Chapitre XI. Oh ! Ta garde, Marcia !

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Face à Anna, Marcia hésita : une droite et on en parlait plus, baste. Mais perdu dans ses pensées qui l’assaillaient de toute part, elle ne vit pas arriver le poing de son adversaire qui lui coupa le souffle.

  • Putain, ta garde Marcia. Tu fous quoi ? Si au bout du premier coup elle te met KO, quel intérêt d’être montée sur le ring, cria l’entraîneur à l’autre bout.

La jeune femme tenta de se redresser pour faire bonne figure, mais la douleur était bien plus vive qu’elle ne le pensait. Anna riait sous son nez et ne put résister de lui balancer :

  • Eh bien c’est tout ce que tu as dans le ventre aujourd’hui. Franchement, Paolo te verrait il serait déçu, lui qui te trouvait géniale avec des gants de boxe. Combien de fois, il a vanté tes qualités.
  • Qu’est-ce que tu as dit ? Je vais te faire ravaler tes paroles, si bien que ta mère t’interdira de te repointer à la salle. Ta petite bouille d’ange de salle gamine des quartiers favorisés va se souvenir de moi.
  • Arrête, tu as une grande gueule mais tu ne me fais pas peur. Les mecs rampent à tes pieds, moi je ne vois qu’une pauvre bête que j’ai envie d’achever.
  • Oh, les filles on se calme, s’empresse de dire Wesley, découvrant à son retour le mauvais film qui se jouait dans la salle.
  • Non laisse les faire, des nanas qui se crêpent le chignon c’est super excitant, annonça Medhi qui le suivait.
  • Tu déconnes, Marcia va pêter un câble, et je ne donne pas cher à ta poupée Barbie. Il vaudrait mieux arrêter l’entraînement. Coach tu n’es pas d’accord ? suggéra Wesley.

Le coach acquiesça et monta à son tour sur le ring, il sentait la tension monter et même si dans sa salle on apprenait à se battre, ce n’était pas un lieu où on réglait ses comptes. Il avait conscience que Marcia souffrait. Elle avait pris l’habitude de déposer ses bagages ici depuis qu’elle s’était inscrite. Mais dans ce cas-là ce serait lui ou le sac qui prendrait et personne d’autre. Il sépara les deux femmes qui voulaient se lancer dans un corps à corps qui ne correspondait plus au sport qu’il aimait enseigner. L’entraîneur avait rencontré des tas d’écorchés vifs surtout dans son quartier. Il avait tout mis en œuvre pour que dans cet espace, ceux qui venaient si réfugier puissent trouver un lieu où ils se sentaient respectés et en sécurité. Cela ne changerait pas ce soir, il considérait Marcia comme sa fille, ce n’était pas pour autant qu’il lui accorderait la moindre faveur. Elle le savait aussi et ne voulait en aucun cas briser ce serment.

  • J’en ai assez pour ce soir. Ça me gonfle tout ça. Je me casse, dit Marcia avec un regard noir que connaissait trop bien Wesley. Cela ne présageait rien de bon.
  • Eh non, tu ne vas pas me laisser plantée là. Tu dois me servir de partenaire d’entraînement. Ce serait trop simple. Tu fais comme d’habitude, tu te dégonfles et tu files. Petite joueuse, siffla Anna.
  • Ferme ta bouche si tu n’as rien d’intelligent à dire. J’étais venu pour me changer les idées, évacuer la colère qui me ronge. Là tu viens de tout gâcher une fois de plus à te mêler de ce qui ne te regarde pas. Ras-le-bol des gonzesses comme toi. Retourne dans les jupes de ta mère, elle ne voudrait pas que sa fi fille soit amochée par la Bad Girl du quartier des 4000.

Marcia enjamba les cordes et disparut dans le vestiaire avec pour seule envie celle d’aller cacher les larmes qui ourlaient ses cils, des perles d’amertumes et du désespoir qui venaient de la terrasser. La petite bourgeoise venait de lui affliger une belle correction. Elle se détestait, elle aurait eu envie de lui rendre la monnaie de sa pièce et pourtant elle s’était retenue. Dans quelques jours, l’examen qu’elle allait passer était bien trop important pour tout gâcher en une soirée. Les mots qu’Anna avaient balancés, étaient tout aussi violents qu’un uppercut. Elle avait remporté le combat sans avoir à bouger le petit doigt. La boxeuse hésita un instant avant que son poing encore dans son gant n’aille s’écraser sur le casier. Une grimace sur le visage et un cri inaudible emplirent le silence de la pièce. Elle attrapa sa serviette et son savon, une douche lui ferait le plus grand bien.L’eau dévalait sur sa peau qui frissonnait, les mains appuyaient sur le carrelage, elle résista pour ne pas s’écrouler sur le sol. La rage la traversait de part en part et la fragilisait. Elle était furieuse contre ces monstres qui tuaient ses amis. Le premier qui avait volé la vie de son amie en Guyane et cette autre qui venait de dérober l’avenir de son ami Paolo. Des images inondaient son âme, faisant remonter la culpabilité qui la terrassait. Cela était tellement injuste. Pourquoi eux et pas elle finalement ? À quelques minutes près, ce jour-là, avec son amie d’enfance, elle devait se retrouver sur la plage après les cours pour profiter du coucher de soleil en écoutant de la musique sur le sable. Juste deux adolescentes rêvant à remporter des courses et réussir leurs études. Elle se revit le regard de Paolo avec son grand sourire, trois jours auparavant, ils s’étaient donnés rendez-vous pour finir la nuit au local. Paolo n’avait pas eu le temps d’arriver jusque-là, sa route s’était terminée sur l’asphalte au pied de la tour Balzac, une balle dans le corps.Elle passa sa main sur cette même joue où son ami avait déposé son dernier bisou et où le jet posait maintenant une douce chaleur. Tout était tellement injuste, et le pire de tout était de découvrir qu’on accusait son pote d’être un petit caïd de quartier. Elle en avait marre qu’on pense que les petits gars des 4000 étaient tous des dealers, qu’on les case dans des tiroirs que l’on pouvait fermer sans aucun regret. Marcia saisit la serviette et commença à s’essuyer évacuant les traces de ses angoisses qui la submergeait à cette heure. Elle avait conscience qu’elle ne pourrait pas toutes les balayer, elles seraient tatouées en elle et l’eau n’effacerait aucune d’elle, quand elle entendit deux voix.

  • Y a quoi entre vous ? C’est quoi le problème ? Tu devrais contente qu’elle ne t’aie pas mis en miette, tu l’as échappée belle, dit Bianca
  • Elle me gonfle avec ses airs de poufiasse, je ne supporte plus de la voir se pavaner comme si c’était elle la meilleure, avec le plus beau cul de Paris ; répondit Anna avec véhémence.
  • J’ai discuté avec son ami Wesley, tu as été injuste et méchante, elle vient quand même de perdre son ami. Tu ne te rends pas compte de ce que c’est de savoir qu’un pote a fini comme ça allongeait sans vie sur le goudron. Je peux la comprendre, je viens de vivre la même horreur.
  • Ah bon
  • Laisse tomber.
  • Je te rappelle que je connaissais aussi Paolo. Et qui tu es pour me juger ? Tu viens juste d’arriver et déjà tu as tapé dans l’œil du coach, rajouta Anna.
  • Tu es jalouse maintenant. C’est sur moi que tu devrais taper alors, demain on met les gants cousines… comme à Bari quand tu voulais ce beau marin et que qu’il a fini dans mes bras. Enfin baste, ce n’est pas le sujet. Tu ne sembles pas toucher parce qui se passe autour de toi. Tu réalises que c’était un jeune de notre âge, il avait toute sa vie devant lui. Tu imagines ses parents dans quel état ils doivent être.
  • C’est là que tu te trompes. C’est de sa faute, Marcia est un poison.
  • Qu’est-ce que tu racontes ?
  • Avec ses idées de justice, avec son envie de toujours connaître la vérité. Paolo a voulu lui prouver qu’il était capable d’en faire autant.
  • Je ne comprends rien de ce que tu racontes.
  • Tu peux être plus précises, ajouta Marcia furieuse qui déboula avec la serviette autour de son corps.
  • Tu le sais très bien, ne fais pas l’innocente.
  • Tu m’embrouilles, tu penses que je l’aurai laisser faire quoi que ce soit, si j’avais su que sa vie était en danger. Qu’est-ce que tu me caches ? Putain, si tu sais quelque chose, crache ton venin.
  • Tu veux que je te dise quoi, que son père était raquetté, combien de fois nous l’avons retrouver en larmes dans le local ?
  • Et tu insinues quoi ?
  • Qu’il a suivi tes conseils.
  • Mais …
  • Tu l’as foutu dans la merde, assumes.

Cette dernière phrase fut la dernière gifle de la soirée que la jeune femme était prête à encaisser. Marcia voulut se jeter sur Anna quand Bianca se glissa entre les deux femmes. Il y avait de l’électricité dans le vestiaire, elle était persuadée que rien de bon ne pourrait en résulter.

  • Calmez-vous. Vous allez faire une bêtise que vous regretterez à votre tour.
  • Dis à ta cousine de me foutre la paix, demanda Marcia en s’adressant à Bianca.

La serviette s’écroula à terre, la belle métisse toisa du regard les deux filles qui n’osèrent plus rien dire, en découvrant le bleu qui apparaissait sur le côté, trace du seul coup administré lors du combat éphémère. Anna découvrait la trace de son gant, ne put s’empêcher de lui balancer une crasse avec un sourire en coin :

  • J’ai abimée la cuirasse de a reine Marcia juste d’une pichenette et la jeune femme détourna le regard gêné.
  • Ça va aller ? s’empressa de demander Bianca.
  • T’inquiète, ce n’est pas le premier ni le dernier. C’est comme ça, les cicatrices de la vie. Celle-ci disparaitra avec le temps.
  • Et les autres, celles qu’on ne voit pas ?
  • Je ne sais pas, elles sont faites de trace de sang indélébiles.
  • Anna attrapa ses affaires pour aller se laver et en se dirigeant vers le bloc des douches en frôlant à nouveau Marcia qui ressentit une envie de lui en mettre une.
  • Putain, ne me touche pas.
  • Oh c’est bon, tu me casses le pied.
  • Et toi, tu es une insupportable petite fille capricieuse.
  • Arrête de m’appeler comme ça, tu sais que ce n’est pas vrai.
  • Quoi, tu n’arrêtes pas de te vanter. Toi la petite parisienne qui vit du bon côté de la rue et qui a tout sur un plateau d’argent depuis qu’elle est née.
  • C’est là que tu te trompes. Toi tu es libre. Peut-être que tu as raison, je suis jalouse moi la fille qui vit dans une cage dorée.
  • Et c’est pour çà que tu m’en fous plein la gueule.

Marcia prit un temps avant de répondre prenant en compte sa dernière remarque. Elle observait le visage d’Anna qui venait de se détendre tout à coup comme si cette révélation venait de lever un voile.

  • Pardon Marcia, je ne voulais pas être aussi vache, dit Anna en reniflant.
  • Laisse tomber, peut-être que tu as raison, c’est de ma faute tout ça. C’est pour ça que je dois tout faire pour prouver son innocence. En attendant, si tu as la permission de ta mère. Rejoignez-nous au local.
  • Pas besoin de son autorisation, nous viendrons.

Anna fila à son tour sous la douche pendant que Marcia ramassa sa serviette, se rhabilla. Avant de quitter la pièce, elle se retourna et regarda Bianca droit dans les yeux avec un sourire aux lèvres.

  • Pas drôle la vie à Paris, Grenoble va rapidement te manquer. Les montagnes enneigées ça doit-être magnifique.

Puis la boxeuse attrapa son sac et s’éclipsa rejoignant son ami Wesley qui la prit dans ses bras.

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