De toutes les folies impardonnables de ce tyran, celle-ci était la pire.

Par dévotion fausse, par obssession malsaine, Eztellan avait fait érigé au nom de sa belle un temple.

Il avait détruit tous ceux qui ne pouvaient importer un culte digne de ce nom à sa bien-aimée.

Le peuple était au bord du gouffre. Il avait compris depuis des années que le Roi Eztellan avait perdu la tête et ne faisait que des folies meurtrières pour suivre une créature qui n'existait pas.

La belle femme, dont il en avait reproduit le portrait dans ce temple, lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Le peuple ne pouvait dire s'il s'agissait vraiment de lui ou s'il s'agissait de sa mère. Le temps où elle était encore en vie remontait à si loin que les gens pouvant se rappeler de cette figure royale avaient tous péris dans d'atroces souffrances.

Les habitants du château chuchotaient à chaque détour de couloir que le Roi était fou. Certains l'entendaient parler seul à la fenêtre dans la salle du trône. D'autres affirmaient qu'il s'arrêtait dans une pièce qui appartenait à l'aile interdite.

Cette aile, tout le monde la connaissait mais personne n'avait jamais voulu informer Eztellan du danger que représentait cette partie du château.

Cette aile avait subi une malédiction d'une ancienne maîtresse, amoureuse du Roi Jaune, qui ne l'avait pas choisi et l'avait jeté hors du château. A cette époque, il s'était marié à la mère de Eztellan parce que cela avait été le coup de foudre.

La femme rejetée avait maudit cette pièce de l'aile interdite parce que c'était la chambre de la Reine. Elle lui souhaita la mort. De désespoir, le Roi y fit construire la figure de sa défunte femme au travers de vitraux, créant l'illusion d'un portrait vivant. Cependant, il ne s'attendait pas à ce que cette pièce renferme encore une trace de la malédiction.

Les mélédictions de femmes jalouses étaient les plus coriaces et les plus sanglantes.

Le portrait en vitraux de la Reine reflétait le désir le plus profond d'une âme perdue et le guidait vers ce qu'il désirait. Toutefois, ce maléfice n'avait rien de bon car le sol finissait toujours par boire le liquide vermeil de la vie.

La Bien-Aimée de Eztellan souriait toujours à une âme sensible.