Chapitre 7

14 minutes de lecture

                    Ethan

« Quand j’étais plus jeune, j’avais comme règle de ne jamais boire d’alcool fort avant le déjeuner.

Maintenant, la règle est de ne jamais le faire avant le petit déjeuner ».

Winston Churchill

Je claque la porte comme un forcené.

Bon sang, mais pour qui il se prend lui ?

Il me demande mon opinion sur un sujet sensible, et il s’attend à recevoir des réponses sages et toutes faites ? Il n’accepte pas la vérité, mais j’aimerais là lui faire avaler à ce con. Je ne décolère pas de toute la route. C’est vrai que je me suis emporté, mais il y a des conversations qu’il vaut mieux éviter si on ne veut pas que ça finisse en baston.

Je rentre chez moi et fini ce foutu devoir en mettant toutes mes tripes dans le sujet. Je m’en fou qu’il le lise ou non, je le fais avant tout pour moi. J’entends ma mère rentrer. Je descends à sa rencontre. Elle porte à bout de bras un sac plus gros qu’elle, on dirait qu’elle va s’effondrer sous son poids. Je la décharge et commence à déballer les courses.

⸻ Le lycée a appelé quand je bossais, commence-t-elle.

⸻ Ouai et ?

Je range le beurre de cacahuète dans le placard, sans la regarder.

⸻ Tu t’es bagarré il paraît.

⸻ Il le méritait.

Mon ton paraît détaché mais la colère s’empare doucement de moi quand j’y repense.

⸻ Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Elle m’énerve à jouer les enquêtrices et faire semblant que ça l’intéresse, car au fond je sais qu’elle n’en a rien à cirer.

⸻ Un con qui voulait me donner des ordres, alors je l’ai maté.

Elle hoche négativement la tête, la mine dégoûtée.

⸻ Tu ne changeras jamais. Ce n’est que ton deuxième jour et tu gâche déjà tout. Tu as oublié que ce déménagement représentait un nouveau départ ? Tu veux te faire virer, c’est ça que tu cherches ?

Elle ne me fera pas regretter, avec ses paroles toutes trouvées.

⸻ Alors quoi ? J’allais le laisser m’insulter ? !

Hors de question que je fasse des courbettes à ce connard.

⸻ Et t’en fais pas, j’ai pas oublié ma promesse, rajouté-je, plus calme.

⸻ Mais tu as aussi répondu à un de tes profs.

Je lui explique brièvement qu’il a lancé un débat et n’a pas assumé derrière. Elle ne m’écoute pas et m’affirme que la mauvaise graine ne change pas. La rage cogne dans mon cœur.

⸻ Et toi tu te crois mieux ? ! Tu joues à quoi là, la mère modèle parfaite ? Tu ne crois pas que c’est un peu tard pour ça ?

⸻ Je peux changer ! hurle-t-elle, au bord du désespoir.

Ses yeux sont fiévreux, mais je ne crois plus un mot qui sort de sa bouche. Combien de fois elle a eu l’occasion de « changer », et combien de fois elle m’a déçu ? Mes articulations se contractent une à une. Mes poings s’abattent sur le bois, faisant trembler la pauvre table.

⸻ Non MOI je peux changer ! Toi, il est déjà trop tard.

Mon ton est acide mais je m’en tape. Ça peut paraître cruel, mais c’est largement mérité. Je ne lui laisse pas le temps de répondre, et file dans la salle de bain me préparer pour le boulot. Lorsque j’ai fini, je sors avec soulagement de la maison, et de toutes les tensions qui l’entoure.

***

Vers la fin du service, je partage avec Jason une pause bien méritée autour d’un verre. Je le trouve vraiment cool et je pense même qu’il pourrait devenir un ami.

⸻ Tu fais quoi ce soir ?

⸻ Rien prévu de spécial, pourquoi ?

⸻ Mes potes organisent une soirée, ça te dit d’être des nôtres ?

J’accepte avec enthousiasme, et nous nous dépêchons de tout nettoyer.

Je le suis en voiture jusqu’à West Wilnoh’s. Je n’ai pas eu l’occasion de traîner dans le coin pour le moment, mais le quartier est sympa. Certains passants portent des vêtements traditionnels aux couleurs de leur pays, d’autres des tenues plus classiques. Je sourie face à cette diversité.

Jason se gare et je tourne quelques minutes pour trouver une place. Je le rejoins devant un vieux bâtiment jaune, qui aurait sérieusement besoin d’un coup de peinture.

⸻ On va chez Michael, tu vas voir il est super sympa et les autres aussi d’ailleurs.

⸻ Ça va pas le déranger ?

Il éclate d’un rire franc tout en se passant la main dans ses cheveux blonds.

⸻ Oh non pas de risque, tant que tu ne fous pas le bazar. On invite tous des potes à l’occasion et je l’ai prévenu t’inquiète.

Ma première soirée dans cette ville ! Ça va me faire du bien.

Nous débouchons sur un long couloir. J’appuie sur l’interrupteur, mais rien ne fonctionne. Il a l’air de connaître l’endroit comme sa poche. Un mélange de musique et de conversation nous parvient du palier. Il ouvre la porte comme s’il était chez lui. Une chanson du groupe Metallica m’invite à entrer.

C’est bon ça !

Un métalleux nous accueille, le sourire aux lèvres.

⸻ Hey ça va mec ?

Ils se font un check puit l’intéressé se tourne vers moi. Il m’adresse une franche poignée de main. Sa bonne humeur est communicative.

⸻ Viens, je vais te présenter au reste de la bande.

Ses cheveux longs pendent sur ses épaules, il les ramène vite fait en arrière et je le suis sans pression dans son vestibule. Il ouvre une porte vitrée. Deux types me font face assis sur un canapé, des coussins et des couvertures étalés autour d’eux. Le plus grand vient à ma rencontre. Il passe une main dans ses tresses ramenées en arrière.

⸻ Salut moi c’est Nelson.

Je lui rends son sourire. Ses yeux gris-vert contrastent avec son métissage. Il a le teint clair et les traits plutôt fins.

⸻ Ouai c’est mon nouveau collègue, se vente Jason qui vient d’entrer à son tour.

Je lance un regard vers le canapé. L’autre gars n’a pas bougé d’un poil. Il porte des bagues et des lettres sont tatouées sur tous ses doigts. Son air blasé ne me dit rien qui vaille. Il prend le temps de me jauger, puis me balance du fond de la pièce :

⸻ Et moi c’est Kyle.

Je lui adresse un bref signe de tête, sans lui répondre. Je n’ai pas l’air d’être le bienvenu.

⸻ Oh faut pas lui en vouloir, me rassure Michael. Il est comme ça avec tout le monde au début.

Je lance un « Ok » lourd de sens. Jason et moi nous asseyons sur un fauteuil face à eux. Des chips sont éparpillées sur la table, l’hôte m’invite à me servir.

⸻ Alors comme ça tu bosses avec notre Jason ? m’interroge Kyle.

Il me fixe de ses yeux chauds, l’air amusé. Je me sers un généreux verre de scotch.

⸻ Ouai, c’est un contrat étudiant.

Nelson me demande où j’étudie et je lui réponds tout en engouffrant une poignée de chips.

La soirée coule, et je me détends. Son ordi posé sur les genoux, Kyle mixte les musiques. Ce dernier n’a d’ailleurs plus aucune animosité envers moi, et je me surprends même à rire avec lui à plusieurs reprises. Un mélange de métal-Reggae nous mets dans l’ambiance, et tout le monde se déride assez vite. La bande de Jason est vraiment cool, notre goût pour le métal nous rapproche et je ne vois plus les heures filer. J’enchaîne les verres, et leur prépare avec les moyens du bord, des cocktails appris au taf.

⸻ Yeah il gère le collègue ! scande Jason, en se tordant de rire.

Au bout d’un moment, la musique se fait plus douce. Je fixe le plafond, la tête perdue dans l’ailleurs. Les autres comatent sur le canapé. Je me redresse, nauséeux, et me dirige vers la porte.

⸻ Les mecs, merci encore pour cette soirée.

⸻ Pas de soucis on remet ça quand tu veux, t’es vraiment un ouf, plaisante Nelson.

Jason m’interrompt.

⸻ Eh, tu vas où comme ça ?

⸻ Reste, renchérie Michael. Il y a de la place pour tout le monde, tu vas pas rentrer bourré.

Je suis dans le coltard, mais je me sens parfaitement capable de rouler.

⸻ Les gars, j’ai besoin de prendre l’air. Vous inquiétez pas j’ai déjà pris la route dans un état pire, c’est rien ça.

Jason pose sa main sur mon épaule.

⸻ Non Ethan tu ne conduis pas dans cet état.

Son regard est grave, et je comprends que je ne peux pas négocier. Pour allier le geste à la parole, il ramasse mes clefs et les fourrent dans sa poche. En temps normal je les aurais écoutés mais là j’ai vraiment envie de prendre l’air pour dessoûler, au moins marcher jusqu’au centre-ville, après je prendrais un taxi. Je leur explique mes intentions.

⸻ Ok, mais je t’accompagne, exige Jason.

Je remercie tout le monde une dernière fois puis nous sortons. L’air frais me réveille un peu, pendant que nous nous dirigeons vers le centre. Il appelle un taxi, puis je m’installe à l’arrière.

⸻ Rentre bien. Je te ramène ta voiture demain matin ça te va ?

Il m’adresse un clin d’œil. Je lui fais un signe amical avant que la voiture démarre.

Lorsque je rentre, la télé baigne le salon de sa lumière bleu. Je ne prends pas la peine de l’éteindre.

Je suppose que ma mère s’est encore endormie sur le canapé. Je me dirige calmement dans ma chambre, bien décidé à finir ma nuit déjà bien entamée.

                    ***

Une sonnerie agressive me tire du sommeil. À moitié réveillé, je frappe mon réveil. Encore un coup comme ça et il sera déglingué pour de bon. Je fais fondre un cachet et patiente quelques minutes la tête entre les mains, attendant que ce fichu mal de crâne disparaisse. Je consulte mon portable.

« Je te ramène ta caisse dans une heure, ça te va ? ».

Je réponds « oui » à Jason avant de refermer mon portable d’un coup sec. La cafetière hurle et je me serre gauchement une tasse. Après un bon café, je me sens d’attaque pour la journée. J’ouvre la porte du salon. Ma mère gît comme une épave sur le canapé. Une forte odeur d’alcool attire mon attention. Je m’approche, tendue.

Putain pas ça !

Au bout de sa main, pend négligemment un flacon de Whiskies. Je le soupèse : elle n’a pas laissé une goutte.

C’est pas vrai !

Mes muscles se contractent un à un, et je laisse la bouteille s’écraser sur la moquette dans un bruit sourd. J’observe ma mère quelques secondes avec toute la haine que mes yeux sont capables d’envoyer. Elle est loin de savoir la tornade qu’elle vient de déclencher. Un ronflement s’échappe de sa gorge, elle dort profondément.

Plus pour longtemps !

Le pas alerte je me dirige dans la cuisine, remplissant un seau d’eau glacée. Je le porte jusqu’au salon et prend bien le soin de l’asperger de la tête au pied. Elle se redresse d’un bond.

⸻ Bien réveillée ? lui balancé-je, en guise de bonjour.

⸻ Ça va pas ? !

⸻ Oh vraiment ! Et tu ne vois pas où est le problème ?

Son corps se raidit. Ses yeux écarquillés, font des allers-retours entre moi et son maudis flacon.

⸻ T’as pigé maintenant ?

Ses épaules s’affaissent.

⸻ Je…je…

⸻ Arrête de gaspiller ta salive et dis-moi où sont les autres ? Ça nous fera gagner du temps.

Elle fixe le sol, muette. Je sais très bien que lorsqu’elle achète de l’alcool elle se contente rarement d’un seul spiritueux. Je m’approche en me redressant de toute ma taille. Je reformule ma question le plus calmement possible mais elle refuse de répondre, le regard toujours aussi fuyant.

⸻ Où sont les autres bouteilles ?

⸻ S’il te plaît…

Son regard est suppliant, mais je ne décolère pas. Je lui tiens fermement les épaules, la forçant à me regarder.

⸻ Il n’y avait que celle-là.

Sa voix est encore pâteuse et son haleine fétide atterrit directement sur mon visage. Mon cœur se gonfle et mes veines s’embrasent.

⸻ Tu mens ! Dis-moi la vérité !! beuglé-je, en la secouant comme un cocotier.

Je sais que je n’obtiendrais rien d’elle comme ça. Il faut que je trouve ses putains de planques et que je l’empêche de se faire du mal comme elle en a l’habitude. J’ouvre les placards en envoyant tout valser. Je sens sa présence discrète dans mon dos.

⸻ T’es entrain de foutre toute la maison en l’air.

⸻ Et la faute à qui hein ?

Elle me supplie d’arrêter, mais je ne l’écoute plus. Je me dirige vers sa chambre, elle essaye de m’en empêcher mais mon regard fou la dissuade. Je balance ses fringues sur le sol et fouille frénétiquement son armoire. Je finis par trouver ce que je cherche. Les doigts tremblants, j’extirpe une bouteille de champagne fourrée dans une de ses longues bottes. Je ne m’arrêterais pas là. Habité par une force que je ne me connais pas, je renverse le lit en moins de deux.

Bingo !

Un autre de ses trésors, est soigneusement dissimulé sous le matelas. Mais ça ne me suffit pas, je suis sûr qu’elle en a encore caché dans des endroits encore plus barrés. Je continue mes recherches sans succès, laissant derrière moi un bordel monstre. Pendant que je m’attaque aux WC, je l’entends pousser un cri de surprise. Elle vient sûrement de découvrir l’état pitoyable dans lequel j’ai laissé sa chambre. Je ne compte rien ranger, c’est elle qui m’a forcé à agir comme ça, et j’ai eu raison ! Je soulève machinalement la chasse d’eau. Ce que je découvre me laisse sans voix. Une liqueur de cassis loge dans le réservoir. Putain je connais ses planques depuis le temps, mais elle ne cessera jamais de me surprendre !

Je la trouve assise dans la cuisine, la tête entre les mains, complètement perdue.

⸻ Tu sais plus où les planquer hein ? éructé-je, en agitant les bouteilles sous son nez. Tu m’avais dit qu’il y en avait qu’une, c’est pas étonnant ça ?

Je poursuis, plus déterminé que jamais.

⸻ Alors, par laquelle on commence ?

⸻ Ne fais pas ça ! me supplie-t-elle, en avançant sa main vers moi.

Je recule, brûlé par son simple contact.

⸻ T’es au courant que tes supplications ne me font plus aucun effet ?

Je regarde avec mépris cette inconnue qui m’a vu grandir.

Au fond elle me fait pitié.

Ce que je m’apprête à faire va la torturer, mais j’ai encore plus en horreur quand elle se détruit de la sorte. Dans un grincement rapide, le bouchon de liège saute entre mes doigts. Le champagne s’écrase avec lenteur dans le lavabo. Le désespoir que je perçois au fond de ses prunelles est palpable. Je prends un plaisir malsain à prolonger encore quelque secondes son agonie.

⸻ Et de une, fais-je, un sourire cruel vissé sur les lèvres.

⸻ C’est de l’argent foutu par les fenêtres, se désole-t-elle en s’essuyant une larme rageuse.

La voir pleurer ne me fait ni chaud ni froid. Rien de ce qu’elle pourra me dire ne changera quoique ce soit. Ses paroles sont du vent, je sais que ce que je fais est juste. Le seul bénéfice que j’en retire, c’est ma petite vengeance personnelle de la faire souffrir à chaque goutte jetée, de la voir se détruire de préférer l’alcool à son fils.

⸻ Ne jette pas la dernière. On la boira ensemble si tu veux, mais je t’en supplie, ne la gaspille pas.

Alors c’est à ça qu’on en est rendu ?

⸻ Mais putain j’y crois pas, vas-y enfonce toi encore plus ! T’as donc aucune fierté ?

Elle pousse un soupir exaspéré. Au fond je vois bien qu’elle est en proie à un combat intérieur, mais celui-ci la pousse dans ses retranchements et elle prend la mauvaise décision.

⸻ J’en ai ras le bol que tu mêles de ma vie, c’est mes affaires. Tu ne peux pas retourner toute la maison comme tu viens de le faire. Je suis ta mère, et tu n’as pas à faire ta loi chez moi !

Mon regard se durcit. À cet instant, l’amour s’est cassé par la fenêtre et il ne reste plus que la haine. Mon cerveau a accumulé un trop plein de rancœurs que je lui balance en pleine figure.

⸻ Justement t’es ma mère et tu ne t’es jamais comportée comme telle ! Et cette maison est autant à toi qu’à moi, je te rappelle qu’on nous a fait crédit parce que j’ai bossé pour !

⸻ Je ne t’avais rien demandé ! explose-t-elle.

C’est grâce à moi qu’on en est là, et c’est ça le remerciement ? !

⸻ Et il est où ce nouveau départ hein ? Y’a qu’moi qui dois faire des efforts c’est ça ?

Elle murmure dans un souffle à peine audible :

⸻ Je sais que je peux y arriver, mais laisse-moi encore un peu de temps.

Du temps ?

⸻ Tu te fous de ma gueule ? Ça fait vingt ans que je t’en laisse du temps ! Arrête de trouver des excuses ! T’avais promis d’arrêter bordel !

Elle n’est qu’une proie, une toute petite chose que je pourrais détruire en moins de deux.

⸻ Tu ne peux pas essayer de me comprendre ? Je ne suis pas parfaite, c’est plus fort que moi. J’en ai besoin.

Je serre les poings à m’en faire mal, la colère me brûle la gorge.

⸻ Ah t’en a besoin ! C’est ça que tu veux ?

Je brandie la liqueur, sous ses yeux apeurés.

⸻ Et bien prends-là ta putain de boisson !

Mon poing s’abat lourdement sur le bois, et la bouteille se brise sur le vaisselier. Ma mère recule, la main devant la bouche. Un liquide chaud coule le long de ma peau, et je constate que c’est mon sang. Les bouts de verres se retournent dans ma chair. Ma souffrance intérieure prend le pas sur la douleur physique. Je sens mes lèvres s’étirer en un sourire vicieux. Un rire incontrôlable s’échappe de ma gorge. Je refuse de lui montrer mes émotions, quitte à passer pour un fou. Rachel s’effondre sur le canapé, avant de se rouler en boule. J’imagine que c’est sa façon à elle de se protéger, en même temps vu son état je ne vois pas trop ce qu’elle peut faire.

Au-dessus du lavabo, je retire les morceaux de verre ancrés sous ma peau du plus gros à la plus petite brisure.

Putain de bouteille !

À mesure que mon cœur reprend son rythme de croisière, les sensations reviennent. Des dizaines de piqûres serpentent dans mes veines, comme des mini-décharges électriques. Mon sang danse sous ma peau.

⸻ Chier !

Je verse d’un coup sec le désinfectant. Le liquide m’enflamme. Je pousse un cri étouffé en mordant de toutes mes forces dans la serviette. J’enroule ma main dans un bandage et m’empresse de regagner mon antre.

Je sais que j’aurais pu garder les bouteilles, même pour une soirée, mais je refuse de boire ce que ma mère achète pour sa consommation personnelle. C’est une question d’honneur que je me suis toujours forcé à appliquer. Je préfère les vider sous son nez. Je n’ai que très peu de souvenirs de ma mère sobre, à part ces derniers mois où on avait conclu le pacte de faire des efforts. De mon côté, j’ai respecté ma part du contrat, mais elle vient de tout foutre en l’air en l’espace d’une soirée.

⸻ Tu ne t’es jamais occupée de moi ! hurlé-je, comme un dément.

Le silence mortel pour seule réponse me vide l’âme. Dès mon plus jeune âge j’ai appris à me débrouiller. Quand personne ne s’occupe de toi, tu n’as pas le choix. Il ne se passe pas un jour sans que je ne lui en veuille. Elle était pourtant là physiquement, mais elle m’ignorait comme un étranger et me laissait me démerder.

Je m’assois sur le lit les jambes tremblantes, avec le besoin immédiat de me calmer. N’y tenant plus, j’effrite doucement le shit au-dessus du joint. J’inspire la première goulée avec satisfaction. La drogue fuse dans mes veines et me console de ma désolation intérieure. Je bascule sur mon lit en m’évadant vers un monde meilleur. La seule chose qui compte, c’est le bien être qu’elle me procure et la certitude qu’elle m’offre une porte de sortie. Qu’est-ce que quelques minutes de répit dans ma putain de vie ?

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