Toualou

3 minutes de lecture

Des vaches sacrées du grand berger Toualou, nul n'était censé s'en occuper, car nul n'était censé les posséder.

Depuis l'aube, Toualou restait étendu au sol. Son bétail, déjà en route, errait sans surveillance entre le village de Courma et celui des pêcheurs. Plusieurs jours durant, un homme âgé uniquement vêtu d'un pagne, suivait de loin Toualou le grand berger dormeur. Le vieil homme s'accroupit près de lui :

— Tout va bien ?

— Ça va.

— Les bêtes elles ont de l'eau ?

— Si tu as soif, sers-toi. Si tu as faim, utilise mon filet pour pêcher et passe ton chemin.

— Toualou lui dit le vieil homme, regarde-moi un peu.

Fatigué, souffrant, Toualou ouvrit les yeux pour les refermer aussitôt.

— Que me veux-tu étranger ? Tu me surveilles, je ne te connais pas. Tu n'es pas de ce côté du fleuve. Qui t'a donné mon nom ?

— Entre eux, les gardiens se reconnaissent. Je suis d'Ambaka, la grande ville derrière le pont neuf.

— Les habitants d'Ambaka tuent notre bétail. Es-tu venu jusqu'ici pour me voler ?

— Toualou, tes bêtes ne sont plus à voler. Tu les as laissé partir, confiant. Regarde plutôt ce que je te propose comme marché.

— Mes vaches, comme mes chèvres connaissent le chemin. Personne ne prend les animaux de Toualou, car chacun respecte celui qui est malade. Ton esprit est curieux. Je ne veux plus te parler.

— Écoute-moi une dernière fois Toualou. De ma seconde femme Oumaro, j'ai une fille, Agapatou. Elle est pure et bonne marcheuse. Si tu le souhaites Toualou, je peux te marier avec elle.

— Ta fille est ta seule richesse pauvre homme.

— C'est une perle rare qui saura porter tes enfants, garder ta maison propre. Belle parmi les belles, ses prétendants la surnomment plus jolie fleur de tout l'est du pays.

— Présentement, ta proposition me séduit étranger. Si la fille que tu me décris est bien celle à qui je pense, je connais ta fille. Que veux-tu en échange ?

— La chamelle et sa suite. Nous conviendrons de la date de la cérémonie après le repas que je t'offrirai dès ton rétablissement.

— Malade je suis tout le jour. Malade je demeure la nuit qui suit. Bientôt, je viendrai te rendre visite, avec ce dont il convient pour sceller notre accord.

— Voilà qui est bien parlé Toualou. Mélange cette herbe avec le lait de chèvre et bois dès que le besoin se fait sentir. Tu seras sur pied très vite.

Quelques semaines plus tard, Toualou voulut vérifier la qualité de la chose susceptible de remplacer sa fidèle chamelle suitée. La conduite du troupeau l'emmena plusieurs fois du côté de la grande ville d'Ambaka. Il eut donc les plus grandes facilités pour observer à son aise l'objet qui attirait de plus en plus son attention. Quoique le cœur ne fût pas muet, il ne parlait pas néanmoins assez haut pour lui causer de trop grandes distractions.

La famille respectable dans laquelle Toualou entra par son mariage était noble et populaire. Agapatou élevée dans la pure tradition de bienfaisance s'activait sans compter pour ouvrir sa demeure à bien des nécessiteux. Toualou était attaché à sa promise et l'était surtout par les qualités aimables et estimables qu'il découvrait en elle chaque jour.

Toualou n'était pas proprement amoureux de sa compagne, car s'il existe un milieu entre l'amour et l'amitié, ce milieu vous donnera la situation de l'âme de Toualou. Il lui semblait acquérir un nouvel être, une sorte d'existence double qui le faisait respirer dans un autre lui-même. De son côté, son épouse exprimait les mêmes sentiments. Lorsque par jeux, l'être aimant ne laissait échapper aucune impression agréable, leur sensibilité réciproque les saisissait jusqu'aux plus légères, jusqu'aux plus discrètes intentions savoureuses. Regroupés, ces moments complices de jouissances minuscules gagnèrent en intensité.

La compagne que le vieil homme s'était déterminé à donner à Toualou, après avoir reconnu la beauté de son âme et toutes les excellentes qualités de son cœur et de son esprit, leur assura une augmentation de bonheur, dont par la suite, la durée fut égale à celle des jours de sa fille et de son gendre.

Si tu t'abrites du vent et de la pluie, il ne te reste que la terre pour déguster la vie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire bertrand môgendre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0