la rentrée lors de notre sortie en club. Ni elle ni moi ne savions qui nous étions à ce moment-là.

— Mais, tu as bien remarqué son jeune âge, je pense ?

— Sasha, je t'assure qu'elle ne fait pas son âge.

— Ouais, c'est ça ! rétorque Simon en ne m'épaulant pas du tout. Ne t’en fais pas. Sasha s'inquiète pour toi c'est tout.

— Et comment est-elle ? s'intéresse William, une cheville sur son genou.

— Une étudiante assez jolie, assuré-je.

— Et pourquoi tu dis qu'il ne se l'enlève pas de la tête, toi ? lâche Hannah à Simon.

— Fallait l'entendre parler d'elle à la première minute où il lui a posé les yeux dessus, rétorque-t-il.

— Tu ne charries pas un peu, là ? dis-je en me remémorant l'instant où j'ai vu Charlie.

— Tu veux que je te rappelle tes propos ?

— Non, merci.

— Wow elle t'a tapé dans l'oeil ça veut dire, s'exclame Betsy en échangeant un regard avec Simon. Et vous en avez discuté ?

— Oui, on s'est mis d'accord de ne rien faire d'autre. Une simple relation professeur-étudiante.

— Ouais ce que tu dis ! Dans ta tête, je te connais, c'est digne d'un film porno ! s'amuse Simon.

— Oh Simon ça suffit maintenant ! clame Sasha en buvant son verre. Bon, si tu es sûr de toi, Jamie. Je ne te réprimanderai pas.

Je pose une main sur la sienne pour lui assurer que tout va bien. Mais elle me tire l'oreille en m'arrachant un cri de douleur.

— Moi, je ne comprends pas. Si vous voulez tous les deux aller plus loin, où est le problème ? dit Daniel de sa voix lente ajoutant sa gestuelle et de son haussement de sourcil.

— Parce que je ne veux pas qu'elle ou moi subissions les conséquences, réponds-je incertain.

— Donc, la voisine... ? commence à dire Simon.

— Quoi, la voisine ? Tu m'emmerdes avec elle ! lui crié-je.

— T'as pris mon conseil ?

— C'est qui encore ça ? balance Sasha. Il s'en passe des choses quand t'es loin de nous.

— Ma vie privée reste ma vie privée.

Simon se redresse et me regarde attentivement.

— Tu t'es fait la voisine ! Je connais ce regard et ce sourire. Alors ?

Je laisse un temps pour boire mon verre et me tourne vers lui en lui murmurant :

— Elle est effectivement expérimentée.

Il me tire la joue.

— Séducteur ! Moïra Kriegerman, mon salaud.

— Je n'y crois pas qu'à votre âge vous ne cherchez pas à vous recaser. On dirait deux ados.

— Ils ont été mariés ces jeunes, Hannah. Laisse-les profiter encore un temps de trouver la bonne, assure Paul. Puis, ces femmes sont parfaitement consentantes, qui plus est.

— Ah ! Plus que consentantes, j'ai moins de boulot de séduction qu'il y a vingt ans, flâne Simon.

— Parce que tu as l'argent. Ne va pas chercher plus loin, réplique Hannah.

— Ne sois pas jalouse mi cariña. Tu es la première femme dans mon coeur, la drague-t-il en approchant son visage du sien.

— Plutôt mourir, ajoute-t-elle en repoussant son visage. Geste qui laisse au métis d'éclater de rire.

Sur cette révélation publique, je pivote vers William, qui n'avait pas fini son explication avant que Simon et Hannah nous rejoignent. Paul et Daniel s'incrustent dans la conversation tandis que les femmes s'acharnent sur Simon et son manque total de tact. Je me sens enfin à ma place parmi eux. À les entendre se réprimander, se vanner et se raconter les dernières nouvelles de leur vie professionnelle et de leur quotidien. Il ne manque plus que Lauren. Je ressens son absence plus que jamais. L'entendre parler. Me donner un baiser sur la joue en entrelaçant ses doigts aux miens.

Et malgré ce manque, un autre s'ajoute. J'ai une nouvelle fois une pensée pour Charlie. Parfois, me demandant si elle aurait été à l'aise avec mes amis. Est-ce qu'ils auraient été sous son charme comme je l'ai été ? Oui, bien sûr que oui. Elle pourrait envoûter n'importe qui.

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