Cinq heures du matin, lorsque le ciel agrippe la nuit comme un ours en peluche - il voudrait ne jamais avoir à se réveiller - mais que le jour insiste pour qu'on le laisse croître ; cinq heures du matin est l'heure d'étranges retrouvailles.

Les pulls de grand-mère se détachent des cintres, se lèvent des dossiers de chaises, sortent dans les rues et ne flottent au-dessus d'eux que des masses de boucles courtes couvertes par des visières tissées - les visages sont silhouettes. Les pulls s'interpellent de trottoir en trottoir. Je ne crois pas qu'ils sourient mais il me semble qu'ils sont heureux de se revoir.

Cinq heures du matin, heure des retrouvailles, les amoureux marchent côte à côte, laissant la distance se réduire à son aise, jusqu'à ce qu'au détour d'une rue, elle ne soit plus qu'un centimètre entre torse et poitrine. Des amoureux de l'aurore, j'en ai croisé une bonne demi-douzaine, comme des oeufs de ferme dont on percerait la coquille pour entrevoir la couleur du secret. Et j'ai pensé qu'à cinq heures du matin, tu n'étais certainement pas réveillé et quand bien même je t'aurais tiré du lit au nom d'une de mes insupportables lubies, tu m'aurais jeté un regard désabusé et aurais conjuré le sort avec un café sorti de nulle part.

Cinq heures du matin, les camions sonnent comme des paquebots pour mon oreille ensommeillée. Les chats ressemblent à de gigantesques monstres entre les ombres. Les cigales susurrent déjà alors même que les effluves des restaurants, cafés et boulangeries ne fleurissent pas encore au dehors.

Cinq heures du matin, heure des retrouvailles, j'attends le soleil en marchant. Et, tu sais, je n'aime toujours pas le café...