Pulsion étranglée.

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 Dès le départ du train, je réussis à me calmer. Je ne tremblais plus. Le bruit des roues sur les rails avait agi comme un tranquillisant. J'inspirai une grande bouffée d'air avant de l'expirer. Je contrôlais la situation. Je jetai un rapide coup d'œil sur mon sac de voyage, posé à côté de moi. Il contenait les seules affaires que j'avais voulu emmener, laissant tout le reste, le superflu et les souvenirs. Je n'avais pas d'attaches, pas de famille ou d'amis proches. Alors prendre la décision de quitter la ville pour m'installer ailleurs n'avait pas été très difficile. Je savais que j'avais fait le bon choix. Je faisais toujours les bons choix.

 Je sortis un livre de mon sac. J'avais opté pour « Dragon Rouge », une œuvre sanglante de Thomas Harris. J'aimais ce double scénario mettant en scène un enquêteur prêt à tout pour arrêter un dangereux psychopathe et la lutte de ce dernier contre le mal qui le ronge. Ce livre me rappelait, sans cesse, que nous avons tous nos propres démons.

 Mais avant de reprendre ma lecture, je décidai de parcourir du regard le wagon que je trouvais mystérieusement et anormalement silencieux. J'étais installé côté couloir, dans le sens de l'avancée du train, non loin de la porte du wagon. Je tentai de me retourner discrètement pour observer les autres passagers. Mais il n'y avait personne, à part un vieux couple. L'un en face de l'autre. La grand-mère tricotait et le grand-père piquait du nez sur les mots-croisés de son journal. Je poussai un soupir. La tranquillité et la sérénité s'offraient à moi. Aucune colonie de vacances, ni de famille nombreuse. Aucune dispute de couple au bord du gouffre. Aucun groupe d'amies caquetant. Aucune femme d'une beauté ravageuse. Aucune source de stress en somme. Aucune tentation.

 Je continuai donc ma lecture. Le paysage défilait sur le côté sans que je n'y prête la moindre attention. Le récit était tellement captivant. La psychologie du personnage était indescriptiblement étonnante.

 Mais un éternuement interrompit le fil de mes pensées. C'était un bruit discret mais suffisamment sonore pour que je puisse l'entendre. Je tournai la tête doucement vers l'origine de cet ébrouement. Je vis alors, enfoncée dans son siège, une jeune femme d'une beauté simple. On devait sans doute dire d'elle qu'elle était mignonne. Elle était tellement discrète que je ne l'avais pas remarquée. Assise, côté fenêtre, à ma gauche, elle lisait un livre dont je ne pouvais apercevoir le titre. Lorsque nos regards se croisèrent, elle fit un signe de tête pour s'excuser de m'avoir sorti de ma lecture. Je lui rendis son sourire, dévoilant ainsi toutes mes dents.

 Je décidai de retourner à mon occupation et de ne plus faire attention à elle. Mais elle commença à fouiller dans son sac. Elle cherchait quelque chose qu'elle ne trouvait pas. Je me risquai à la regarder de nouveau et constatais qu'elle tenait une de ses mains devant son nez.

 En quelques secondes, plusieurs pensées m'assaillirent. J'hésitais. Devais-je lui porter secours dans ce moment embarrassant ? Nous pourrions peut-être faire le voyage ensemble, et faire plus ample connaissance. Peut-être même que nous pourrions... que je pourrais...

 Sur cette dernière pensée, je me levais de mon fauteuil et m'approchais d'elle.

« Tenez, lui dis-je d'une voix neutre, ce qui la fit sursauter. »

 Je lui tendais des mouchoirs. Je pensais qu'il y avait plus sensuelle comme première approche mais je devais savoir me contenter de ce que j'avais. Elle me remercia et me fit un sourire gêné.

 Je faisais toujours cette impression aux femmes. Un trouble mélangé à un sentiment de flatterie qu'un homme comme moi puisse s'intéresser à une femme comme elle. J'étais ce qu'on pouvait appeler un homme dominant. Fier, sûr de lui, imposant, charismatique, intimidant.

« Je peux m'asseoir ? demandais-je avec un sourire suave. »

 Sujette à une soudaine timidité, elle me fit un « oui » de la tête. Elle semblait tellement fragile. Ses taches de rousseur, présentes sous ses yeux bleus, lui donnaient un air enfantin, renforçant sa vulnérabilité, son innocence.

« Comment vous appelez-vous ? l'interrogeai-je. »

 Cette question fut le début d'une longue conversation sur laquelle j'avais les pleins pouvoirs. Sans grande difficulté, je réussis à savoir qu'elle était célibataire et se remettait d'une rupture difficile où son ancien compagnon avait joué le rôle de briseur de cœur. Elle vivait désormais, seule avec son chat. À côté d'elle trônait, c'était une sorte de manuel pour aider à reprendre confiance en soi. Je ne m'étais donc pas trompé. Elle était vulnérable. Elle avait environ vingt-cinq ans et faisait un travail de bureau qu'elle ne détestait pas mais qui ne la passionnait pas vraiment. Cette jeune femme était d'une banalité déconcertante, elle n'avait aucun don apparent, aucun véritable passe-temps, aucune perspective professionnelle ni affective. Elle ne représentait pas le moindre intérêt.

 Quant à moi, je restais vague sur ma vie, je conservais une certaine part de mystère, je pouvais garder plus facilement l'attention de mon interlocutrice qui buvait mes paroles. Mais le plus souvent c'était elle qui parlait.

 Le couple de tout à l'heure avait quitté le train, sans que je ne m'en rendisse vraiment compte. Nous étions donc seuls dans ce wagon. Cela faisait maintenant une heure ou deux que nous discutions. Je pensais avoir acquis sa confiance. Mon cœur fit alors un bond. Je sentis mon désir naître au creux de mon ventre. J'allais avoir du mal à me retenir davantage.

« Je sais que cela peut paraître étrange, peut-être même osé. Mais vous m'attirez de façon inéluctable, j'apprécie tellement ce que vous êtes.»

 Pour appuyer mon propos, je posais ma main sur sa cuisse nue. Elle me regarda d'abord avec de grands yeux. Mais elle comprit très vite où je voulais en venir. Son regard commença à briller légèrement. Pour être sûr qu'elle était conquise, je tentais un dernier tour.

« Les hommes doivent vous le dire très souvent, mais vous êtes tellement désirable. Vous me faites un effet monstre. »

 Je remontais lentement ma main vers sa hanche, en appuyant doucement pour la caresser, sa jupe me facilitait les choses. Elle gesticula légèrement, mais je sentis un frisson lui traverser le corps. Je me rapprochais encore plus près d'elle, pour qu'elle puisse sentir mon odeur, pour que mon souffle puisse lui effleurer la joue.

« Et puis nous sommes seuls dans ce wagon, lui chuchotais-je à l'oreille. »

 Elle tressaillit de nouveau. Elle semblait hésiter, puis elle jeta un rapide coup d'œil sur son livre de psychologie.

« Oui, fit-elle dans un souffle. »

 Je me levais de mon siège et lui tendis ma main. Elle l'attrapa. Elle était toute tremblante. Peut-être que son fantasme allait se réaliser. Faire l'amour à un inconnu dans un train. Je souris à cette idée. Ma proie était capturée. Je la guidai en dehors du wagon. Je la plaquai contre une paroi et l'embrassais fougueusement. Je sentis une réticence. Sa main n'avait pas quitté la mienne. Elle devait être sentimentale en plus de tout le reste.

 Un millier d'images se bousculèrent dans ma tête. Je revoyais toutes ces femmes... Belles, sensuelles, animées de désir pour moi. Mon excitation tripla. Je l'embrassai encore plus ardemment pendant quelques secondes. J'interrompis le baiser, l'attrapai par le poignet et nous fis entrer dans les toilettes présentes entre les deux wagons, puis verrouillai à double tour afin d'être sûr de ne pas être dérangé. Je repris donc là où nous en étions. Les souvenirs remontaient à la surface. Ces femmes, toutes ces belles femmes qui avaient été miennes.

 Au bout de quelques secondes, je sentis des mains sur mon torse me repousser. Elle se dégagea de mes baisers.

« Non !! dit-elle sèchement. Vous me faites mal. Je ne suis plus sûre de vouloir. »

 Les souvenirs continuèrent d'affluer. Ces femmes qui m'avaient repoussé. Mais, moi, on ne me repoussait pas. J'étais un alpha. C'est moi qui dictais les règles, qui disais quand commencer et quand terminer. La colère, la rage, la frustration du rejet naquit en moi. Je plaquais ma partenaire contre la cloison, lui tenant fermement les mains, je cherchai ses lèvres et l'étreignis encore plus violemment. Elle commença à faire du bruit et à se débattre, comme toutes les autres. Celles qui avaient voulu me résister, mais aucune n'y était parvenue. Ma rage ne faisait que croître.

 Je grognai pour qu'elle comprenne qu'il était temps qu'elle arrête de gesticuler. Mais elle continua de plus en plus fort. Elle me menaça de crier, d'appeler au secours.

 Les images dans ma tête défilaient à vive allure. Je revis l'une après l'autre ces femmes, tentant de m'échapper en hurlant. Je me revis poser mes mains sur leur cou si frêle, si fragile... et serrer...serrer...serrer... Comme pour toutes les autres, j'encerclai mes doigts autour de sa nuque. Je ressentis l'adrénaline de ces moments. Sentir mes mains sur leur gorge, une drogue, une addiction... C'était sa faute à elle. Elle n'avait pas le droit de me rejeter. J'avais essayé de résister à ces pulsions. Je les avais réfrénées, durant un temps. Et maintenant je craignais la rechute.

***

Je relevais la tête dans un sursaut. La page de mon roman était abimée et me collait à la joue. J’avais le souffle encore coupé par l’excitation violente de mon rêve. Je ne mis que quelques fractions de seconde avant de sentir ce tiraillement si familier à mon entre-jambe. Mon membre était dur et à l’étroit dans mon pantalon. Les images de cette femme sans défense ne quittaient pas mon esprit. C’est fou ce qu’elles me donnaient faim. Mon sexe continuait de grossir tandis que mon exaltation ne cessait de croître dans le bas de mon ventre.

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