Chapitre un. Séléné et ses vents.

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La nuit était de loin le moment préférée de Séléné. Les étoiles, l’ombre, le vent frais et surtout : la Lune. Elle n’était comblée que lorsque la Lune était bien haute dans le ciel, illuminant son royaume de sa douce blancheur.

Elle se sentait vivante, complète. Ses pouvoirs se révélaient davantage. Elle avait l’impression de n’être elle-même qu’avec son astre blanc.

C'était la raison pour laquelle elle avait décidé de quitter son palais la nuit tombée, pouvant se camoufler dans les ombres, souffler des brises de sommeil et disparaître dans l’obscurité.

Elle avait un besoin incompréhensible de sortir, seulement ce soir. D’habitude, elle se contentait de regarder de son balcon le lointain, mais aujourd’hui, elle le sentait. Le ressentait. Il fallait qu’elle sorte.

Drapée d’un foulard noir, enveloppant ses épaisses boucles rousses, elle sauta de son balcon, protégée par ses Vents. Elle atteint la terre ferme en douceur et silencieusement. Regardant à droite et à gauche, elle reprit son souffle et se mit à courir.

Gagnée par l’adrénaline, elle se laissa couler à travers le vent, volant et traversant le jardin à vive allure. Quand elle arriva aux murs du palais, elle posa sa main au niveau de son collier, caressant sa Pierre.

La Calcédoine autour de son cou lui rapportait réconfort, force et puissance. La nuit tombée, son pouvoir augmentait et Séléné se sentait immortelle.

Se sentant plus forte, elle prit son élan pour sauter au-dessus du mur et enfin, elle retomba sur le sol : celui du village.

Elle n’était plus la Princesse, pour ce soir. Elle avait besoin d’être quelqu’un d’autre.

S’immisçant dans les rues d’Ipérion, elle retrouva cette odeur d’oranger, si typique de son royaume. Elle entendit les cris, les rires, les discussions à foison autour d’elle. Elle se sentait si bien.

Regardant un peu partout, toujours cachée derrière son foulard, elle vit des bars encore ouvert, des hommes et des femmes boire directement à la bouteille, chantant et dansant.

Elle ne comprenait pas ce qui l’avait tant poussé à sortir ce soir, elle n’avait encore jamais ressenti cette sensation. Celle qui peut pousser jusqu’à l’irraisonnable.

Elle savait pourtant que si quelqu’un la reconnaissait, elle serait chassée, insultée. Mais son esprit ne lui mentait pas : quelque chose n’allait pas. Et c’était de son devoir de savoir quoi.

Il lui était déjà arrivé de sortir clandestinement la nuit, mais la plupart du temps, c’était en compagnie de sa soeur Aurore. Cette dernière avait un jour rencontré un homme du peuple et en était tombée amoureuse. Séléné lui servait de guet, de guide et surtout, de moyen de transport.

Les Vents de Séléné pouvaient faire voler quiconque, si elle le décidait. En l’occurence, Aurore avait réussi à mater ses Vents et pouvait maintenant s’en servir à loisir, à condition que Séléné soit à côté et soit d’accord.

C'était pour cette raison que certaines rues lui disaient quelque chose, elle reconnaissait des coins, des intersections, des bars et même des visages. Elle continuait de marcher, attirée par cette sensation, cette quête.

Elle se rapprochait du port, s’éloignant de la ville. Elle ne sentait pour autant aucune peur. Elle continuait d’avancer, regardant autour d’elle, cherchant à ressentir une sensation lui disant que c'était ici, là, qu’elle devait être. Mais pour l’instant : rien.

Ses yeux verts s’adaptaient bien à l’obscurité. Se retournant, elle vit le village au loin. Elle dût plisser les yeux pour bien voir, étant donné qu’aucun lampadaire n’illuminaient ce coin de la ville.

Elle sentit petit-à-petit de l’angoisse grossir en elle. Elle était rassurée uniquement par la présence de la Lune, la guidant sur sa route.

Elle finit par arriver au nord du port, se mit donc à le traverser pour arriver au niveau du hangar à bateau. C'était là qu’elle entendit les voix. Elle fronça les sourcils, alertée, et se rapprocha de la porte.

Les voix étaient trop loin, trop basse pour qu’elle puisse l’entendre. En cherchant une solution, elle regarda partout autour d’elle jusqu’à trouver une fenêtre ouverte, en haut de la palissade.

Guettant à droite et à gauche, elle utilisa ses Vents pour se soulever de terre et accéder au niveau de la fenêtre. Le plus silencieusement possible, elle s’y accouda pour se pencher en avant et pouvoir mieux entendre.

  • Quarante cinq milles hommes.

La voix était celle d’un homme d’âge mur, une cinquantaine voire soixantaine d’année. De là où elle était, elle pouvait voir ses cheveux poivre-et-sel en bouclette autour de sa tête.

L’homme en face de lui était plus jeune, une petite trentaine d’année et avait les cheveux d’un noir de jais. Sa voix était, quant à elle, plus douce, mais plus ferme.

  • Il en faut plus. Sa Majesté en attend plus de vous, Grégoire.
  • Toutes mes excuses, marmonna ce Grégoire en s’inclinant légèrement. Je suis désolé, je ferais de mon mieux pour vous satisfaire, Monsieur.
  • Ce n’est pas moi que tu dois satisfaire, mais mon Seigneur. J’attends de ta part bien plus de chose que ces simples hommes.
  • Oui, Monsieur.
  • Qu’as-tu d’autres à me proposer ?
  • Des Aegirines, Cacoxenites, Galènes et surtout des Obsdienne oeil céleste.

À cette mention, le sang de Séléné se glaça. Tellement que ses Vents en furent déstabilisés et elle retomba au sol dans un bruit sourd.

Craignant de s’être fait remarquer, elle caressa sa Calcédoine avec force et se laissa tomber contre le mur, s’enveloppant de la magie et de la protection de sa pierre.

Les portes du hangar s’ouvrirent avec force et elle vit les deux hommes arriver dans sa direction, cherchant partout la moindre présence.

Séléné, cachée derrière son voile protecteur, pût les observer autant qu’elle le voulait. Calmant les battements de son coeur, elle se mit à regarder le plus vieux des deux.

Les cheveux poivre-et-sel, le regard bleus ciel, la bouche pincée et entourée de dizaines de petites rides, il avait l’air bien plus vieux de près. Mais ce qui attira davantage son attention était la bague qu’il portait à son doigt.

Chaque royaume aux alentours avait un symbole propre, et ses sujets pouvaient avoir une bague avec ce symbole pour honorer son royaume.

Autant, le fait de voir un villageois avec ce symbole n’était pas rare. Mais ce Grégoire avec une bague avec un symbole qui n’appartenait par à Ipérion. Elle ne connaissait pas assez les autres royaumes pour savoir duquel il s’agissait, mais elle avait déjà compris que cet homme n’était pas un des siens.

En relevant la tête, son regard se posa instinctivement sur le second homme et elle sût. Elle sût que cet homme était la raison pour laquelle elle était sortie de chez elle ce soir. Elle le ressentait au fond d’elle.

Elle vit en lui quelque chose de froid, de calculateur, de méchant. C’était surtout pour ça que son souffle s’arrêta, de crainte de se faire repérer. À l’instar de son compagnon, cet homme paraissait bien plus puissant. Elle avait peur que sa respiration lui fasse défaut.

En s’arrêtant sur son visage, elle finit par voir une cicatrice briller grâce à la lune. Cette cicatrice partait de sa tempe droite jusqu’au coin de sa lèvre gauche, traversant son visage. Son oeil droit était en verre.

Un frisson lui envahit le corps, traversant sa colonne vertébrale. Elle ressentait encore les derniers mots de Grégoire au fond d’elle, en plus de la présence noire de ce second homme.

L’Aegirine, la Cacoxenite, la Galène et l’Obsdienne oeil céleste sont toutes des pierres précieuses interdites à la vente dans ce royaume. Elles sont surtout utilisés en temps de guerre. Chacune de ces pierres pouvaient protéger son détenteur contre les attaques psychiques et occultes, mais aussi pouvaient être des émetteurs-récepteurs qui captait les ondes nocives et les renvoyaient soit à la terre, soit à l’attaquant-même. Ce sont des pierres très puissantes et dévastatrices.

Séléné n’en avait jamais vu, sauf dans un livre. Elle n’avait jamais vu personne en parler.

  • Il n’y a personne, Monsieur.
  • Grégoire.

La voix grave de ce second homme emplit Séléné de frisson désagréable. Elle sentit son sang se figer dans ses veines.

  • Je ne préfère pas rester ici plus longtemps. Je te laisse t’occuper du reste de l’affaire ici. Sa Majesté te fait confiance, ne le déçoit pas. Ou nous te tuerons.
  • Bien, Maître.

Grégoire mit un genou à terre pour saluer son supérieur, qui disparut dans un nuage de fumée. Le pouvoir de la téléportation ! Séléné en avait entendu parler lors d’un de ces cours de sort, mais encore une fois, elle n’en avait jamais vu un devant elle. Elle était fascinée.

D’après ses souvenirs, elle avait lu qu’un saut de téléportation pouvait être effectué jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres en fonction de la puissance de son possesseur. Elle ne sût donc pas d’où venait cet homme, ni qui il était.

Elle resta encore sous son voile protecteur de longues minutes, où elle voyait Grégoire marmonner, grogner, jurer à tout va.

Elle le vit faire un mouvement vers sa main et le symbole inscrit sur sa chevalière se métamorphosa en celle d’Ipérion, de son royaume. Un sort de camouflage.

Les yeux dans le vide, réfléchissant à toute allure, elle ne le vit par tout de suite retourner à l’intérieur du hangar. Ce n’est que le claquement de la porte qui la fit sursauter et retrouver ses esprits.

Elle comprit que c’était l’occasion de partir, de rentrer chez elle, pourtant : elle avait envie d’en savoir plus. Dans un espoir vain, elle réutilisa ses Vents pour atteindre cette haute fenêtre et jeta un coup d’oeil à l’intérieur.

Elle vit Grégoire tourner en rond, puis tirer sur un drap qui découvrit des grosses bennes pleines de… Pierres. Elle était bien trop loin pour savoir de quelle pierre il s’agissait, pourtant, elle ressentait leur force puissante et brute l’envahirent. De telle sorte qu’elle sentit ses Vents s’amoindrir et tomba à la renverse.

Le bruit de sa chute avait sûrement alerté Grégoire, mais elle n’arrivait pas à bouger. La force puissance de ces pierres semblaient la paralyser, en plus du contact avec le métal dont était fait le mur du hangar. Elle arrivait même difficilement à respirer.

Entendant des pas rapides arriver jusqu’à elle, elle sentit son coeur battre dans sa poitrine et roula sur le sol afin de s’éloigner de cette attraction malsaine.

Elle ne bougea pas beaucoup, néanmoins, cette légère distance du métal lui permit de reprendre son souffle et de se lever.

Il était temps de partir ! Elle prit ses jambes à son cou, le coeur battant, sans regarder derrière elle et fuit en direction du palais.

Plus elle s’éloignait, plus elle retrouvait ses forces et son pouvoir. Elle se mit alors à voler, courir sur ses Vents, traversant son village par le ciel aussi vite que possible.

Elle finit par arriver devant le mur de son palais, le sauta facilement et atterrit dans son jardin. C’était uniquement ici qu’elle se permit à se détendre. Elle se laissa tomber contre le mur, soupira et ferma les yeux.

Elle ne comprenait pas trop qui était ce Grégoire. Un traitre de son royaume ? Un traitre d’un autre royaume ? Un méchant ? Un gentil ?

D’où venait toutes ces pierres ? Qui était ce second homme à la cicatrice ? Quel était ce royaume incrusté premièrement dans la bague de Grégoire ? Elle se souvenait d’un petit détail sur cette bague : un rubis. Pourtant, elle n’avait pas le souvenir d’avoir un royaume avec un rubis pour symbole.

Elle se sentit épuisée. Doucement, elle retourna à sa chambre et en atterrissant sur son balcon, la fatigue l’envahit. Elle ne réfléchissait plus, elle se laissa tomber dans son lit et s’y endormit.

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