Chapitre 3 : Un rendez-vous attendu

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J'ai aperçu Yuna alors que je m'approchais de la statue de Hachikô. Moi qui pensais arriver en avance... Décidément, même après un an ensemble, elle arrivait encore à me surprendre.

-SHÛHEI !

À crier trop fort, elle attirait l'attention. Sans parler du fait que lorsque que je fus à portée, elle a voulu se jeter dans mes bras. Comme d'habitude. En réaction, je l'ai évité. Comme d'habitude.

-Méchant ! Pourquoi tu continues de faire ça, même après presque un an ! me cria-t-elle dessus.

-Je pourrais te poser la même question...

-Moi qui était contente de te voir après tout ce temps !

Elle a alors gonflé ses joues pour montrer son mécontentement.

(Quelle gamine, parfois...)

D'un autre côté, c'était vrai qu'on ne s'était pas vu depuis un petit moment déjà. Je pouvais comprendre son enthousiasme mais sa façon de le montrer était un peu trop démonstratif à mon goût.

(Allez, je peux faire un effort pour aujourd'hui... Un petit peu...)

J'ai alors ouvert mes bras, pour l'inviter à se jeter dedans. De mon plein gré. Il y a un an, je me serais baffé pour n'avoir ne serait-ce qu'effleuré cette idée.

En voyant ça, Yuna a arrêté de faire la tête et m'a offert son sourire le plus radieux avant de se jeter dans mes bras et de me câliner comme si j'étais une peluche géante ou quelque chose comme ça. C'était très gênant. Encore plus quand les passants se sont mis à nous regarder.

(Tiens ?)

-Yuna... Tu as pris un peu de muscle, non ?

-Et alors ? C'est normal, quand on fait du sport ! me lança-t-elle en fronçant les sourcils.

-Je ne fais qu'une remarque. Rien de plus...

-Ouais...

Elle était toujours dans mes bras et ne semblait pas disposé à me lâcher. Les regards trop curieux des passants me mettaient mal à l'aise, à force, et nous sommes finalement partis. Après tout, nous étions supposés être en rendez-vous.

Après avoir traversé le carrefour Hachikô, je lui ai demandé si elle voulait faire quelque chose de particulier. Après un instant de réflexion, elle me fit part du fait qu'elle aimerait s'acheter quelques vêtements et une paire de chaussure qui s'accorderait mieux avec la robe qu'elle portait. Je lui ai dit que ça ne me dérangeait pas qu'elle porte ses baskets avec sa robe mais elle m'a fait comprendre, indirectement, qu'elle voulait être la plus jolie possible quand on se voyait.

(... Elle est mignonne... Et jamais je lui avouerais en face !)

Je lui ai proposé d'aller faire ses achats au célèbre centre commercial 109 de Shibuya. Dire que ses yeux se sont remplis d'étoiles en entendant ma proposition était encore très loin de la réalité. Elle m'a même tiré par le bras pour qu'on y aille plus rapidement.

Les magasins proposaient vraiment les dernières tendances vestimentaires, selon Yuna.

(Moi et la mode, de toute façon...)

Yuna aurait voulu acheter plein de choses mais son porte-monnaie n'aurait pas apprécié. Et elle m'avait aussi dit qu'elle espérait acheter autre chose que des vêtements. Finalement, elle s'est acheté une paire de chaussures et une belle robe qui lui faisait de l'œil. J'ai tenu à lui offrir un petit quelque chose et finalement, je lui ai acheté une paire de baskets de marque qu'elle puisse utiliser pour ses entraînements et ses matchs, avec un bracelet éponge. Elle était un peu gênée car ce n'était pas donné mais j'ai insisté. Ma récompense : un baiser sur la joue. Devant tout le monde. La gêne était là mais personnellement, ça valait le coup.

Midi était proche et à titre personnelle, j'avais un peu faim. Mais Yuna m'a dit vouloir aller dans deux endroits, avant.

Notre prochaine destination fut donc le Mandarake du quartier d'Akihabara. Huit étages de paradis pour les otakus et autres consommateurs de produits pop-culturels.

Évidemment, l'étage qui intéressait le plus ma copine était le troisième, celui dédié aux mangas. Pourquoi ? Pour trouver les tomes de Kuroko no Basket qui lui manquaient.

-Tu comprends, j'ai les premiers et derniers tomes mais il m'en manque pas mal entre les deux.

Et elle les a trouvés. Tous les tomes qui lui manquaient. Et d'autres mangas qu'on lui avait conseillés qui lui faisaient de l'œil. Seulement, encore une fois, le porte-monnaie risquait de ne pas suivre. Même si le manga à l'unité ne coûtait pas si cher que ça.

J'ai bien tenté de lui proposer de lui en acheter deux ou trois mais j'ai essuyé un refus direct. Les tomes d'un manga, ça devait être acheté par soi-même et n'être qu'offert qu'en de grandes occasions ! Source : Nanahara Yuna.

Tout en me demandant qui offrirait des mangas pour de grandes occasions, je n'ai pas insisté davantage.

Elle a donc fait un choix... et a pris tous les tomes de Kuroko no Basket qui lui manquaient. En plus de ses achats au 109, je lui ai proposé de porter le sac contenant ses mangas mais elle a refusé. Elle avait certes trouvé son bonheur au troisième étage mais elle voulait partir explorer les autres, par curiosité.

Nous n'étions pas restés longtemps aux étages quatre et cinq, un peu gênés par les lectures qu'ils proposaient. Ou du moins, aucun de nous deux n'assumaient pleinement et devant du monde s'intéresser à ce genre de lecture...

Nous avons donc traîné aux étages six à huit, pour regarder tout ce qui était jeux, figurines à collectionner, cartes à collectionner, etc...

Pendant notre visite, nous avons croisé quelques étrangers. Yuna a même abordé un groupe en train de faire une sorte de vlog sur le Mandarake. Ils ne parlaient pas bien japonais et leur anglais était maladroit mais compréhensible. Puis, au fil des échanges, je me suis rendu compte qu'ils parlaient français entre eux et je leur ai fait la remarque. Apparemment, ils étaient de Paris et venaient de temps en temps au Japon pour faire des vidéos découverte du pays. En discutant avec eux, Yuna leur a demandé si on pouvait voir leur vidéo sur YouTube, ce qu'ils ont confirmé. Après quelques échanges supplémentaires, nous les avons laissés et sommes partis du magasin.

Il était 13h et j'avais vraiment faim. Et Yuna aussi. On a regardé sur nos téléphones où trouver des endroits où l'on pourrait manger et le Kyushu Jangara Ramen d'Akihabara nous donnait envie.

Sur un commun accord donc, nous sommes allés là-bas pour manger. Et nous n'avons pas été déçus par ce qu'on nous a servis. Pendant que nous mangions, Yuna en a profité pour jeter un œil à la chaîne YouTube du groupe de Français que nous avions croisés plutôt. Une petite chaîne, certes, mais il fallait reconnaître que les vidéos étaient de qualité.

-Je ne comprends pas tout ce qu'ils disent mais ça a l'air intéressant, dit Yuna avant d'aspirer ses nouilles dans sa bouche.

-Mon français n'est pas top, avouais-je, mais de ce que je comprends, ils mettent surtout l'accent sur le côté exotique du Japon par rapport à la France.

-Oh, Shûhei ! Tu comprends le français ?

-« Comprendre », ce serait exagéré. Je le baragouine un peu mais je serais bien incapable de tenir une conversation soutenue.

Les yeux de Yuna se sont remplis d'étoiles quand je lui ai dit ça.

-On se connait depuis presque un an et je découvre encore des choses sur toi, Shûhei ! Je crois que je suis retombé amoureuse de toi !

-Je pense pas que ça aurait été la même, si j'avais parlé une autre langue...

On a rigolé et nous nous sommes dépêchés de finir nos bols, car d'autres clients faisaient la queue à l'extérieur pour avoir une place.

Nous avons décidé de nous promener un peu dans les rues, le temps de digérer un peu.

-Shûhei...

-Oui ?
-Tu dis que tu parles un peu le français... Tu as déjà voyagé en France, par hasard ?

-...Oui.

-Vraiment !?

Son cri m'avait surpris, ainsi que les passants aux alentours. J'ai dû lui demander de se calmer un peu mais ses yeux disaient clairement qu'elle voulait en savoir plus. Comprenant qu'elle ne lâcherait pas l'affaire, j'ai craché le morceau :

-J'y suis allé une fois, quand j'étais au collège. Avec mes parents. Pour rendre visite à de la famille.

-Ils vivent où ? À Paris ?

-Oui. Dans le 16ème arrondissement. Mais je ne suis pas particulièrement proche de mon cousin et de sa famille donc j'ai peu de contacts.

-Oh, je vois. La chance ! J'aimerais un jour y aller, à Paris. Au moins une fois dans ma vie.

-Tu as le temps, tu sais.

-Je sais.

Elle m'a alors agrippé le bras et m'a souri.

Après notre petite marche digestive, Yuna a voulu aller à sa dernière destination : Kabukichô, le quartier chaud de Tokyo.

...

Mon cerveau a mis un temps avant d'assimiler sa demande.

-Tu veux aller où ?! ai-je presque crié.

-Où le problème ? C'est pas comme si on allait dans un endroit malfamé, surtout en journée. Et tu n'es pas curieux de voir à quoi ça ressemble ?

-J'ai pas dit ça... Mais je ne m'attendais pas à ce que tu me demandes ça non plus. Et d'abord, pourquoi tu veux aller là-bas ?

-Mon grande frère est un fan des jeux vidéo Ryû ga gotoku et les jeux se passent essentiellement à Kamurochô, qui est inspiré de Kabukichô. Comme je le regardais souvent jouer avant qu'il ne parte de la maison, tu comprends...

-... C'est tout ?

-Bah oui ! Pourquoi ? Tu attendais autre chose ?

-Bah quand même... Kabukichô... Le quartier chaud de Tokyo... Je m'attendais à autre chose.

-...Obsédé.

-Et c'est toi qui oses me dire ça ?

-...Pas faux.

Elle rougit un peu. J'ai soupiré et j'ai cédé à sa demande. Après tout, moi aussi, j'étais curieux de voir à quoi ça ressemblait.

En milieu d'après-midi, nous étions donc à Kabukichô. Et en effet, de jour, cela ressemblait à un quartier plus ou moins normal. Plus ou moins si on faisait abstraction des nombreux love hotel, des soapland et autres établissements de débauches qu'on pouvait voir en se baladant un peu. Nous avions même croisé des types qui étaient certainement des yakuzas. Comment on l'a su ? On avait aperçu vite fait le tatouage de l'un d'eux dépasser de sa chemise un peu ouverte.

Finalement, nous sommes allés boire quelque chose dans un café, dans un coin fréquenté et plus « normal ».

-C'était... plutôt intéressant, fit Yuna, la main sur la poitrine. J'ai cru que mon cœur allait sortir quand on a vu ces types louches.

-Et pas avec le rabatteur qui voulait t'embaucher ?

-Non. Je savais que mon prince charmant me protégerait.

-Ne surestimes pas non plus ton « prince charmant » ou tu pourrais être déçue.

-Jamais je ne pourrais être déçue par mon Shûhei adoré.

Son sourire avait quelque chose de réconfortant. Un sourire que j'avais appris à aimer et chérir.

(Ça aussi, je ne lui avouerais jamais en face !)

Notre rendez-vous était déjà riche en activités et en émotions et la journée n'était pas terminée. Toutefois, je voyais que Yuna était un peu fatiguée. Qui plus est, il fallait qu'on ramène tout ce qu'elle avait acheté jusqu'à sa pension. Je supposais qu'il était temps que notre rendez-vous prenne fin. Mais ce fut une journée agréable.

Une fois nos consommations payées, nous sommes sortis du café.

-Je vais te ramener.

Alors que je me dirigeais vers la gare, Yuna m'a attrapé la main, tête baissée.

-Shûhei... On va pas se voir pendant un moment encore. Et...

-Et ?

-J'ai... envie.

-De ?

Elle m'a alors lancé un regard gêné, tout en rougissant. Puis, son comportement et le quartier où nous étions n'ont pas tardé à me mettre la puce à l'oreille.

-...Obsédée.

-Tu ne t'en plains pas, d'habitude.

-...C'est vrai.

Même moi, j'ai fini par être gêné. Mais il était vrai qu'on risquait de ne pas se voir pendant un moment. Autant en profiter à fond.

Donc, d'un commun accord, nous sommes allés dans un love hotel.

Je pensais qu'on se ferait refouler parce que si on regardait de plus près, il était clair que nous étions mineurs. Mais à ma grande surprise, le premier love hotel où nous sommes allés nous a donné une chambre ! Quant à savoir si c'était parce qu'on était à Kabukichô...

Quand j'ai voulu payer pour une heure, Yuna a insisté pour qu'on en prenne deux et qu'elle était même prête à participer aux dépenses. D'un côté, l'idée de faire des économies (alors que je n'étais pas particulièrement dans le besoin) était séduisante mais j'avais ma fierté !

J'ai payé pour deux heures.

Nous avons alors pris l'ascenseur et avons rejoints notre chambre. Rien d'extraordinaire en soi, mais suffisamment bien décoré pour mettre dans l'ambiance adéquate.

-Essaie de ne pas trop traîner dans la douche, lui ai-je dit alors que je posais nos affaires dans un coin. Je...

À peine me suis-je retourné que j'ai vu Yuna déjà en train se déshabiller.

(RAPIDE !)

Avant que mon cerveau ne se reprenne, elle me faisait déjà face en sous-vêtements. Et de la belle lingerie, au passage.

-Q... Quoi ? m'a-t-elle lancé en me voyant la dévorer du regard.

-Non, c'est juste... Tes sous-vêtements, ils sont nouveaux, non ?

-Idiot !

Elle s'est ensuite approchée de moi et a voulu m'aider à me déshabiller.

(J'imagine qu'on va sauter l'étape de la douche...)

Après qu'elle m'ait enlevé mon t-shirt, j'ai moi-même retiré mon pantalon et dès que je fus en boxer, elle s'est mise à m'embrasser langoureusement tant en m'entraînant sur le lit. Je la sentais frissonner sous mes mains baladeuses et je faisais de même quand ses lèvres se mirent à se balader sur mon cou. Ses lèvres qui m'avaient manquées...

Ses gémissements se firent plus fort quand mes lèvres se mirent à descendre le long de son corps pour s'arrêter juste au niveau de son ventre.

Et je ne comptais pas m'arrêter ici...

Finalement, nous avons abandonnés nos derniers vêtements pour une nudité intégrale. Cela faisait un moment que je n'avais pas eu l'occasion d'admirer son corps nu et cela ne me laissa pas indifférent.

Je suis alors descendu entre ses cuisses pour lui donner du plaisir. Elle s'est cambré violement au contact de ma langue et a gémis fortement. Elle a même tenu ma tête entre ses jambes pour que je continue et honnêtement, c'était mon intention. J'ai alors poursuivi mes coups de langue dans sa région intime, jusqu'à ce qu'elle jouisse. Voir son visage dessiné par l'extase avait son côté excitant. Puis, quand elle fut remise de son orgasme, ce fut elle qui me fit plaisir avec sa bouche. La sensation de chaleur, l'humidité de sa bouche et ses coups de langue me retournaient le cerveau. Comme à chaque fois. Elle me faisait même des choses qu'elle n'avait jamais tenté avant.

-Tu as encore regardé des vidéos pour te donner des idées ? lui ai-je demandé, en plaisantant à moitié.

-'a fe'me ! m'a-t-elle dit la bouche pleine.

J'ai failli éclater de rire face à la situation, puis elle m'a fait quelque chose d'osé et de surprenant, même pour elle. Sans entrer dans les détails (non, vraiment !), ce qu'elle m'a fait avec sa bouche a eu raison de mon endurance et j'ai... Enfin, vous avez compris.

Je crois que pour elle autant que pour moi, ce furent les préliminaires les plus intenses que nous ayons jamais eu. Mais cela ne restait que les préliminaires...

Il ne me fallut pas longtemps pour que je sois de nouveau d'attaque et après avoir enfilé un préservatif, je me suis littéralement jeté sur elle pour lui faire l'amour. Et nous sentions bien que cela nous avait manqué ! Si au début, j'étais doux dans mes mouvements, ce n'était plus vraiment le cas au fur et à mesure. Bien vite, elle comme moi, nous nous comportions comme des animaux en rut. Nous avons changé plus d'une fois de position et de préservatifs, avons varié la cadence et fait toutes sortes de choses, mais nous avions clairement profité de la vitalité de notre jeunesse.

J'ai regardé mon téléphone. Nos deux heures étaient presque épuisées.

J'ai arrêté de compter le nombre de fois où nous l'avons fait au bout de trois. Yuna et moi étions clairement en manque mais après ça, je pense qu'on pourrait tenir un moment. En théorie.

-Shûhei... Tu es un vrai animal, m'a-t-elle dit en riant alors qu'elle était en nage.

-Et toi, alors ?

Nous avons alors ri ensemble.

Notre temps dans notre chambre étant bientôt épuisé, nous avons pris notre douche ensemble. Avec baisers et caresses en bonus. Et c'était tout ! C'était tentant de le faire là aussi mais le temps... Sans compter la fatigue, un peu.

Pendant que nous nous rhabillions, je me suis permis de jeter un œil à ma copine. Nue comme habillée, la regarder ainsi de temps en temps était agréable.

-Pervers !

Elle m'avait grillé en train de la mater. Mais elle était plutôt souriante. Si j'avais encore des doutes sur le fait qu'elle pouvait être aussi perverse que moi par moment, ils se sont définitivement envolés.

Nous avons quitté le love hotel peu après et j'ai raccompagné Yuna jusqu'à sa pension. Nous n'avions pas parlé durant tout le trajet. La journée a été longue et intense. La fatigue nous avait donc sans doute rattrapée.

Devant le portail de la pension, j'ai donné ses affaires à Yuna.

-Désolée, Shûhei. J'aurai aimé te laisser entrer mais...

Du coin de l'œil, même si on ne pouvait pas les voir alors que la porte d'entrée était légèrement entrouverte, on se doutait bien que les autres locataires de la pension nous épiaient avec leurs yeux de petits curieux. Et moi non plus, je n'avais pas envie de sentir leurs regards sur moi à l'intérieur. C'était donc ici que l'on se quittait.

-On s'écrit ce soir ? me demanda Yuna.

-Oui.

Elle voulut m'embrasser sur la joue, en guise d'au revoir. Je pensais à autre chose pour conclure cette belle journée. Aussi ai-je légèrement tourné la tête pour qu'au lieu de ma joue, elle me donne un baiser.

Elle fut surprise, bien sûr, et si ça avait été une autre fille, j'aurais sans doute reçu une belle gifle.

Mais au lieu de ça, elle a souri et m'en a donné un autre. Avec la langue. En pleine rue. Alors qu'il y avait encore des passants. Non pas que c'était déplaisant mais je n'ai pas tenu non plus à ce que cela s'éternise trop. Même pour moi, faire ça en public me gênait. Elle aussi, de ce que je voyais, bien qu'elle tentât de le cacher maladroitement derrière un sourire espiègle.

Je suis finalement parti en la saluant d'un geste de la main, qu'elle me rendit avant de pousser la porte d'entrée dans la pension. Alors que je m'éloignais, je l'entendis donner de la voix : « Qu'est-ce que vous faîtes là ! Y'a rien à voir ! Circulez ! »

C'était une belle journée et un rendez-vous réussi, je trouve.

Le soir. J'avais du mal à trouver le sommeil.

Chaque fois que je fermais les yeux, Yuna finissait par apparaître à un moment ou un autre dans mes songes et nous... enfin, voilà quoi. Si bien que je finissais par me réveiller à tout bout de champ, avec mon... engin au garde à vous. Sauf une fois où j'avais juste envie d'aller aux toilettes.

Je me grattais la tête alors que je regardais l'heure sur mon téléphone. Tout juste minuit. J'avais soif et envie de sucre. Il n'y avait pas de distributeur proche de mon immeuble mais il y avait une supérette pas trop loin.

(Peut-être que prendre l'air me fera aussi du bien.)

J'ai enfilé un jogging et mes chaussures et suit sortit discrètement de l'appartement pour ne pas réveiller ma mère si elle était rentrée, tout en empêchant Kurô de me suivre.

Dehors, l'air était un peu frais.

J'ai vite atteint la supérette toujours ouverte et dont les lumières étaient un vrai phare pour ceux qui erraient encore dans les rues à cette heure-ci. Mais en même temps, les grandes villes ne dorment jamais vraiment. Surtout une ville comme Tokyo.

Je me suis pris un Coca et un onigiri à grignoter. En me dirigeant vers la caisse, j'ai cru voir une silhouette familière en train de faire la queue. Ce fut en m'approchant que j'ai alors reconnu Kinoshita, vêtue d'un jogging, d'un t-shirt et d'une veste.

-Toi aussi, tu as du mal à trouver le sommeil ? lui ai-je demandé alors que j'étais derrière elle.

Elle sursauta un peu en poussant un petit cri aigu (et mignon) avant de se retourner et de me dévisager :

-Ah, Nishiyama. Ça t'amuse, de faire sursauter ainsi les jeunes filles ?

-J'ai quand même de meilleurs passe-temps. Et désolé. C'était pas volontaire.

-Hm.

J'ai jeté un rapide à ce qu'elle tenait dans sa main : une boisson non gazeuse.

Elle paya son article et sortit rapidement de la supérette. Elle semblait attendre juste devant pendant que je payais ce que j'avais pris. Quand je suis sorti à mon tour, elle était encore là puis s'est mise à marcher avec moi en direction de notre immeuble.

-Tu avais peur de rentrer seule ? lui ai-je demandé.

-Idiot.

Elle n'avait pas nié, cela dit.

-Comment se passe ta Golden Week ? demanda-t-elle.

-Hm. Normalement, je dirais.

-Je vois.

-Oui.
-Tu en as profité pour voir ta copine ?

-Oui.

-Qu'est-ce que vous avez fait ?

-Pourquoi tu veux le savoir ?

-Par curiosité.

-Tu es plutôt franche.

-Tu préférerais que je sois moins directe ?

-Je n'ai pas dit ça.

-Tant mieux.

Nous ne nous sommes rien dit d'autre jusqu'à ce que nous arrivions devant notre immeuble. Je lui ai ouvert et tenu la porte pour qu'elle rentre puis nous sommes montés ensemble dans l'ascenseur.

Alors qu'il montait, elle m'a posé une question assez... perturbante :

-Nishiyama. Puis-je te faire une demande pour le moins... incongrue ?

-Dis toujours... Mais je ne te garantis pas d'y répondre favorablement.

-Est-ce que tu es disponible... disons, le dernier jour de la Golden Week ?

En effet, c'était une drôle de demande.

-Oui. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu me veux ?

-Ne sois pas autant sur la défensive. Ce n'est pas comme si j'allais te mordre ou quelque chose.

-On ne sait jamais...

-Alors ?

-Attends, sérieusement ?

-Oui.

-Ça ressemble à un rendez-vous, pour moi.

-Ça n'en n'est pas un. Du moins, pas dans le sens où tu l'entends avec ta petite amie.

-Et pourquoi tu me demandes ça ?

-Comme ça. Je me suis dit que nous pourrions passer du temps ensemble. Histoire qu'on apprenne à se connaître. En tant que camarades de classe et voisins, bien sûr.

J'étais perplexe quant à cette demande et j'étais sûr que cela se voyait sur mon visage. Au même moment, les portes de l'ascenseur se sont ouvertes sur mon étage. Kinoshita avait le doigt appuyé sur le bouton maintenant les portes ouvertes. Visiblement, elle attendait ma réponse.

-Tu te rends compte que ta demande peut me mettre dans une situation délicate ? lui ai-je dit.

-Si tu fais référence à la réaction que risque d'avoir ta copine si elle apprenait que tu as vu une autre fille dans son dos, je te conseille de lui demander son avis avant, alors.

(Sérieusement !?)

On s'est fixé un bon moment dans cet ascenseur. Pourquoi elle me demandait ça ? Ma curiosité avait été piqué au vif, je devais l'avouer. Mais comme elle l'a dit, je redoutais la réaction de Yuna si je sortais comme ça avec une autre fille, en toute amitié ou pas.

Je ne pouvais pas réfléchir calmement.

Je suis alors sortit de l'ascenseur en passant devant Kinoshita. Je me suis toutefois arrêté et lui ai alors lancé :

-Je vais en parler avec ma copine, avant. Je te contacterai pour te donner ma réponse.

Kinoshita resta silencieuse et je ne me suis pas retourné pour voir sa réaction. Finalement, c'est elle qui rompit ce silence :

-Oui, c'est le mieux à faire. Il ne faudrait pas créer un malentendu. Tu as mon identifiant LINE pour me contacter ?

-...Non.

Nous avons vite fait échanger nos identifiants avant qu'elle ne lâche le bouton des portes et me souhaite une bonne nuit avec un petit sourire.

(...Qu'est-ce qui vient de se passer, en fait ?)

Tout cela m'avait presque fait oublier ma soif et étrangement, j'ai réussi à bien dormir après.

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