Une première rencontre mémorable

2 minutes de lecture

L’avantage, avec eux, c’est qu’on est jamais déçu. Dès le jour de leur arrivée, la messe était dite.

Je faisais du vélo avec ma sœur, sur la rue en cul-de-sac où nous habitions depuis neuf ans. J’en avais dix, elle huit.

Nous nous amusions à faire la course comme souvent lorsqu’on est gamin.

Soudain, il a jailli de derrière un buisson. Il a lancé un gros bâton dans la roue avant de mon bicycle. Je vous laisse imaginer le vol plané. J’ai volé tel un magnifique moineau, avant de m’écraser sur le chemin de fins gravillons comme une grosse merde. Puis je glissai jusqu’au fossé où la rosée du matin ne s’était pas encore évaporée.

Mes mains, mes genoux, ma hanche gauche n’ont pas réchappé au carnage. Je pissais le sang et les larmes.

Notre nouveau voisin s’est approché de moi, s’est penché au-dessus de moi. Il devait avoir à peine sept ans.

— A compter d’aujourd’hui, c’est moi qui commande, a-t-il craché.

— Ouais, c’est mon frère le chef ici, maintenant, a confirmé sa sœur.

Elle avait mon âge. Par contre, pas du tout mon gabarit. Moi, j’étais rachitique. Elle, elle avait abusé à outrance des pâtisseries, saucisses et autres nourritures chargées de graisse. Elle avait enfilé une robe de princesse à frou-frous. Mais elle ne ressemblait en rien à une princesse, plutôt à un bibendum en jupette. Quoique, avec ses oreilles décollées et son nez proéminent, elle aurait pu passer pour la fille du Prince Charles.

Leur mère est arrivée. La réincarnation de Harriet Oleson dans la petite maison dans la prairie. Son visage flapi trahissait son manque évident de sommeil. Elle portait dans ses bras un bébé de quelques mois à peine qui braillait à vous percer les tympans. Derrière des jumeaux observaient la scène de leurs grands yeux globuleux.

Vous vous dites, cinq gosses, bonjour le boulot. Mais la ribambelle ne s’arrêtait pas là : la famille comptait encore deux adolescentes, un chien, quatre chats et un rat.

— C’est ton œuvre, ça, Vincent ? a demandé la mère.

— Elle est réussie, hein, maman ! s’est enthousiasmé le gamin.

La mère m’a regardé avec des yeux chargés de désespoir.

— Je suis vraiment désolée, a-t-elle assuré.

Pourtant, elle n’a rien fait pour m’aider. Elle a ordonné à sa marmaille de rentrer. Puis elle les a suivis.

Ce déboire a été le pionnier d’une longue liste qui m’a opposé à Vincent. Car, s’il avait gagné la première manche, je lui en ai fait voir moi aussi.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Yann Riva-Cobel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0