Et si nous parlions un peu de politique 

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Nous retrouvons nos deux mamies en grande conversation.


Violette

— Dis-moi Germaine, tu as entendu parler, toi, du « délit de solidarité » ?


Germaine, choquée et inquiète

— Non, je n'aurais même jamais imaginé que ces deux termes puissent être associés. C'est incroyable, depuis quand être solidaire fait-il de nous des délinquants ? On marche sur la tête ! Donc, on a plus le droit d'aider son prochain, comme dans la Bible ? Mais alors, moi qui vais tous les mardis prêter main forte à mon association d'aide aux migrants, je risque la prison ? Arrête de te moquer, tu me fais encore une blague, c'est ça ? Tu n'es vraiment pas drôle Violette, tu sais que j'ai le coeur sensible. J'en ai la chair de poule.


Violette, sérieuse

— Mais enfin, je ne plaisante pas ! C'est Chloé qui m'en a touché deux mots hier soir. Il parait qu'ils en ont parlé au journal de vingt heures. Tu la connais, elle n'a pas pu s'empêcher de m'appeler pour me demander si tu faisais toujours du bénévolat. Elle a peur que tu te fasses arrêter.


Germaine, attendrie, mais toujours inquiète

— Comme elle est mignonne de s'inquiéter pour moi ! Pourquoi cette question, tu me fais peur. Mais est-ce que ta petite-fille a seulement bien compris de quoi il s'agissait ?


Violette, malicieuse

— Comme je ne voulais pas prendre le risque de venir t'apporter des oranges à « la Santé », je me suis renseignée. D'ailleurs, si ça t'intéresse, la prison organise des visites, y compris de son quartier VIP. Tu sais que de grandes figures y ont séjourné, comme Apollinaire. Et puis d'autres moins poétiques comme Mesrine. Enfin bref, même si ce terme existe, on ne trouve ce délit dans aucun texte de loi.


Germaine, rassurée

— Ouf ! Je me disais aussi, je suis naïve, mais pas à ce point. Tu peux les garder, tes oranges !


Violette

— Par contre, il existe bien une loi qui date de 1945 ( L. 622-1) qui punit « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation, ou le séjour irrégulier d'un étranger en France ». Ce délit est passible de cinq ans de prison et de trente mille euros d'amende.


Germaine, de nouveau inquiète

— Mais nous ne sommes plus en 45, il ne s'agit plus du tout du même contexte, ces migrants fuient un pays en guerre ! Et que fait-on du droit d'asile ? Mais tu me connais, je n'ai jamais facilité l'entrée de personne, même sans le savoir !


Violette, espiègle

— Je le sais, Germaine. Depuis le temps qu'on est amies, si tu cachais quelqu'un sous ton lit, dans ta pension, je le saurais. Ne t'inquiète pas, les particuliers sont rarement condamnés de toute façon. Il y a bien cet Anglais qui a transporté une petite migrante de quatre ans, de Calais en Angleterre, et qui s'est vu condamné à mille euros d'amende avec sursis...


Germaine

— Tu vois, son casier judiciaire n'est déjà plus vierge !


Violette

— Oui, mais pas pour ce que tu imagines, tiens-toi bien, pour mise en danger de la vie d'autrui !


Germaine

— Je ne comprends rien, vu son jeune âge, il lui a sûrement évité bien des dangers au contraire !


Violette

— Tu as raison, mais ils ont su je ne sais comment, que la fillette n'avait pas mis sa ceinture de sécurité !


Germaine, désabusée

— Le monde devient fou !


Violette

— Oui, s'il ne l'était déjà pas avant... Au fait, tu as suivi les infos américaines ? Quel camouflet pour Donald ! La justice lui a donné tort une nouvelle fois, en maintenant la suspension de son très controversé : « décret anti–immigration ». Mais il ne s'avoue toujours pas vaincu. Tu sais qu'il compte poursuivre la bataille judiciaire et aller jusqu'à la Cour suprême !



Germaine

— Oui, j'ai cru comprendre qu'il s'entêtait dans cette voie, alors même que les trois juges de San Francisco, à l'unanimité, y compris celui nommé par Georges Bush, confirmaient la non-application de son décret. Il devrait vraiment jeter l'éponge, il va finir par se rendre ridicule !


Violette

— En même temps, il n'est plus à ça près ! Visiblement, il croyait pouvoir gouverner son pays comme un chef d'entreprise, en utilisant le même style de management, jugé opaque et très personnel d'après ceux qui ont travaillé avec lui. Le procureur général lui a bien dit que la loi s'appliquait à tout le monde, y compris au président, mais dans un tweet il a annoncé qu'il continuerait le combat et il a ajouté : « Rendez-vous au tribunal, la sécurité de la nation est en jeu » ! Je n'ai pourtant pas le souvenir de l'avoir vu au cinéma, comme Reagan, avant son élection. Et toi ?


Germaine

— Non, mais n'oublie pas qu'il a été animateur de télévision. Il sait comment capter l'attention. Tu sais que du haut de ses soixante-dix ans, il est le président le plus âgé, il a d'ailleurs détrôné Reagan sur ce point ; et le plus riche de toute l'histoire américaine, à avoir été élu ? Le plus incroyable, c'est qu'il n'a aucune formation politique ou militaire. En même temps, au vu des décrets qu'il signe à tour de bras, on aurait pu s'en douter ! Regarde le dernier : au nom de la lutte contre le terrorisme, il a interdit l'accès au territoire américain, à sept pays musulmans : la Syrie, l'Irak, l'Iran, la Libye, le Soudan, le Yémen et la Somalie. Le problème, c'est que d'après les juges, aucune attaque terroriste n'a jamais été commise sur leur territoire par l'un des ressortissants de ces pays !


Violette

— Comme il ne pouvait pas l'ignorer, ça montre une fois encore à quel point il prend les Américains pour des imbéciles. En plus, à force de stigmatiser ces communautés, il risque de cristalliser leur ressentiment. Sans compter que tourner le dos à ces réfugiés vulnérables ne va améliorer ni son image ni celle de son pays.


Germaine

— Mais s'il faisait vraiment attention à son image, il n'aurait pas cette tête-là et le prénom d'un personnage de Disney ! Quand je pense qu'il passe son temps à faire des réflexions sexistes basées sur le physique. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité !


Violette

— Tu sais qu'on l'a obligé à faire machine arrière sur certains points, notamment sur le dossier de la Chine ? On dirait qu'il a attendu d'être président pour comprendre enfin que ses décisions pouvaient avoir de graves conséquences. Du coup, figure-toi qu'il a renoncé à nouer des relations officielles avec Taïwan, ne parle plus de sa taxe de vingt pour cent et ne chante plus les louanges de Vladimir Poutine. Il maintient même les sanctions à l'encontre de la Russie mises en place par Obama, en raison de leur supposée ingérence dans la campagne présidentielle.


Germaine

— Parlons-en de ses relations avec la Russie. Tu sais qu'ils sont comme des fous à la Maison blanche, ils remuent ciel et terre pour mettre la main sur la taupe responsable de ces divulgations dans la presse. Les employés de l'administration ont tellement peur de finir comme Michael Flynn, c'est-à-dire d'être obligés de démissionner, qu'ils ne parlent plus qu'au travers d'une application de messagerie, chiffrée et éphémère : Confide. La paranoïa est à tous les étages !


Violette

— Où va le monde ma pauvre Germaine...




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