Chapitre I : Méfiez-vous des fluos empoisonneurs

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  Allongée dans l’herbe sur le dos, je profitais du beau temps, observant les formes des cumulus se découpant dans le ciel bleu, mon casque balançant dans mes oreilles le dernier Good Charlotte. J’aimais ces jours-là. Ces jours banaux qui se transformaient en des jours exceptionnels grâce à un détail insignifiant. C’était le dernier jour des cours au lycée Marie Curie, enfin seulement pour les privilégiés , c’est-à-dire nous, les élèves de seconde. Fanny me sortit de ma rêverie en me balançant un coup de poing affectueux sur le biceps et inclina la tête pour me désigner mon champ de vision gauche. Amine arrivait en courant vers nous. De nature théâtrale, il effectua un salto suivi d’une roulade pour venir se poser entre Fanny et moi.

  • Crâneur, lui lançai-je en rigolant.
  • Tu dis ça seulement parce que tu es jalouse, je le sais bien, rétorqua-t-il en passant ses bras autour de nos épaules.
  • Ou amoureuse, se moqua Fanny avant de recevoir un coup de poing non affectueux de ma part.

Amine explosa de rire en voyant ma mine déconfite. On se tournait autour depuis quelques mois et même si notre attirance mutuelle était assez évidente, aucun d’entre nous ne tentait quelque chose. Ce qui avait tendance à exaspérer le troisième membre de notre bande.

  • Allez Lola, fais pas la tronche, me lança mon amie en battant innocemment des paupières.

Je m'apprêtais à lui envoyer une pique bien tournée quand l’alarme du lycée se déclencha, nous faisant tous sursauter. La voix du directeur du lycée résonna dans la cour:

“Avis à tous les lycéens, veuillez-vous diriger vers la sortie immédiatement. Deux de vos camarades ont décidé de terminer l’année en beauté en se lançant dans une course-poursuite à coup de hache, littéralement. Afin d’éviter tout accident malheureux et dans une optique de ne pas gêner les autorités qui vont débarquer pour les arrêter, veuillez quitter le lycée sans faire de vague.”

Je regardai mes deux amis avec un air dépité et interrogatif. C’était quoi ce beans? Y’a deux mecs qui veulent se buter à la hache dans notre lycée? Et pourquoi nous le dire? Sérieusement? Il a réfléchi deux minutes le dirlo avant de balancer cette info à une bande d’ados prépubères inconscients - moi compris ? Il cherche quoi à part attiser notre curiosité et annihiler tout instinct de survie en allant directement voir ce qui se passe? Lorsque je sortis de mes réflexions, Fanny avait disparu et Amine avait l’oreille greffée à son téléphone.

  • Fanny a flippé, me dit-il avant que je puisse l’interroger. Elle est partie. Ecoute, j’ai eu Guillaume au tél. C’est Benoît qui a pété un câble et qui veut le tuer car il a couché avec sa copine. On doit les retrouver et empêcher le massacre. C’est mon meilleur pote.

Sans me demander mon avis, il m’entraîna ensuite vers les casiers en me tirant par le bras. J’ouvris le mien et remplis mon sac d’un sac de couchage, de provisions, de corde et d'une lampe-torche. Le lycée était tellement grand, que si l’on devait partir en expédition de sauvetage, je préférais être prévoyante. Aussitôt parés nous nous lançames donc à la poursuite de nos collègues de bahut. Cela ne faisait que quelques minutes que nous courions, lorsque la voix du directeur tonna de nouveau dans les haut-parleurs.

“Avis à tous les abrutis d’élèves étant restés, faites demi-tour et sauvez-vous! Vos camarades ne sont pas seulement en train de se poursuivre pour se battre. Les autorités viennent de nous prévenir qu’ils sont en réalité deux tueurs en série ayant pour particularité de peindre leurd vêtement avec le sang de leur victime. Sauvez vos âmes, nous ne vous sauverons pas !”

Passée la stupeur, je me fis la réflexion qu’il était vrai que je ne les avais jamais vu porté d’autres couleurs que du noir, du rouge ou du marron. Hum. Bizarre. Alors que je m'apprêtais à faire demi-tour, Amine, les larmes aux yeux me supplia de l’aider à les retrouver pour les raisonner et éviter de nouvelles victimes. Prise par une soudaine bouffée d’héroïsme gonflée aux hormones (ou plutôt aux phéromones), je partis en courant avec mon compagnon vers cette quête suicidaire.

Il faisait déjà nuit, lorsque nous nous retrouvâmes dans le parc du lycée où se déroulait une séance de spiritisme pour le moins incongrue. Une vingtaine de lycéens avait décidé d’invoquer les esprits pour combattre les pensées meurtrières de Guillaume et Benoit. Pour ce faire, ils avaient mis en place un cercle protecteur en se tenant les mains et en dansant du hip-hop. Amine, fan de danse urbaine, tenta de m’entrainer dans le cercle afin de nous détendre un peu. Je le réprimandai cependant en lui rappelant notre mission.

Notre course reprit de plus belle. Pour rattraper l’avance que nous venions de perdre à débattre du bien fondé de la capacité de protection du cercle hip-hopique, je décidai de transplaner. Nous atterrissions ainsi dans la rue de ma maison d’enfance où j’aperçus directement Benoit et Guillaume armés de couteaux de boucher, menaçant les passants. Lorsque ces derniers croisèrent notre regard, le premier s’enfuit tel un gros vilain lâche tandis que l’autre - tout aussi lâche - attrapa une petite fille aux cheveux bouclés, qui portait un tee-shirt vert pomme, pour l’utiliser en bouclier, son couteau posté sous sa gorge.

Je m’avançai prudemment vers lui, les mains levées.

  • Calme-toi Guillaume, lançai-je d’une voix maîtrisée, je veux juste discuter.
  • Ta gueule, hurla-t-il, ne ’approche pas sinon je la bute!!!
  • Je ne bouge pas, lui assurais-je cherchant des yeux Amine qui avait disparu de champ de vision.

Mais le psychopathe semblait déterminer à me confirmer son déplorable état mental puisqu’il égorgea sa frêle otage avant de s’attaquer à Amine qui était mystérieusement apparu derrière lui. Mon ami évita de justesse la lame ensanglantée en effectuant l’une de ses fameuses cabrioles et se réfugia sous une voiture garée non loin de là. Telle une super héroïne, je fonçai tête baissée (enfin pas vraiment tête baissée, cette expression n’a vraiment aucun sens dans ce cas) pour sauver mon amant platonique non officiel. Ni une, ni deux, crochet gauche, crochet droit, je mis K.O Guillaume sans aucune difficulté avant de sortir Amine de sous la voiture. Subjuguée par la soudaine force s’infiltrant dans mes veines, je plantai un baiser sur la bouche de mon prince en détresse avant de me lancer à la poursuite de notre deuxième ex-ami démoniaque.

Je le mis bien évidemment K.O très rapidement et revint fière mais essoufflée vers celui avec qui je comptais rentrer ce soir. De loin, je vis Amine vaciller vers le portail de la maison la plus proche, probablement encore chamboulé par les derniers instants, qu’ils soient sanglants ou charnels. Alors que je me rapprochai de lui, je l'observai, interdite, passer sa main sur le bois imbibé du sang de la petite fille au tee-shirt vert pomme. Mais au lieu d’afficher un air dégoûté, un sourire carnassier se dessina sur son visage. Ses yeux devinrent reptiliens tandis qu’il léchait avec avidité le sang sur sa main. C’était lui le tueur depuis le début! Pire, c’était LE tueur le plus recherché du monde de par sa manière très particulière et pervers d’occire ses semblables. Il était l’inventeur, et il en était plutôt fier, des fluos empoisonneurs. Personne ne se méfiait de jolis fluos rangés innocemment dans une trousse savamment décoré au blanco. Et pourtant!

Je regardai avec effroi et dégout celui que j’avais sauvé et embrassé quelques minutes auparavant se vanter de ses exploits meurtriers. Je me figeai comme un lapin devant les phares d’une voiture tandis que je voyais Amine avancer vers moi tel un prédateur. Comme si la situation n’était pas encore assez critique, mon nouvel ennemi mortel se transforma en Venom. Alors que je tentais de retrouver mes esprits et mon instinct de survie, Spiderman se jeta sur Amine-Venom et…

Le réveil a sonné.

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