Juste un au revoir

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Dimanche matin, 09h30, le réveil n’est pas simple. Nous devons rendre l’appartement à 11h mais nous sommes couchés à 6h. Les traces de nos jeux jonchent encore le sol dans toutes les pièces. Je descends en vitesse chercher de quoi petit-déjeuner au dépanneur. Ce matin, l’heure est à la tendresse mais le spleen pointe déjà le bout de son nez. Une dernière douche ensemble, de dernières caresses, il est déjà l’heure de partir.

Nous sortons dans la rue, le temps est maussade. Nous marchons ainsi une bonne heure, collés l’un à l’autre, avant qu’Olivia n’appelle son compagnon. Le rendez-vous est fixé dans le vieux Montréal, sur le parvis de la basilique Notre-Dame. J-C et Louis nous rejoignent, nous commençons à nous balader sans but précis dans les rues pavées du quartier historique. En déambulant dans la rue Saint Paul, nous nous arrêtons net avec Olivia devant la galerie LeRoyer qui expose les impressionnants travaux d’un artiste québécois nommé Yann Normand. Installations, sculptures, tissages, peintures, les œuvres de l’artiste sont variées mais toutes aussi saisissantes les unes que les autres. Il met son univers sombre et son imagerie sans concessions au service d’un propos engagé qui interroge sur différentes problématiques sociétales. La galerie possède deux autres locaux, dans la même rue, que nous décidons de visiter également. La sélection est cohérente, mêlant des œuvres pop, contemporaines ou issues du street-art, toujours avec une grille de lecture critique sur notre société moderne et sa jumelle, la société du spectacle.

Après avoir longuement échangé avec le galeriste, nous décidons d’aller manger tous ensemble. Une fois à table, les garçons nous racontent leur soirée au Triskelion. C’était la première fois que Louis rentrait dans un club BDSM et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il s’en souviendra longtemps. Il nous en fait un récit très drôle, en tant que spectateur extérieur, mi amusé mi perplexe mais jamais dans une position de jugement. En fait son regard est plein de bienveillance, il semble vraiment ravi de cette expérience immersive même si le choix de sa tenue semble avoir été une épreuve particulière. Le quatuor que nous formons autour de la table semble assez improbable et pourtant il fonctionne à merveille. J-C a une foule de questions à me poser à propos du paddle. Il ne s’en est jamais servi lui-même mais ambitionne d’en fabriquer après avoir entendu les récits qu’Olivia lui en a fait. Nous échangeons sur les différentes matières possibles, les tailles ou les formes. Son enthousiasme est palpable, il projette d’ailleurs de créer une entreprise de fabrication de sextoys artisanaux depuis quelques temps déjà. Je trouve l’idée géniale. C’est une niche quasi inexistante, la grande majorité des accessoires étant fabriqués de manière industrielle, à la chaîne. Les possibilités sont infinies en termes de customisation ou de personnalisation pour les clients.

Malgré l’excellent moment que nous passons, je ne peux m’empêcher de ressentir un léger pincement au niveau de la poitrine. Mes paroles se font de plus en plus rares, mon esprit s’évade sur les chemins de la mélancolie. Je sais que je passe là les dernières heures avec Olivia. Je devrais m’estimer heureux d’avoir pu connaître une expérience aussi intense mais je n’ai jamais été doué pour les fins.

Il est maintenant l’heure de retourner à la voiture. Ils vont me reconduire directement dans ma rue puisque leur chemin passe par mon quartier. Assis à l’arrière avec Olivia, nous passons tout le trajet du retour enlacés, à nous embrasser comme pour faire reculer ou ignorer l’inéluctable. J’aperçois J-C qui nous jette des regards pleins de tendresse dans le rétroviseur et je me dis que oui, j’ai décidément eu une chance assez inouïe, que ce soit elle, que ce soit lui, que ce fût nous.

La voiture s’immobilise dans l’avenue Champagneur, il est l’heure de se dire adieu. Je donne de longues accolades à Louis puis à J-C pour les remercier avant qu’ils ne remontent dans la voiture. Olivia reste là, je la serre fort dans mes bras, l’embrasse et lui dit qu’elle va me manquer. Elle me répond qu’elle espère de tout cœur que je serai vite de retour au Québec mais qu’on ne se perdra pas de vue puisqu’il est hors de question que ce soit un adieu, un simple au revoir tout au plus. Malgré mon humeur lourde, ces dernières paroles résonnent dans mon esprit et allègent un peu du poids de cette séparation.

Quelques jours plus tard, je suis assis au milieu des autres passagers dans l’avion qui me ramène en France, avec une certitude fermement chevillée au corps : cette histoire est un prologue, de nombreux autres chapitres restent à écrire.

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