La Peur du Loup

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— Vire-moi ton torchon de là !

Le père crie, comme souvent. Ce soir, sa fille n’a pas pu se résoudre à laisser Doudou dans sa chambre. Elle le cache sous sa serviette. Il vocifère de nouveau. La petite le défie du regard, tend les lèvres et souffle dans sa direction.

— Tu joues au loup des trois petits cochons ?

La petite est pétrifiée. Sa mère, silencieuse depuis le début du repas, veut se lever pour la cajoler. Elle sait la peur que l’image du loup provoque chez sa fille. Le père l’arrête du regard, mais ne boude pas son plaisir.

— Bouge pas. Qu’elle chiale. Pleureuse !

Il se lève et arrache Doudou des mains de sa fille. Il aboie encore ; sa femme et sa fille ont l’habitude. Au moins ce soir, il n’a frappé personne. C’est Doudou qui est l’objet de sa rage. Il ne ressemble déjà plus à l’agneau duveteux qu’il était, tant il a traîné ses lambeaux à chaque jeu de la petite. Malgré les pleurs de la fillette, son père refuse de le lui rendre. Il tient la peluche tendue entre ses mains et tire de plus en plus fort. Sa fille hurle de plus belle. D’un coup sec, il sépare la tête et le corps. Satisfait, il jette Doudou au fond de la cuisine.

— Tiens ! Et rappelle-toi, le loup, il a peur de moi !

Derrière la fenêtre, la lune est pleine. Le père, fourbu, se relaxe devant la télévision. La mère lit une histoire à la petite. Elle referme le livre de contes emprunté le matin même à la bibliothèque et borde sa fille.

La fillette serre Doudou tout contre elle.

— Maman, j’ai peur du loup…

— Serre fort Doudou et couvre-le d’amour, il te protégera de tout. Même du loup.

— Et de papa ?

La mère n’ose pas répondre. Elle dépose un baiser sur sa joue et lui souhaite bonne nuit.

Sous la couette en pyjama rayé, le père s’approche de sa compagne. Il lui caresse le dos, mais celle-ci se dérobe. Son corps se raidit et parle pour elle. Il insiste. Elle se crispe, la peur s’installe.

Soudain, de petits coups se font entendre contre la porte.

Le père se lève furibond. Il ouvre la porte d’un coup sec en hurlant. Ce n’est pas sa fille qui est là, mais une masse informe baignée d’obscurité. Depuis le lit, la mère ne voit que deux yeux blancs surplombant son mari. Une voix sans âge résonne :

— Le loup… a peur… de moi…

Le père est happé par les ténèbres dans un claquement de porte.

La mère bondit du lit et s’engouffre dans le couloir. Tout est paisible. La petite dort. Doudou, intact, tout contre elle. Sous ses yeux blancs tissés, un lambeau rayé pend de sa bouche cousue.

Discrètement, la mère rejoint la chambre à coucher.

Demain, elle ramènera les livres de contes, et le grimoire caché sous le lit…

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