Chapitre DIX

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Les portes s’ouvrirent, mais ils n’étaient pas dans le parking. Drimey quitta l’ascenseur et se rendit à l’accueil, suivit par Steven.

—   Je suis le docteur Stéphanie Isabel Donsel. Un patient est arrivé aujourd’hui vers douze heures. J’aimerais le voir, ou rencontrer le médecin qui l’a pris en charge. – La femme de l’accueil tapa quelques mots sur son ordinateur avant de répondre.

—   Oui, Docteur, les ambulanciers ont précisé que vous étiez son médecin traitant. Il est encore en observation, mais hors de danger. Par contre, je vois que nous avons dû utiliser les procédures de maintien. Il est au second.

Drimey remercia l’agent d’accueil et entraîna Steven au second étage. Arrivée sur place, elle demanda à une infirmière où se trouvait l’homme amené l’après-midi après un accident de la route. La femme lui demanda :

—   Vous parlez de Louis, le chauffeur routier ? C’est un numéro vous savez. Il voulait partir, mais nous n’avons trouvé personne à prévenir. Il s’est énervé et à arracher toutes ces perfusions. Alors nous l’avons maintenu. C’est le règlement. Pourtant, il est en pleine forme, et si j’étais à sa place, je réagirais comme lui. Il a demandé à signer une décharge pour sortir, mais le Docteur Éden à refuser.

Drimey remercia l’infirmière. Elle se rendit dans la chambre qu’on venait de lui avait indiquée. La 207. Steven reconnu l’homme de suite, son visage bon enfant et son embonpoint. Il semblait perdu. Attaché dans son lit, par des bracelets aux chevilles et aux poignets. Steven entra le premier dans la chambre, et s’assit sur le bord du lit. Drimey le suivit, mais resta en retrait.

—   Bonjour. – Lui dit Steven – Comment vous sentez-vous ?

—   Comme quelqu’un attaché à son lit – Lui dit l’homme.

—   Je m’appelle Steven et vous ?

—   Je m’appelle Louis, mes parents étaient amoureux d’Armstrong. Personnellement, je suis allergique au Jazz. – Steven ne put s’empêcher de rire.

—   Je ne suis pas fan non plus. Louis a chanté de très belle chanson, mais je déteste la trompette. Miles Davis c’est autre chose… – Louis lui sourit sans conviction, c’était plus pour être gentil. Il faut dire qu’il n’avait pas l’humeur à la musique.

—   Vous allez me libérer ? – Steven soupira.

—   Je n’ai aucun pouvoir ici. Cependant, je parlerai pour vous si vous me promettez de rester ici et d’attendre que les médecins vous aient examiné. Vous avez failli mourir. Ils ne peuvent vous laisser partir sans que personne ne vous prenne en charge et ne vous surveille. – Lui expliqua Steven avec douceur. Drimey le trouvait de plus en plus Divin dans sa manière de se comporter.

—   Je n’ai plus une seule famille, si ce n’est ma femme, Gena, nous roulions peu après Milwaukee quand elle m’a demandé de m’arrêter. Elle est descendue sur une aire de parking, et elle est partie. C’est après que j’ai senti mon cœur faire des bonds, puis c’est le grand noir… – Expliqua-t-il à ses auditeurs.

—   Vous avez fait une crise cardiaque et c’est moi et mon ami, qui nous vous avons secourus. Vous êtes passé très près de la mort. C’est pourquoi il est important que vous vous reposiez. – Répliqua Drimey, avec le professionnalisme du médecin et la douceur du lama.

—   Je suis mort, je m’en souviens très bien. J’étais dans un long tunnel, la lumière était devant moi, et les ombres me couraient après. Je ne sais pas si j’aurais pu atteindre la lumière, avant d’être dévoré par les ténèbres. Je ne me souviens que d’une voix remplie d’amour. Elle m’a demandé de revenir, de vivre près du Christ et je me suis réveillé… – Il posa les yeux sur Steven – C’était vous ? N’est-ce pas… – Steven hésita, mais Drimey lui fit un signe de la tête. Il devait parler.

—   C’était moi, Louis, c’était moi. Si vous me faites confiance, je vous promets une vie longue et heureuse. Promettez-moi de toujours suivre mes conseils ou ceux de mes sœurs et frères. Alors vous quitterez l’hôpital dès ce soir et viendrez vivre avec nous.

—   Non ! – Crièrent Louis et Drimey en même temps. Steven s’adressa tout d’abord à Drimey.

—   Il a besoin de nous et surtout de vous. Je ne suis rien, vous êtes tout. Vous êtes peut-être un grand médecin, mais vous êtes surtout Sangye Menla. Il aura besoin de vous et de tous les lamas de N?land?. – Puis il s’adressa à Louis. – Vous viendrez vivre dans un lieu de paix, vous y serez bien. Je chercherais et trouverais Gena, puis je lui parlerais. Peut-être est-ce fini entre vous, mais ce n’est pas une raison pour mourir. Voulez-vous essayez ?

Louis hocha la tête un moment sans répondre, puis lâcha un « Oui » distant et incertain, mais c’était un « Oui » néanmoins. Drimey soupira et alla chercher le chef de service pour lui parler. Steven détacha les liens de Louis après lui avoir fait promettre, de ne rien tenter de stupide et de ne pas s’enfuir. Louis accepta, Steven sentit vibrer en lui les accents de la vérité. Il aida l’homme à s’habiller. Puis ils attendirent ensemble en faisant connaissance. Louis parla de sa vie, assez simple, de son grand amour, Gena, qu’il connaissait depuis toujours. Ils étaient voisins depuis l’âge de trois ans. Ils avaient partagé leurs premières expériences dans tous les domaines. La maternelle, le collège, le lycée et l’amour. Par contre, il refusa de parler de la raison de leur rupture. Il n’insista pas.

Drimey revint avec le chef de service et le professeur Méricourt. Celui-ci expliqua à son collègue qu’il se portait garant de Drimey. Il lui faisait entièrement confiance. Steven sentit que l’homme avait envie d’insister, mais d’un autre côté si le Professeur Méricourt était mis à la retraite pour une faute grave, une place de choix serait disponible. Une infirmière accompagna Louis, pour qu’il signe une décharge. Ce qui ne plut pas au chef de service, une décharge empêchait toute poursuite contre Drimey ou le professeur. Il aurait préféré que Louis sorte sous la responsabilité de Drimey. Il n’aimait pas ce jeune médecin, fille d’une présidente qu’il détestait, détentrice de doctorats qu’il n’obtiendrait jamais. Il revint dix minutes plus tard. Si Drimey ne disait plus rien, le professeur se chamaillait toujours avec le chef de service de l’étage.

Lorsqu’ils furent sur le point de partir, le chef de service sans nom lança à Méricourt.

—   Je vous préviens Professeur, décharge ou non, s’il arrive quoi que ce soit, je vous ferais poursuivre vous et votre élève, par l’ordre des médecins ! – Le professeur le regarda en riant presque.

—   Je sais Éden, c’est votre méthode. Vous êtes un médecin médiocre qui n’a réussi à monter les échelons qu’en écrasant ses collègues. Contrairement à vous, j’ai foi dans mes médecins. Si le Docteur Drimey affirme que ce malade peut sortir sans crainte, je lui fais totalement confiance. N?land? possède une excellente infirmerie et trois médecins extrêmement compétents. Je ne crains rien.

Éden, qui avait pourtant un superbe prénom, quitta la pièce en claquant la porte. Le professeur Méricourt souffla.

—   Stéphanie, j’espère que tu es sûre de toi. Cette fois ci, nos deux carrières sont en jeu. – Elle se serra contre sa poitrine. C’était plus proche d’un câlin père-fille que d’une relation Maître-disciple, quelle qu’en soit le sens.

—   Je suis sûre de moi Harlan. Vous souvenez vous du tout dernier enregistrement que nous avons visionné tout à l’heure ?

—   Comment pourrais-je l’oublier ? Ces images, cette lumière… C’était phénoménal.

—   Ce que vous avez vu était une résurrection. Très peu de gens ont pu en être témoin d’aussi près, que nous aujourd’hui. Pensez-vous qu’une personne revenue de la mort, qui se trouve être en pleine santé quelques heures après un infarctus fatale, risque grand-chose ? – Demanda-t-elle dans un murmure. Le professeur regarda Steven longuement, puis Louis avant de revenir sur le visage de Drimey.

—   J’ai toujours fait confiance à ton père. Je te ferai toujours confiance, c’est pareil pour chacun de vous. Maintenant, filez. Éden ne manquera pas de recourir à toutes les possibilités juridiques pour mettre ses menaces à exécutions.

La journée avait passée à toute vitesse, il était déjà six heures. Le temps de rentrer, il serait près de sept heures. Louis récupéra son portefeuille et son mobile à l’accueil, puis il suivi Drimey jusqu’au parking. Steven parlait en permanence avec lui. Drimey démarra dès que le contact fut mis. Puis, elle prit la route de Buda. Elle n’ouvrit pas la bouche de tout le trajet. Elle était contrariée, Steven ne comprenait pas pourquoi. Louis se contentait de regarder la route défiler à travers la vitre. Steven, rêvait de Tseyang. Lorsqu’ils arrivèrent au panneau indiquant Buda, Drimey ne le suivit pas et tourna sur la gauche sur un sentier, passant à travers champs. Ils tombèrent sur une grande porte en fer forgé, et des clôtures en fil de fer barbelés sur deux rangés, avec la mention « Danger de mort, lignes électrifiés à 10 000 volts ». Steven n’avait plus l’impression d’être à l’entrée d’un monastère, mais d’un camp secret de l’armée. Drimey le regarda en souriant. C’était son premier sourire depuis leur départ de l’hôpital Saint Francis.

—   N?land? est très grand. Nous ne pouvons mettre des agents de sécurité partout. Alors, à part les deux grandes portes d’entrée, le reste est clôturé depuis deux ans. La première année, tous les curieux du coin, les voyous, et de nombreux membres de parti politique à tendance fasciste sont venu nous poser des problèmes. Des élèves se sont faits attaqués, des centaines de vols ont eu lieu. Le temple a été saccagé. Depuis, nous sommes plus tranquilles.

Elle roula un peu et s’arrêta dans un des quartiers de l’université, que Steven n’avait jamais vu. Il y avait un grand bâtiment qui ressemblait étonnamment à un lycée. Mais ce qui intéressait le plus Steven dans l’immédiat, c’était un petit bâtiment de quatre étages avec une enseigne lumineuse en forme de croix, passant du rouge au vert en alternance. C’était l’hôpital ou l’infirmerie de N?land?. Ils quittèrent tous les trois la voiture. Drimey s’adressa à Louis :

—   Voilà notre infirmerie, vous allez y passer au moins deux nuits.

—   Vous me sortez de l’hôpital pour m’enfermer à nouveau ? – Demanda-t-il d’un ton désabusé.

—   Non, vous ne serez pas enfermé. Suivez-moi je vais vous montrez.

Ils pénétrèrent dans l’infirmerie et tombèrent nez à nez sur l’agent d’accueil. C’était un jeune homme d’un peu plus de vingt-cinq ans. Il salua Drimey et les deux hommes à la manière tibétaine.

—   Maître ! – Dit-il simplement.

—   Bonsoir Kalden. Rien d’important aujourd’hui ? – Il hésita, classa l’ordre des priorités puis répondit en souriant.

—   Valérie Mentok, s’est cassé la jambe cette après-midi. Elle a fait une chute en visitant le chantier numéro trois. Elle n’a rien de vraiment grave. Docteur Dawa a réduit la fracture, et l’a plâtré. Elle s’en veut terriblement. Wangdue va parfaitement bien. Pas de fièvre, la cicatrisation est parfaite. Il pourra sortir demain à condition, de ne pas habiter seul et de se contrôler.

—   C’est parfait. Préviens lama Émilie Köntchok. Je te présente, Louis, il va rester dans l’appartement du dernier étage. Je veux qu’elle ne le quitte pas un instant. Appelle-la, je monte avec Louis.

Elle prit Louis par la main, l’entraînant derrière elle. Ils montèrent jusqu’au quatrième et dernier étage.

—   C’est un véritable hôpital ? Vous opérez, vous pouvez réduire une fracture ? – Demanda Steven.

—   Bien sûr. Nous avons près de neuf mille étudiants. Parmi eux, il y a quinze médecins dans toutes les spécialités et pas loin de cent infirmières. Tous ont un bip et peuvent être appelé à n’importe quel moment. Si le Buddha et le Dharma sont notre force de vie, laissé mourir qui que ce soit par imprudence serait un crime. Nous prenons soin de nos malades. Évidemment c’est un minuscule hôpital, nous n’aurions pu lire tes résultats sans aller à Peoria.  

Dès qu’ils sortirent de l’ascenseur, elle se rendit jusqu’à une porte qu’elle ouvrit, elle n’était pas fermée à clef. De l’autre côté se trouvait un superbe appartement. Grand, avec une immense baie vitrée donnant sur N?land? et le lac, assez proche. Elle le fit visiter à Louis. Deux chambres, une petite, avec un lit une place, et une seconde avec un lit deux places de belle dimension. Une cuisine parfaitement équipée, comme celle de Tseyang, Paul et Steven. Un salon, avec TV et une bibliothèque remplis de livres divers. C’était un lieu réellement agréable. La lumière y entrait de partout, même à sept heures du soir. Drimey fit signe à Louis de s’asseoir près d’elle sur le canapé. Il obéit sans hésiter.

—   Cet appartement est magnifique ! – S’exclama-t-il. Elle ne put s’empêcher de rire.

—   Pour le moment, c’est le tiens. Tu vois, ce n’est pas l’hôpital et personne ne t’attachera. Néanmoins tu dois me faire plusieurs promesses…

—   Dîtes… Je vous écoute.

—   Ici à N?land?, nous n’avons pas l’habitude de contraindre nos étudiants ou nos malades. Pourtant, tu as failli mourir et j’ai fait en sorte que tu quittes l’hôpital avec l’aide de mon professeur. Désormais, s’il t’arrive quelque chose, nous serons tous les deux considérés comme responsables. Ce ne serait pas un cadeau à nous faire que de disparaitre. Par conséquent, je te demande trois choses : En premier, ne quitte jamais N?land? sans m’avoir parlé avant et sans être accompagné. – Il acquiesça d’un signe de tête.

Drimey soupira et lui offrit un sourire.

—   Bien, c’était le premier point. Le second maintenant : Une jeune femme, une de mes élèves, va venir habiter ici avec toi. Elle te préparera tes repas et surtout, elle te fera la conversation. Elle est sympa et très gentille. Cependant, je ne te connais pas Louis, je veux que tu te comportes bien avec elle. Pas de paroles ou de gestes déplacés ! Tu me le promets. – Une larme coula le long de ses joues.

—   Mais pour qui me prenez-vous ? Vous m’avez regardé ? Un gros tas, c’est ainsi que tout le monde m’appelle. Je suis laid, je le sais. Mais je ne suis pas différent de vous. Je suis sensible et courtois. Je n’ai aimé qu’une fois dans ma vie. C’était Gena. Maintenant, je ne suis plus rien… – Dit-il. Drimey lui prit la main.

—   C’est la troisième promesse : Jure moi sur ce que tu as de plus cher au monde, que tu ne tenteras pas de mettre fin à tes jours. Nous pensons que la vie est sacrée, te tuer n’apportera rien, sinon d’autre souffrance. – Il la fixa un moment, puis se mit à sourire.

—   Je ne suis pas un homme différent des autres. Je ne suis pas un pervers et j’aime vivre. Non, je ne me suiciderai pas…

C’est à ce moment que l’on frappa à la porte. Drimey demanda d’entrer. Une jeune femme apparut, elle avait la trentaine et était rayonnante. Ce n’était pas un mannequin. Elle mesurait 1,70 mètres, avait des cheveux long et roux, des yeux verts et était un peu enveloppé. Au moins dix kilos de trop. Pourtant elle était charmante et immédiatement, Steven tomba sous le charme. Louis se leva, et la regarda en souriant. Elle marcha jusqu’à lui et lui tendit la main, qu’il serra avec douceur.

—   Je suis le lama Köntchok, mais vous pouvez m’appeler Émilie. Je m’occuperai de vous ces prochains jours. Si vous le voulez bien, sinon, nous demanderons à quelqu’un autre de me remplacer.

—   Je suis enchanté, lama Köntchok. Je suis certain que nous nous entendrons très bien. Je suis Louis.

—   J’en suis certain Louis. Dès que Maître Drimey et vos invités seront partis nous irons chercher le repas. J’espère que vous aimerez la cuisine de N?land?. – Il lui sourit et hocha la tête. Alors seulement, elle se tourna vers Drimey.

—   Maître, il n’est peut-être pas nécessaire que vous restiez plus longtemps. Nous devons faire connaissance. – Drimey hocha la tête en souriant.

Elle salua Louis, puis fit la bise à Émilie. Ensuite, elle prit la main de Steven et l’entraîna à l’extérieur. Ils prirent la voiture et roulèrent au ralenti jusqu’à la ferme. Steven, examina Drimey toujours aussi peu bavarde et questionna :

—   Tu sembles me faire la tête. Qu’ai-je fait ou dit ?

—   Rien et rien ! C’est une réponse. Tu n’as rien à te reprocher. Je suis fautive. – Dit-elle.

—   En quoi ?

—   À aucun moment, je n’ai compris ce que tu es. Je ne le comprends toujours pas. Tu as ramené un mort à la vie. Tu n’as souffert d’aucun des symptômes qu’entraine un tel acte. Je me battrai jusqu’à la mort pour sauver mes malades. Mais une fois leur esprit en route vers le Bardo, on ne les ramène pas. C’est inutile, il y a le Bardo et le karma. – Il l’examina, elle était déterminée.

—   Tu te trompes, petite sœur. Louis est mort prématurément, ce n’était pas son karma. Juste une crise cardiaque due à un chagrin d’amour. Le corps à ses raisons que le karma ignore. Pardonne-moi si je t’ai fait du tort. Je n’ai même pas cherché à le ramener à la vie, j’ignorais totalement en être capable. C’était simplement juste… Que je l’ai senti en moi.

—   Sûrement, je ne veux rien te reprocher, je veux juste l’avis de mon époux et mes sœurs. Tu es spécial Steven, tu ne comprends pas à quel point. Je ne peux pas t’aider à comprendre, car je suis dans le brouillard.

Ils roulèrent encore quelque minute, ils étaient arrivés. Aussitôt, ils allèrent devant la grande table, située entre la ferme et les pavillons. Toutes les sœurs de Drimey, étaient présentes avec leurs filles. Leur nombre était impressionnant. Élodie était elle aussi présente avec sa fille et son petit garçon de cinq mois. C’était à se demander si les Buddhas étaient incapables de mettre au monde des garçons. Réflexion stupide, car Dujom était bel et bien le fils de Drimey, quant à Élodie, elle n’était sûrement pas un Buddha, mais un maître accompli. Cette dernière alla s’asseoir près de ses sœurs, Steven resta planté debout.

—   Steven, s’il te plait, assied toi. Pourquoi restes-tu debout ? – Lui dit Lhamo. Alors il s’assit, sans discuter en face du grand maître. Lhamo se tourna vers Drimey.

—   Petite sœur, un problème dont tu voudrais me parler en privé ? – Drimey hocha la tête.

—   Rien que je n’ai besoin de cacher. Un problème ? Je ne sais pas. Une aberration ? Sans aucun doute. – Répondit-elle. Matilda se rapprocha et demanda :

—   Explique-toi. Que s’est-il passé ?

Alors Drimey raconta tout par le détail. Point par point, elle n’omit rien. Les regards de ses sœurs ou plus exactement compagnes, revenaient sans cesse sur Steven. Elles étaient surprises, étonnées, mais pas en colère le moins du monde. Une fois l’histoire terminée, Sam fixa Steven, son visage était incroyablement fin. Même si le monde n’est qu’illusion, elle semblait de très loin la plus jeune.

—   Drimey dit vrai ? Tu as ressuscité un mort ? – Il trembla presque. Il craignait qu’on le jette dehors. Il avait accompli une chose interdite et il n’en était même pas conscient. Pourtant, plus jamais il ne quitterait Tseyang, qui devait l’attendre.

—   Je ne l’ai pas fait exprès… – Murmura-t-il sur le ton d’un enfant qui a fait une grosse bêtise.

—   On ne fait rien sans le vouloir du fond du cœur. Steven, soit un homme et assume tes actes. As-tu ressuscité cet homme ? – Demanda Lhamo à son tour. Il se redressa, et regarda Lhamo droit dans les yeux.

—   Je n’ai pas conscience de l’avoir fait. J’ai prié, c’est tout. Alors, il a ouvert les yeux. Si j’ai mal agis, je m’en excuse, mais je voulais bien faire…

Alors, toutes éclatèrent de rire, en le regardant. Il se sentait mal, non seulement il avait fait quelque chose qu’il l’aurait pas dû faire, mais en plus tout le monde se moquait de lui. Lhamo reprit un air très sérieux, et lui parla directement :

—   Ne parle pas Steven, tu vas dire des bêtises. Tu as autour de toi à N?land? des dizaines de Buddhas. De véritables Buddhas venus directement de Nirv?na pour agir. Pourtant, aucun d’eux n’est comme toi. Ils sont immortels, c’est un fait. Tu as sûrement entendu parler de ma résurrection ? – Il hocha la tête pour montrer qu’il savait de quoi l’on parlait. – Pourtant aucun de nous n’est capable de rappeler un mort entré dans le Bardo pour le ramener à la vie sans risquer de mourir lui-même. Enfin, c’est faux. Mais avant de découvrir ce que nous étions réellement, il en était ainsi. C’est pourquoi Drimey est si troublée, et je le serais tout autant à sa place. Pourtant, aucun doute n’est possible, tu as ramené Louis à la vie et tu es en pleine forme. Que peux-tu nous apprendre ? – Termina-t-elle.

—   Rien de rien. J’ai juste prié le seigneur mon dieu. Je n’ai rien demandé, juste que Louis obtienne une vie éternelle près de Jésus.

—   D’accord, nous n’allons pas t’embêter plus. Je vais t’enseigner un type de méditation précis. Je te demande de suivre à la lettre mes instructions. Tu pourras retrouver dans ton esprit des informations importantes. Tu es d’accord ?

—   Maître, je suis venu ici pour obtenir votre aide. Je ferai tout ce que vous demanderez !

—   Parfait, alors suis moi, je vais t’enseigner…

Lhamo et Steven disparurent. Drimey se retrouva seule avec ses sœurs et ses filles. Les plus grandes, jouaient et couraient partout. Les plus jeunes, trottaient en essayant de rattraper leurs grandes sœurs. Tin et Tashi, surveillaient. Elles parlèrent, comme le font les mamans, de leurs filles, puis de Norbu-Raphaël, le second bébé d’Élodie et Antonio, âgé de cinq mois. Elles burent un thé en conversant, puis une voiture se gara. C’était Paul et Maud. Ils vinrent les saluer et demandèrent si la journée s’était bien passée. Drimey répondit par l’affirmative, sans rien ajouter.

—   Il y a un petit problème que nous devons vérifier avec Steven. Tseyang est en méditation avec lama Khampo et lama Jakli. Ne craignez rien. Ils seront chez vous ce soir. – Lui dit Drimey.

—   Qu’en est-il de Steven ? – Demanda Maud. – Je n’ai pas peur pour leur salut, mais j’espère que vous ne me cacheriez rien ? – Drimey frissonna, que pouvait elle avouer ou non à Maud. Elle était partie prenante dans la vie de N?land?, mais elle était très proche de Paul. Ne risquait-elle pas de lui avouer ce qui n’était que suspicion ?

—   Ne t’inquiète pas Maud, il ne risque rien. Lhamo l’a emmené dans une méditation spéciale. Steven a des capacités qu’il ignore encore. – Maud soupira.

—   Et Tseyang ? – Demanda Paul à son tour.

—   Tseyang va très bien, elle est en pleine méditation. N’ayez aucune inquiétude, tout se passe comme pour chacun de nos étudiants.

Elle oublia juste de préciser que les étudiants arrivés à ce stade étaient en cinquième ou sixième années et ne venaient pas tout juste d’arriver. N?land? n’ayant que trois ans d’âges, jamais ils n’avaient vu pareils étudiants. Elle leur sourit et leur proposa un thé. Paul choisis un Bod Cha, Maud un café. Drimey se rendit dans la cuisine et prépara les deux boissons.

Maud et Paul burent chacun leur thé et café, et finirent par repartir vers le pavillon. Steven n’étant toujours pas revenu. Ils feraient leurs courses chez l’épicier du monastère. Maud avait sa carte depuis l’ouverture. Celle de Paul, Steven et Tseyang leur avait été déposé le matin.

Steven réapparut près de deux heures plus tard. Il était près de dix heures. Il était souriant, décontracté. Lhamo l’accompagnait parée du même sourire.

—   Tout va bien ? – Questionna Drimey. Lhamo se contenta de rire, mais Steven courut vers elle, la pris dans ses bras et l’embrassa sur la joue. 

—   Drimey, tu es mon guide, mon révélateur. Jamais je ne trouverai les mots pour te remercier. – Elle l’embrassa sur le front, les joues et les lèvres, ce qui était la plus profonde bénédiction existante, avant de reculer.

—   Je ne sais pas qui tu es, mais tu ne peux être qu’un Buddha ou Bodhisattva. – Il ne répondit rien et se contenta de lui sourire, puis retourna s’asseoir à la grande table.

—   Je vais partir – dit-il en s’adressant à Lhamo. – Tseyang m’attend sûrement.

—   Non, Tseyang n’a pas encore terminé. Mange avec nous, tu te détendras. Tu seras de retour chez toi avant 23 h.

Il accepta, mangea avec toute la famille de Lhamo. Jamyang était près de lui, mais ne lui parla que très peu. Drimey posa un lecteur multifonction sur la table et posa la question :

—   L’un d’entre vous reconnait-il cette langue ?

Puis elle appuya sur la touche lecture. Alors, commença la lecture de l’enregistrement sonore des visions de Steven.

—   C’est de l’italien ! – Crièrent trois voix en même temps. Drimey se mit à rire et passa à la suite.

Tous se dévisagèrent en se questionnant les uns les autres. Puis Jamyang répondit sûr de lui.

—   De l’araméen. J’ai passé un moment en Judée. C’est une langue typique, je n’ai aucun doute.

—   Pourrais-tu nous traduire ces phrases ? – Questionna Drimey.

—   Ce n’est pas si facile, la bande son n’est pas nette. Mais je vais essayer. Repasse-la depuis le début. – Drimey s’exécuta, et Jamyang se concentra.

—   Marie, que fais-tu ici ? – Il s’arrêta attendant que l’enregistrement défile. – Tu sais que beaucoup n’accepte pas ta présence. – Encore un moment d’attente. – Tu sais que je l’apprécie plus que tout. Reste à mes côtés, je t’en fais la demande… – Puis l’enregistrement continua jusqu’au moment où Steven était près du mort. C’est-à-dire Louis. – Mon père, toi qui n’es rien, le vide parfait, mais qui est tout. Ramène l’esprit de cet homme à la vie, il a encore tant de chose à faire…

Ensuite, il n’y eu plus que des parasites. Jamyang se tourna vers Steven en même temps que toutes les femmes.

—   Tu n’as rien à ajouter ? – Lui demanda Jamyang.

—   Rien je vous le jure, je ne comprends rien. Je ne savais même pas que l’araméen existait avant tout à l’heure. Je ne comprends pas…

—   Ne t’en fais pas. – Le rassura Lhamo – Je crois commencer à comprendre. Je te ferai savoir si je trouve une explication logique. Il est très tard. Va retrouver ton amoureuse. Drimey va te raccompagner. Nous nous verrons demain à dix heures, ici même. – Il hocha la tête, et suivit Drimey à sa voiture, elle le raccompagna chez lui en quelques minutes.

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