Ô Vénus, illustre muse !

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Septembre, neuvième mois de l'année, mois qui annonce la fin de l'été, la reprise des cours, du travail et des tâches domestiques. Les fruits, comme la récolte du raisin, se cueillent pour préparer l'automne et l'hiver qui approchent à grands pas. Dans les sciences occultes, le jour de l'équinoxe est un jour puissant pour pratiquer des rituels de sorcières, disait-on. Les oiseaux migrateurs prennent leur envol pour d'autres pays ou régions plus douces. Et pour ce qui est joyeux, les enfants conçus à la Saint-Sylvestre voient le jour vers la dernière quinzaine du mois.

Chaque matin, j'ai l'habitude compulsive d'aller chercher mon pain plus bas chez le boulanger - qui à force, m'accueille avec sympathie - afin de me poser dans un café pour lire une revue ou un livre.

Ce matin, chez Plumeau, je prends L'Équipe et Le Parisien. Le premier m'apprend que Manchester Utd a remporté deux buts à zéro contre Liverpool, ce qui nous laisse juste derrière Arsenal, en deuxième position du classement. Je me réjouis à cette idée. Il n'est pas question que l'on perde contre eux au match retour, sans ça, Sasha me charriera jusqu' à la prochaine saison.

Dans Le Parisien, un article intéressant : deux tableaux de Caspar David Friedrich Le moine au bord de la mer et L'abbaye dans une forêt de chênes qu'un collectionneur gardait précieusement dans un château près de Dresde, en Allemagne, ont été volés dans la nuit du 3 au 4 septembre.

Ces toiles ont été exposées pendant de longues années à l'Alte Nationalgalerie de Berlin avant que l'héritier ne demandât son dû et lâchât une somme monstre pour les enfermer dans sa collection privée.

Les vols d'œuvres d'art sont monnaie courante, cela alimente les marchés privés.

Je secoue la tête d'indignation, quand résonne la sonnette de l'entrée. D’instinct, je lève les yeux pour voir qui entre.

Ses longs cheveux tressés sur le côté sont d'un blond presque blanc. Je ne peux pas détailler son visage car elle se trouve trop loin pour discerner ses traits, mais j'inspecte ce qui la représente. Assez grande, élancée, elle est habillée d'un bustier en dentelle blanc noué au dos au niveau de sa taille fine et d'une jupe froissée rose pâle qui lui remonte jusqu'au nombril.

Quand elle me tourne le dos, je distingue une chute de reins vertigineuse, cambrée avec des hanches assez larges, je sens tout de suite mes mains devenir moites.

Le cœur battant, je me reprends et tente de faire une interprétation analytique face à ce choix de couleurs et de coiffure, sans oublier sa gestuelle quand elle s'assied, caressant la table pour s'aider à s'installer.

Le rose de sa robe représente une légère sensualité, et le haut blanc signifie l'innocence et la pureté. Sa raie est placée sur le côté gauche, ce qui traduirait une personnalité sensible et secrète, à l'inverse de la droite qui serait beaucoup plus émotionnelle.

Elle croise ses deux jambes, ostensiblement, en sachant qu'il n'y a personne à sa gauche : elle est sur la défensive. Séductrice, mais inabordable.

Incapable de détacher mon regard, je l'observe, envoûté par cette créature irréelle et enchanteresse.

Alors que le serveur presse le pas vers elle, elle sort un livre de son sac. Elle commande un thé et sort un croissant qu'elle pose sur la table avec une petite serviette. Nos regards se croisent un instant. Cette attention m'arrache aussitôt à ma rêverie. Je fais comme si de rien n'était en remontant mes lunettes sur le nez et en continuant de lire mon journal, qui est désormais devenu inintéressant.

Pour la toute première fois de ma vie, j'en viens à me demander si je dois l'aborder. Mais rien qu'à cette idée, mon cœur s’emballe affreusement, me persuadant que l’ensemble du café l’entend. Puis, si elle semble inabordable, je vais prendre un veto en plein visage et ça, c'est carrément inconcevable. Elle est jeune, ça se voit, adulte, mais jeune. Le serveur a plus de chance que moi, avec sa belle gueule de français et son sourire digne d'une pub pour dentifrice.

Les phalanges posées sur les lèvres, je réfléchis à quinze mille scénarios possibles, tous plus ringards les uns que les autres. Simon aurait tout de suite su quoi dire et comment l'aborder. En fin de compte, ce n'est pas plus mal qu'il ne soit pas là, je préfère la voir partir seule qu'avec mon meilleur ami. Et me voilà en train de ressentir une forme de jalousie. Cette femme ne m'appartient pas et elle ne fera pas partie de ma vie.

J'ai à peine le temps de me faire cette réflexion qu'elle se lève déjà et prend la porte avant de s'engouffrer dans la lumière du jour, sans un regard en arrière, sans une attention qui m'autoriserait à pouvoir la suivre ou m'approcher.

Ô illustre muse !

Impitoyable Vénus !

De tes astuces,

Comme de mes ruses,

De tes faveurs,

Comme de mon labeur,

Affranchis-moi de tes vertus !

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