2/10 — Jade

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Ce matin-là, je sus dès le réveil qu'il me manquait quelque chose.

Pas quelque chose de physique, non. Quelque chose de plus important. Quelque chose d’essentiel. D’indispensable

Qui plus est, mes cauchemars me restaient en mémoire. Ils tapissaient mes pensées et s'y incrustaient avec ténacité. Je me souvenais parfaitement de cette atmosphère pesante et étrange ; elle m'envahissait encore après mon rèveil.

Dans ce songe morbide, j’étais traquée par un homme nu et sans visage et je me regardais mourir sans ressentir la moindre douleur. Mon corps démembré, assemblé dans un puzzle de chair incohérent, était amoncelé devant moi. Le sang ruisselait sans bruit. Les coups de hache s’abattaient sur moi sans relâche. Le plus incroyable dans cette histoire, c’est que je ne mourais pas. Je gardais un œil — ou du moins ce qu’il en restait — sur les morceaux de mon corps, non sans en perdre complètement l'emprise. À certains moments, je réussissais même à mouvoir, à distance, un ou deux orteils.

Je n’étais qu’un cadavre vivant éparpillé dans un songe.

Maintenant que j’étais réveillée — ou mirucaleusement ressuscitée —, j’avais besoin d’oublier ces détails. Pourtant, ils flottaient dans mon esprit, indissociables de ma pensée.

Il fallait évacuer tout ça, même si les paroles du Rêveur devaient continuer à résonner en moi toute la journée. Je voulais taire mes pensées, les éparpiller, les pulvériser comme les morceaux de mon corps durant cette nuit. Mais le Rêveur en avait décidé autrement.

« À ton réveil, tu ne seras plus jamais la même », avait-il dit.

Il me frappait sans cesse, mais j’entendais chacune de ses paroles.

Ce souvenir m'obnubilait.  

La journée ne faisait que commencer, et, sans aucun doute, cette sensation étrange ne serait qu’une vague réminiscence une fois celle-ci terminée. Pas de quoi s’inquiéter.

Mais je restais persuadée qu’il me manquait quelque chose. Je n’avais toujours pas saisi de quoi il s'agissait.

Une fois n’est pas coutume, pour oublier ces évènements douloureux, j’essayai de me distraire par la routine. Drôle de façon de réagir, mais je ne trouvai rien de mieux à faire. Et puis, la routine... ça, je connaissais !

Comme à mon habitude, je m’auscultais consciencieusement dans le miroir, espérant que mon reflet extérieur serait bien plus gai à regarder que ce que j’en avais vu, à l’intérieur. Pas de problème particulier ce matin-là. Ma peau rayonnait. Mon ventre plat ne rougissait d'aucune imperfection. J'aurais même pu dire que je resplendissais, mais je n'allais pas jusque là.

RAS, le ciel est dégagé. Tout est en ordre ! Tout le monde peut accoster ! Tu as ce qu'il faut, là où il faut ! Je me rassurai comme je pouvais.

Pourtant, quelque chose n'était pas à sa place et je le remarquai aussi dans mon reflet. Quelque chose qui n’était pas physique — j’en étais certaine — mais qui manquait à mon apparence. Quelque chose qui ne modifiait pas ma silhouette pour autant.

J’avais beau essayer de comprendre, je n’y arrivais pas.

Tout comme je n’oubliais pas le rêve de cette nuit-là.

Quelqu'un avait essayé de m'appeler plusieurs fois sur mon téléphone portable ce jour-là. C'est étrange, mais je ne l'avais pas entendu sonner.

Il s'agissait de mon ex-petit ami, Brad Taylor. Aucune importance. Il était sûrement la dernière personne à qui je voulais penser.

Je n'avais que ce Rêveur en tête.

Une impression terrible et dégoûtante parcourait mon être.

Qu'avais-je donc perdu ?

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