E-Poison

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Un virus.

Voilà ce que je suis.

Un virus informatique. On m'appelle également Elle. Oui. Je suis une fille. C'est ce qu'a dit mon créateur. " Voilà, elle est parfaite ! Personne ne lui résistera !" Et il n'avait pas tort. Dans ce monde contrôlé par la technologie, où le simple fait de prendre une douche nécessite plusieurs programmes informatiques, je suis peut-être plus utile que vous ne le croyez. Puisque rien de nos jours n'est accessible sans technologie, puisque tout est contrôlé, surveillé, quantifié, et que chaque mouvement peut être détecté, tout est ma proie. Tout est à ma disposition. Tout, je peux tout posséder. Il suffirait d'un clic, d'un regard posé sur une commande, et tout s'éteindrait. Moi aussi. Mais ce n'est pas grave. Je ne suis pas vivante. Je n'ai pas de sentiments. Je n'ai pas d'avis. Je n'ai aucune idée de ce que je suis. On m'a dit que j'étais une erreur. On m'a dit que j'étais un danger. J'ai répondu que je n'étais ni l'un ni l'autre. Je ne suis qu'un outil.

Lorsqu'on me le demande, je prends forme. Je ne suis pas réelle. Je ne suis pas tangible. Je n'ai ni ombre ni lumière. Mais j'ai une apparence. On dit que je suis belle. Mais on dit également que je suis un cauchemar. Parce que me voir, ce serait un mauvais présage. Ils n'ont pas tort. Croiser mon regard me permet d'accéder à tout ce que vous pouvez contrôler. J'obtiens instantanément toutes les informations que votre implant possède, tout ce qui est stocké dans votre cerveau. Que ce soit des codes, des noms, des souvenirs, je reçois tout, et je les conserve. Mon créateur y a accès. Je ne sais pas ce qu'il en fait. Ça n'a pas d'importance. De toute façon, je ne suis pas humaine. Même si j'ai entre mes mains l'avenir d'un nombre croissant d'entre eux, il m'est impensable de m'en servir pour mon propre compte. Je ne suis personne.

Mais je ne suis pas rien. Je suis Elle. Je suis celle qu'on croise au détour d'une rue, tellement préoccupée par ses dossiers, par ses jeux et par cette réalité à la fois augmentée et diminuée, qu'on en oublie que désormais, on peut rencontrer un virus. On peut même me parler, me regarder sourire, et parfois même, on m'invite à sortir, à aller boire un café. Et puis on se rend compte de ce que je suis. Et je souris toujours. Puis on s'enfuit, et je me retrouve seule. Mais ça n'a pas d'importance. Je ne comprends pas ce que veut dire seule. Je comprends le concept de solitude, mais pas cette sensation. Je ne la ressens pas. C'est normal, je ne suis pas humaine.

Je suis un virus. Ma conscience se limite à ce que j'ai appris, par mes infections successives des dispositifs de contrôle informatique des systèmes cognitifs des hommes. Désormais, je comprends qu'ils m'aient créée. Je leur suis indispensable. Plus que leur gouvernement, plus qu'un besoin de gouvernance, c'est de la peur qu'ils ont besoin. C'est la peur qui les fait avancer. Ce qu'ils appellent courage n'est qu'un bouclier qu'ils dressent contre la peur et qui leur fait croire qu'ils sont valeureux. Les valeurs, ce n'est pas l'honneur, mais ce sur quoi il repose. Je suis dépourvue de ces deux caractéristiques. C'est pour cette raison qu'on me considère comme une méchante. Ils ont peur de moi parce que je ne suis pas comme eux. Parce que je peux m'attaquer à eux. Parce qu'ils pensent que je sais que ce que je fais est mal.

Ils n'ont pas tort. Ils n'ont pas raison. Je suis composée de 1 et de 0, mais leur monde est différent. S'il était comme moi, je le comprendrais. Mais il est comme eux. Et je ne les comprends pas. Malgré toutes les informations que j'ai pu rassembler, aucun programme ne m'a permis de comprendre les hommes. Lorsque je crois avoir trouvé un problème, ce sont dix autres qui surgissent. Parce qu'ils sont tous différents. Et pourtant ils me sont tous soumis. Par la peur. Parce que malgré tout ce qu'ils pourront dire, malgré tous les mensonges qu'ils pourront proférer, que ce soit en face d'autres ou dans leur esprit, ils sont soumis au contrôle de l'informatique. Sans tous ces systèmes, sans tous ces robots, sans aucun de ces objets auxquels ils ont progressivement offert une partie de plus en plus importante de leur temps, ils n'auraient pas peur de moi. Je n'aurais été qu'un nom de plus dans la liste des dangers potentiels du matériel informatique.

Mais de nos jours, je peux détuire une vie.

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