Chalet

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Il se sent toujours glacé, malgré la douche et le peignoir épais qui couvre son corps fripé.

Boris lui masse les pieds.

La chambre est typique, avec ses murs lambrissés, ses meubles lourds, et cette photo en noir et blanc d’un groupe de chasseurs alpins. Ils ont le sourire, ils sont fiers et confiants. Tout son contraire.

— J’ai été minable.

— Non, car tu es allé jusqu’au bout. J’ai eu Stéphane au téléphone, il est très content.

— Évidemment qu’il est content.

Il soupire, laisse ses épaules s’affaisser.

— D’accord, j’ai planté ce foutu drapeau, mais finalement, qu’est-ce que ça m’apporte ? J’ai diverti les gens, mais je ne me suis pas amusé. Et pire encore, j’ai l’impression de m’être tourné en ridicule.

— Ton image d'homme engagé reste intacte, Vincent, et surtout tu permets à des enfants de partir en vacances l’année prochaine.

— Si tu savais comme je m’en fous.

Boris se lève.

— Café ou thé ?

Sans attendre la réponse, Boris disparaît.

Vincent est immobile sur le dur matelas, les mains jointes sur son peignoir, tête baissée. Son cerveau est une nuée blanche qui s’agite et grésille, comme un écho de la journée. Dans deux heures, il devra être sur le plateau improvisé pour l’occasion, sourire aux spectateurs et fabuler son aventure. On repassera les quelques images qu’on aura réussi à prendre de sa montée, et il est prévu de revenir rapidement sur sa carrière. On se souviendra comme il était jeune et plein de colère, avant de le voir de nouveau immobile dans le blizzard, prêt à abandonner.

— Le temps file, Vincent, tu ne peux rien faire contre cela.

Vincent lève la tête. Boris est assis dans un fauteuil en face de lui, et deux petites tasses d’un café bien noir fument sur un plateau posé à même le plancher.

— Merci de me remonter le moral.

— Ce que je veux dire, c’est que ça a été difficile, mais pas inutile.

— Oui, oui, les enfants, tout ça.

— Je ne parle pas de ça, mais de la nouvelle chanson que tu vas interpréter tout à l’heure, après l’interview. C’était le deal non ?

Vincent se gratte doucement le menton.

— Ouais, c’était le deal, répondre au défi de la production afin de pouvoir présenter mon prochain album.

— Eh bien, tu as fait le plus dur, alors redresse-toi, merde, sois fier de ce que tu as accompli, et attrapes la perche que l’on te tend, avec les dents, avec la hargne, comme autrefois !

Une onde de chaleur lui traverse tout le corps. Boris a raison, mille fois raison.

Merci, Boris.

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