Chapitre 14

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Durant toute cette journée, Corentin marchait devant, infatigable, tandis que nous ralentissions peu à peu, mais sans jamais échanger une seule parole.

Nous ne fîmes presque pas de pause, et souvent celles-ci ne durait pas plus d’un quart d’heure.

  • Corentin ! Stop ! cria Cléa lorsqu’elle craqua. On fait une pause !

Il nous lança un regard mauvais, mais s’arrêta.

  • Il fait déjà un peu sombre, de toute façon, remarquai-je.
  • Tu peux distribuer les rations, s’il te plaît ? demanda Cléa.

J’acquiesçai et sortis le peu de nourriture qu’il nous restait. Corentin surprit mon regard découragé et demanda :

  • Il nous reste combien de temps ?
  • A peine deux jours. Et dans trois jours, on arrive à une partie boisée, donc potentiellement avec de la nourriture.
  • On a devoir rester un jour sans manger ? s’écria Cléa.
  • Nous aurons le droit à un petit-déjeuner, mais sans plus. Il n’y a pas d’autres solutions.
  • Si, déclara Corentin. Tuer l’un d’entre nous.
  • En effet, dis-je alors que Cléa lui jetait un regard empli de peur, ça serait une bonne solution.

Nous nous affrontâmes du regard un instant, puis je déclarai :

  • Je prends le deuxième tour de garde.

Je me détournai ensuite pour m’éloigner un peu et étaler mon campement. Je sentais le regard de Corentin dans mon dos, qui surveillait mes moindres gestes. Je ne savais pas ce qu’il préparait, mais je commençais néanmoins à m’inquiéter.

Je redoutai surtout le moment où Corentin serait de garde la nuit, et où il en profiterait peut-être pour m’assassiner. Je me promis de me mettre à l’écart une fois mon tour de garde arrivé.

Lorsque Cléa vint me réveiller, je vérifiai instinctivement la silhouette de Corentin allongée dans le noir. Cléa suivit mon regard :

  • Non, il n’a pas bougé. Arrête de te faire du souci pour ça.

Je laissai échapper un grognement et me levai. J’allai me poster sur la dune la plus proche, et regardai Cléa se coucher sur le sable. Mon regard s’attarda sur Corentin, avant d’aller se poser sur les environs.

Après quelques minutes de surveillance, je sentis une présence dans mon dos. J’eus à peine le temps de me retourner que cette présence me donna un coup de poing. Je tombai en arrière et laissai échapper un cri de douleur.

  • C’est quoi cette surveillance, Matt ?
  • Je ne suis pas sensé me méfier de vous ! protestai-je en crachotant du sable.
  • Tu me déçois fortement, reprit Corentin. Puisque tu es incapable de surveiller notre campement, tu ne sers plus à grand chose. Je suis dans l’obligation de te tuer.
  • Je ne vais pas me laisser faire, répondis-je. Ne compte pas là-dessus.

Je me relevai et tendis la main vers ma sacoche. Corentin sortit lui aussi une carte. A la lueur de la lune, je pus voir son numéro : c’était l’as de Pique. Je réfléchis à toute allure, pour trouver une solution à ce problème.

Corentin se méprit et éclata de rire :

  • Tu te demandes comment j’ai fait pour l’avoir, pas vrai ? Hier, pendant que tu étais mal en point et que je te portais, j’ai pu voler la première carte qui venait. Coup de chance, c’était l’as de Pique. C’est la carte la plus forte, pas vrai ?
  • Oui, acquiesçai-je.
  • Tu as sans doute compris que tu étais perdu, dit Corentin. Et que tu vas te laisser faire, contrairement à ce que tu as dit.
  • Je ne vois aucune solution, déplorai-je.
  • Ah ! Toi, le devin ! Bon, je ne veux pas réveiller Cléa. C’est pourquoi je vais écourter ton sort.

Je tirai alors le roi de Pique, le transformai rapidement en as ( le valet, la dame et le roi servent comme jokers ), et nous déclenchâmes en même temps le pouvoir des cartes.

Je savais bien que mon roi, même s’il était un as, était moins puissant que celui de Corentin. Nous criâmes tous les deux, réveillant Cléa. Celle-ci se releva et nous regarda, complètement effrayée.

Malheureusement, le pouvoir du roi arriva à son terme. J’eus le temps de m’écarter, mais l’as de Pique eut le temps de me toucher au ventre, me laissant une profonde balafre, et tranchant la hampe de ma sacoche, laissant échapper presque toutes les cartes.

Je tombai par terre, hurlant de douleur. Corentin s’approcha de moi, et pris une arme des Autres, qu’il avait gardé jusque là derrière son dos. Il pointa vers moi son arme et dit, avec un sourire satisfait :

  • Adieu, Matt.

Je fermai les yeux, me laissant aller à la mort. J’attendis, mais rien ne vint. J’ouvris les yeux prudemment, et vis que Corentin avait disparu. Je fronçais les sourcils, et regardai autour de moi.

Encore une fois, la lueur de la lune me permit de voir ce qu’il s’était passé. Je vis ainsi Cléa, quelques larmes roulant sur ces joues, une arme des Autres dans la main, pointée en direction de Corentin. Je demandai :

  • Tu as tiré ?
  • Oui, dit-elle en éclatant en sanglots.

Je me relevai lentement, mon ventre souffrant au martyre, mais je réussis à m’approcher d’elle et à lui dire, avec toute la sincérité que je pus insuffler :

  • Merci, Cléa. Il m’aurait tué.
  • Lorsque je l’ai vu au dessus de toi, un sourire maléfique, je me suis dit : non, ce n’est pas Corentin. Et j’ai tiré…

Elle éclata de nouveau en pleurs. La tête me tourna, et je m’effondrai par terre. Cléa s’accroupît aussitôt près de moi :

  • Qu’est-ce qu’il y a ?
  • Corentin m’a touché, dis-je en grimaçant. Dans mon sac, il y a une lampe torche. Prends-la et essaie de trouver une carte de Cœur. Ça me soignera.

Elle acquiesça et courut vers mon sac. A ce moment, le vent se leva brusquement, faisant envoler presque toutes mes cartes. Je criai de désespoir, et tentai d’en attraper quelques-unes.

Cléa éclaira le désert, et je réussis à attraper trois cartes, dont le sept de Cœur. Je criai :

  • Essaie d’attraper toutes les cartes que tu peux !

Je me soignais rapidement, puis, retrouvant mes forces brusquement, je me mis à chercher moi aussi les cartes. A nous deux, nous retrouvâmes onze cartes, ainsi que ma sacoche, avant qu’une nouvelle bourrasque ne vienne faire tout envoler.

  • On défait le campement et on s’en va ! criai-je.

A cinq minutes à peine, nous étions repartis. Je n’avais réussi qu’à retrouver quatre armes des Autres, sur une dizaine. Et j’avais perdu un bon nombre de cartes, mais j’en avais assez pour survivre.

  • Où est-ce qu’on va ? cria Cléa.
  • C’est une tempête de sable ! criai-je en retour. Si on reste dans le désert, on va mourir. Il faut que l’on trouve une maison, ou quoique ce soit d’un peu solide qui nous permettrait de nous abriter ! Mais nos chances sont maigres, je l’avoue.

Le vent commençait à devenir violent, et les graines de sable qui s’envolaient nous fouetter les jambes et les bras.

  • On n’y arrivera pas ! haleta Cléa.
  • Je refuse de céder ! criai-je.

Mais plus le temps passait, plus de chances de survie se rétrécissaient. J’allai abandonner lorsque je vis un groupe de maison, au beau milieu du désert. Une maison de reclus, en dehors de toute civilisation. Je criai :

  • Là-bas !

Nous mîmes nos dernières forces à courir jusqu’aux maisons, alors que le vent commençait à nous déséquilibrer. Nous entrâmes dans la première maison, puis refermâmes.

  • J’espère que la maison tiendra, dis-je, essoufflé.

Un grognement vint de l’arrière de la maison, et deux Affamés sortirent d’une pièce cachée. Je ne pris pas le temps de réfléchir et tirai deux fois avec une arme des Autres. Le temps d’un battement de cil, les Affamés avaient disparus.

Cléa s’appuya contre un mur et recommença à pleurer. Je m’assis à côté d’elle, et lui passai maladroitement un bras autour de ses épaules. Elle ne tarda pas a s’endormir, visiblement secouée.

Quant à moi, je restai éveillé à réfléchir aux événements de la nuit. En moins d’un quart d’heure, j’avais failli me faire tuer par Corentin, celui-ci était mort, et j’avais perdu la plupart de nos moyens de défense.

Je ne savais pas quelles cartes il me restait, mais j’espérai qu’elle me suffirait pour le reste du trajet.

  • Corentin, pauvre fou, ça n’avait pas besoin de finir comme ça.., pensai-je avant de m’endormir à mon tour.

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