Impuissance

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Un oeil à la pupille déformé, un corps décharné, une peau rapiécée. Voilà un ensemble qui avait mis à terre en quelques instants toutes les certitudes d'Arsène.


Il se tenait au centre d'une salle des fêtes richement décorée. Autour de lui, il semblait encore voir les silhouettes des autres invités danser et rire dans une ambiance bonne enfant et tamisée. Devant ses prunelles d'un bleu perçant, les verres trinquaient encore, les bouches riaient et bavardaient, les yeux pétillaient. Maintenant, seules la peur et l'interrogation flottaient dans la salle, leurs mains invisibles broyant les boyaux des êtres humains présents.


Arsène n'était pas habitué à mettre si longtemps à réaliser ce qui était entrain de se passer ; d'habitude, il avait même plutôt toujours trois à quatre coups d'avance. Mais même l'esprit le plus brillant de la planète bleue n'aurait pas pu prévoir ce qui était entrain de se passer tant la situation semblait irréelle.


Quatres étranges silhouettes, apparaissant d'un coup au milieu de la foule. Quatre créature de cauchemar que personne n'aurait pu imaginer avant qu'elles ne s'imposent à leurs yeux. Des monstres à forme vaguement humanoïdes, aux membres trop longs, trop cadavériques, aux visages aussi pâles que le reste de leur peau était brune, des cheveux qui ne se découpaient pas en plusieurs millieu de fil mais qui était coupé en un seul bloc uniforme. Et enfin des yeux. Hypnotiques, fascinant, dangeureux. Des pupilles en forme d'étoiles sur un globe oculaire d'une paleur terrifiante. Ces yeux avaient parcouru la salle qui avait troqué son bavardages incessant pour un silence pesant.


Un homme courageux s'était avancé ; Arsène avait voulu le retenir, mais trop tard, le vieil homme avait pris la parole, attirant l'attention des créatures.

  • Puis-je savoir qui vous êtes ? avait-il demandé. Et ce que vous faîtes dans un pareil accoutrement ?

Arsène s'était mordu les lèvres. Dans sa tête, il essayait de se concentrer, de faire appel à sa raison, de prévoir la prochaine action. Mais il ne parvenait pas à rassembler ses connaissances, son esprit divaguant sans cesse vers des références cinématographique de science fiction ou de fantasy qui parasytait son jugement. Extraterrestre ? Êtres venus d'un autre monde ? Civilisation terrestre perdue depuis des années ?


Soudain son flot de pensée fut interrompu par un cris étranglé de l'Homme. Il vit avec une terreur mêlée d'incompréhension, l'une des créatures saisir le vieil homme à la gorge. Un long filament blanc s'éleva des yeux du vieil homme, venant plonger dans les pupilles étoilée de la chose.

  • Non, pas ça ! pensa Arsène.

Extraterrestre ou magicien peut importait. Ces choses n'avaient vraisemblablement pas de bonnes intentions. Le prochain mouvement apparudésormais clairement dans l'esprit d'Arsène : la panique allait prendre posséssion de ses compatriotes. Il n'eut même pas à attendre que le corps du vieil homme tombe au sol, inerte, figé dans une expression incrédule qu'un cris avait percé le silence. Les gens s'étaient rué vers les portes de la salle.

  • Non ! avait hurlé Arsène. Nous ne savons pas de quoi ils sont capables ! Ne vous enfuyez pas !

Il n'eut pas le temps d'émettre plus de conseils inécoutés, il fut soudain pris d'une violente quinte de toux. Retournant son regard vers les étranges créatures, il les vit, bouche béante, craché une fumée noire qui aggressait ses poumons. Ils allaient les gazer.


Il enleva rapidement sa veste et la plaqua sur son visage. Rapidement, l'homme retint sa respiration et se précipita vers la présumée dépouille du vieil homme que tous semblait résigné à abandonner là. S'il y avait un espoir qu'il soit encore en vie, Arsène voulait le saisir.
Il regarda d'un regard impuissant des personnes s'écrouler, gazées. D'autre hurlaient au milieu de la fumée opaque, invisible, sans doutes rattrapé par l'une de ces créatures de cauchemar. Au milieu de ce chaos, Arsène se sentait impuissant. Lui qui s'était toujours cru invincible, le géni du 20eme siècle. Il n'avait rien pu faire.


Ce soir là, des gens allaient mourir. Et ce serait sa faute. Il aurait du empêcher cet homme de s'approcher des créatures, il aurait dû endiguer la vague de panique plus vite. Il en était capable, alors pourquoi ne l'avait-il pas fait ?


Il tatât un instant le corps du vieil homme ; ses poumons semblaient à deux doigts d'exploser, réclamant de l'oxygène. Le corps était encore chaud, mais plus étonnant encore : le coeur battait. Arsène secoua le vieil homme, mais rien n'y fit : il semblait figé pour l'éternité, son corps était rigide comme du bois. Arsène tenta de lever, mais il n'y parvint pas, à bout de force. Il fallait qu'il sorte de cette chambre à gaz sinon il allait y laisser sa peau. A regret, il laissa l'homme là, s'enfuyant comme un lâche : impuissant.


Arrivé dans le couloir, enfin hors de portée du gaz, il prit une grande goulée d'air. Il constat alors les dégâts : des corps gisaient partout dans le couloir. Certains figés comme les vieil homme, d'autre réellement morts. Un goût amer dans la bouche, de la rancoeur au coeur, Arsène vérifia qu'aucun monstre n'était près de lui et osculta quelques unes des personnes figées. Le constat fut le même que pour le vieil homme : les personnes vivaient mais ne bougeaient pas, comme figées dans le temps. Comme si l'on avait mangé l'âme qui leur permettait auparavent de s'animer. Elles n'étaient plus que des poupées cassées.


Arsène retint une larme. Il n'avait jamais pleuré. Jamais il n'avait failli. Mais cette situation était trop violente, trop imprévisible. L'homme d'une vingtaine d'année avait toujours était vu comme un géni. Tacticien, politicien, sociologue, économiste... Tous associé aux mots "hors pair". Déjà reconnu à travers le monde. Et il n'avait pas pu arrêter ce massacre.


Son coeur se serra, mais il se releva. Il ne pouvait pas être totalement impuissant.
Il se remit à marcher, titubant plutôt aux milieux des cadavres. Soudain, l'une des formes attira particulièrement son attention. Une silhouette vêtue d'un simple jean et d'une chemise blanche. Les yeux d'Arsène s'était écarquillé, éffaré en reconnaissant ces cheveux bruns et cette peau sombre.

  • Asa ! avait-il hurlé en se précipitant vers la silhouette.

La jeune fille respirait encore, difficilement. Elle n'était pas figée, simplement intoxiquée. Rapidement, Arsène avait mis sous sa tête sa veste et avait commencé les gestes de premiers secours. Une, deux, trois... vingt cinq, souffler. Une, deux, trois...

  • Pas toi, pria à mis voix Arsène. Pas toi petite soeur.

Comme en réponse à sa prière, sa soeur toussa soudain. Elle se releva en un sursaut, continuant à émettre une toux sèche et rauque. Avec soulagement, Arsène lui passa une main dans le dos en attendant qu'elle se calme. Soudain, des pas retinrent l'attention d'Arsène. Il s'allongea près de sa soeur, lui intimant de fermer les yeux, de faire comme si elle était morte. Il haït cette consigne.
Du coin de l'oeil, il observa un adolescent s'enfuir, sa soeur à sa suite en toussant. Peu après, marchant d'un pas calme, l'une des créatures passât près d'eux, visiblement à la pousuite des deux enfants. Arsène jura intérieurement.


Il ne pouvait pas être totalement impuissant, il le refusait. Il attendit que l'horrible créature ait disparue au coin du couloir, puis il se releva rapidement. Il aida sa soeur à se remettre sur ses jambes et l'assis dans un coin sombre. Elle semblait encore agarde, mais elle vivait, et c'était bien là le principale.

  • Asa, fit Arsène en se penchant vers elle. Je vais aller aider deux personnes qui ont l'air d'avoir besoin de mon aide. Tu vas rester ici te reposer : je vais revenir te chercher.


Sa soeur avait hoché la tête et l'homme sentit un pincement au coeur à l'idée de la laisser ainsi, si faible, sans défense. Mais il devait sauver ce qu'il restait à sauver, il ne pouvait pas laisser ces deux adolescents livrés à leur sort. Il ramassa courageusement une bouteille encore pleine que tenait un homme à terre. L'arme de fortune ne servirait peut-être pas à grand chose face aux pupilles démoniaques de la chose, mais c'était mieux que rien.


Il s'avança prudemment à travers les couloirs de la salle des fêtes. L'homme retrouva la chose qu'il avait vu passer devant lui face à une porte en bois vermoulue. Arsène tenta de réfléchir à un plan, mais lorsqu'il vit la chose se baisser pour regarder par le trou de la serrure, prête à ouvrir la porte derrière laquelle s'était sans doutes cachés les deux enfants, il n'écouta plus que son courage. Il s'élança vers la chose et fracassa la bouteille sur son crâne. Le vin qui jaillit de la bouteille en verre eut alors un effet inatendu sur la peau de la chose. Celle-ci se mit à hurler alors que son visage se mettait à fumer, comme dévoré par l'acide. Arsène nota ce détail dans sa tête et ouvrit précipitement la porte.


S'aggripant l'un à l'autre, ladolescent et la petite fille le regardait d'un air terrifié. Il leur tendit la main et la petite la saisit, un air légèrement rassuré dans le regard. Arsène remarqua du coin de l'oeil la créature au visage déformé par le vin se relever en grognant.

  • Vite, fuyez ! cria-t-il aux deux jeunes en lançant un violent coup de pied pour repousser la créature au sol.

A son grand soulagement, les deux enfants n'eurent aucune hésitation. Ils se mirent à courir tous les trois à travers le grand corridor. Arsène réfléchit à comment sortir du bâtiment, observant au dehors la silhouette d'autres montres qui semblaient monter la garde pour être sûr qu'ils ne s'échappent pas. Heureusement pour eux, Asa s'était suffisamment remise pour se tenir debout : elle les attendait dans le couloir où Arsène l'avait laissé et l'homme l'attrapa au vol, l'entrainant avec eux dans leur course folle. La respiration de sa soeur était rauque : Arsène espera qu'elle tiendrait.


Il repera la porte de service qu'il cherchait à atteindre et entraîna son petit groupe vers celle-ci. Une fois dehors, il condamna la porte d'une barre en fer : derrière la porte, le monstre hurlait de rage et de douleur. Arsène entraina les trois jeunes gens qui le suivait jusqu'à la forêt qui se trouvait derrière la salle des fêtes, espérant que les monstres n'auraient pas encore eu le temps d'investir celle-ci.


Soudain, sortant de nulle part, il se retrouvèrent face à l'une d'elle. Arsène sentit de nouveau une grand peur l'envahir. Non, pas encore. Il n'allait pas perdre pour la deuxième fois dans la soirée face à eux !


Il réfléchit rapidement, une folle solution s'invita dans son esprit. Ce monstre était visiblement seul : ils pouvaient encore s'enfuir.

  • Allez vous en ! Avait-il hurlé à sa soeur et aux deux autres enfants qu'il venait de sauver.

Il s'était élancé vers la créature, plaquant son visage contre le sien : il fallait qu'elle ne fixe que son regard et lui seul. Dans son dos, il sentait le regard appeuré de sa soeur qui criait son nom.

  • Vas-t-en Asa ! songeat-il. Pitié, laisse moi faire, vas-t-en !

Heureusement, il entendit l'adolescent qu'il avait sauvé entrainer contre son grès et envers ses larmes la jeune fille loin de lui. Arsène sentit doucement son être se faire aspirer par ces ignobles pupilles étoilées. La chose était entrain de manger son âme. Littéralement. Dans un geste fou, il hurla et plongea ses deux doigts dans ces globes oculaires maudits. Ses propres yeux le brulèrent attrocemment et ses cris vinrent se joindrent à ceux de la créature. Le filament blanc se rompit.
Alors que la créature tomba au sol et se mit à compulser, Arsène tituba sans s'écrouler, les mains sur son visage. Ses yeux pleuraient du sang autant que s'il s'était lui même crevé les yeux. Qu'est ce que lui avait fait cette créature ? A l'aveugle, il s'enfuit dans la forêt.


Son bras fut aggriper par une main qu'il repoussa brutalement, apeuré.

  • Arsène ! Arsène c'est moi Asa, avait murmuré la voix fluette de sa soeur cadette.

Elle avait saisit sa main et l'avait serrée entre ses mains.

  • Arsène, avait-elle demandé avec effrois, Arsène, qu'est-il arrivé à tes yeux ?
  • Plus tard, Asa, avait dit l'homme dans un souffle. Nous devons nous enfuir.
  • Il a raison, avait intervenu une vois masculine qu'Arsène supposa être celle de l'adolescent qu'il avait sauvé. Nous devons profiter que ces créatures n'aient pas encore eu le temps de venir par ici. Allons-y.

Personne n'avait osé contesté cette voix sûre d'elle. Arsène était resté légèrement agare tandis que sa soeur saisissait son bras pour le guider. Il avait fait ce qu'il fallait, se répétait-il. Ce n'était pas grave. Ce n'était pas grave...


Mais malgré tout, il sentait dans son coeur qu'en voulant lutter contre son impuissance, il n'avait fait que s'y enfoncer. Et maintenant, lui, le seul adulte de leur groupe, le prodige du 20 eme siècle, se retrouvait réduit à trébucher sur la moindre brindille, dépendant de ces jeunes, de sa petite soeur. Un grand sentiment d'anéantissement pris posséssion de lui.


Désormais, sans ses yeux, dans ce monde qui semblait sombrer dans l'appocalypse, avec à charge trois gamins dont sa soeur et ce malgré toutes ses connaissances, il lui semblait être l'homme le plus impuissant du monde.

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