Prologue

4 minutes de lecture

Ethan

« La seule solution définitive est la mort.

Elle seule donne la paix à celui qui est mort, comme ceux qui l’ont tué ».

Adolphe-Basile Routier.

Je ne suis ni trop près, ni trop loin. Adossé contre un arbre, j’observe les croque-morts inhumer son corps. Ses proches sont venus lui rendre un dernier hommage. Une femme s’avance doucement vers le cercueil. Son ombrelle noire m’empêche de distinguer son âge et ses traits, mais je suis quasiment sûr que c’est sa veuve. Son cri de désespoir m’entaille les veines.

Bordel ! Pourquoi j’ai fait ça ?!

Elle balance d’une main tremblante une rose blanche dans la fosse, avant de s’effondrer en larmes dans les bras d’un type baraqué au visage grave.

Putain ! Je pensais pas que ça serait aussi dur ! Et pourtant c’est pas le premier enterrement auquel j’assiste.

Le vent frais de l’automne me mord la peau, mais rien ne me fera partir. Je rabats ma capuche sur la tête, hors de question que quelqu’un me voit. Je sais qu’ils ne me connaissent pas, mais je ne veux prendre aucun risque.

Le prêtre lève les mains et prend la parole. J’entends quelques vagues mots qui suffisent à renforcer mon mal-être.

« C’était un homme bon… ».

On dit jamais deux sans trois, et c’est la troisième fois.

« Sincère… ».

Je me maudis intérieurement, décidément je détruis tout ce que je touche.

« Honnête… ».

J’aimerais tellement porter mes couilles et assumer les conséquences, car je sais au fond que c’est ma putain de faute ! Mais ma mère me l’a déconseillé, et à cause de moi on va devoir partir. M’enfin, c’est plutôt un mal pour un bien j’en peux plus de cette ville pourrie, c’est pas une vie !

« Que Dieu garde son âme ».

Dieu ? On en parle ?

Ça me fait doucement rire au fond. Dieu n’existe que pour les chanceux, les gars comme moi il n’en a rien cirer. Et pourtant c’est pas faute d’avoir essayé ! Où sont passés toutes ces fois où j’ai prié pour sortir de cette profonde misère, où j’ai prié pour qu’on se soucie enfin de mon existence ? La force que j’en ai tirée je ne la dois qu’à moi, et à moi seul.

Je contourne discrètement le pin et me traîne dans une des longues allées. Mes pieds shoot dans les gravillons pendant que j’observe, blasé, les tombes alignées les unes à côté des autres.

Bon sang, ça fait froid dans le dos !

Je déteste les cimetières ça me rappel trop de mauvais souvenirs. Les pierres tombales aux couleurs tristes défilent devant mes yeux. Je reste un moment derrière un mausolée en faisant semblant de me recueillir. Je risque un œil dans leur direction. Ils s’avancent un à un, pour lui faire un dernier adieu.

Guettant le moment où les croque-morts posent enfin la pierre tombale, je me précipite vers l’allée en question. Le stress remonte dangereusement le long de mon estomac et je manque de trébucher à deux reprises. J’ai l’impression d’avoir attendu ce moment une éternité. Ça fait une semaine que je ne dors plus. Les seuls moments où le sommeil a eu raison de moi, mes anciens démons sont remontés à la surface.

Je m’arrête devant la pierre tombale fraîchement fleurie.

« À mon regretté, je t’aimerais au-delà de ton dernier souffle »

« À notre père, repose en paix et continue de veiller sur nous comme tu l’as toujours fait ».

Tout est de ma faute putain !

Si je n’avais pas eu ce comportement de merde rien ne serait arrivé, et il serait encore auprès des siens. C’est pas un homme que j’ai détruit, c’est une famille toute entière !

Une boule remonte le long de ma gorge et je sens une larme brûlante monter.

Putain non !

J’ai envie de l’empêcher de passer, moi qui ne pleure jamais, mais je n’y arrive pas. Les souvenirs s’en mêlent, et je la laisse s’écraser rageusement sur ma joue.

Quel beau spectacle !

Je me ressaisis enfin et m’empresse de l’essuyer. Mon cerveau tourne à plein régime, les pensées se bousculent dans ma tête. Jusque-là je ne me rendais pas encore bien compte, mais je me trouve maintenant face à la dure réalité.

Ce n’est pas peut-être pas moi qui l’ai tué, mais c’est tout comme si je lui avais donné la corde pour se pendre !

Toute ma vie je me sentirais responsable de mon incroyable connerie. Je ne pensais clairement pas que ça irait aussi loin, et quand j’ai appris son suicide dans le journal j’ai été choqué, et me suis lourdement remis en question.

⸻ Je m’excuse, hoqueté-je.

Je sais que c’est loin d’être suffisant, et qu’aucun mot ne peut qualifier ce que j’ai fait, mais c’est déjà un bon début. Après tout si je ne me pardonne pas, comment je pourrais avancer ?

Je sors une enveloppe de ma poche avec la ferme intention d’aller la déposer dans la boîte aux lettres de sa femme. D’ailleurs, je compte bien récupérer l’autre moitié du fric et tout rendre. Après tout c’est leur argent et ils en auront bien plus besoin que moi.

À partir de maintenant, je ne déraillerai plus du droit chemin et me battrai pour ce qui est juste. Je compte bien reprendre les études l’année prochaine et tenir cette vieille promesse que j’ai faite à un ami. D’ici quelques mois ce cauchemar sera derrière moi. En attendant je ne dois plus faire de vagues. La vie m’offre un nouveau départ et je compte bien saisir ma chance cette fois.

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