II. Les deux serpents d'Ouroboros

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Louis ouvrit les yeux lentement, bâilla, s’étira puis se recroquevilla dans son lit. Il serra fort entre ses doigts le drap fin qui recouvrait son corps presque nu et observa le mince faisceau de lumière qui passait dans l’interstice des volets de bois. À travers ce petit rayon de soleil, il apercevait les grains de poussière voltigeant dans l’air et un petit sourire s’afficha sur son visage lorsqu’il sentit l’odeur du pain grillé. Le jeune homme aimait traîner au lit. Surtout en vacances. Mais là, il s’impatientait de prendre son petit déjeuner sur la grande table extérieure, sous le soleil matinal. Alors, il se leva, se grattant machinalement le bras, s’étira de nouveau et bâilla encore. Il attrapa sa montre, laquelle indiquait « 9h24 » puis enfila un t-shirt ; de ceux qu’on ne met que lorsque nous sommes le plus loin du monde et des autres.

Tel un enfant excité par la venue du Père Noël, il s’élança dans les escaliers, s’aidant du poteau de la rampe pour tourner le plus vite possible et sautant certaines marches dans de grands bonds bruyants. Arrivé en bas, il traversa le salon puis déboula dans la cuisine. Les fenêtres étaient ouvertes et sa mère récupérait des tranches de pain dans le grille-pain. Louis souriait déjà.

- Bonjour mon chéri, tu as bien dormi ?

Le concerné hocha la tête et s’avança vers sa mère pour lui embrasser la joue. Il se mit alors à fouiller dans les placards, à la recherche de ce qui ferait son petit-déjeuner.

- Il n’y a pas de chocolat ? questionna-t-il.

- Non, ils n’ont que du café, on en achètera quand on ira faire des courses.

- D’accord.

- Le pain est sur la table dehors, l’informa-t-elle alors qu’elle sortait de la cuisine, ses tartines chaudes dans une assiette.

Louis suivit sa mère et pris soin de marcher sur chacune des dalles en pierre disposées sur le gazon, faisant office de sentier. À la table se trouvaient déjà son père, Marcel et Nicolas. Après de brèves salutations matinales, le jeune homme prit place à côté de sa mère puis se servit de pain et de confiture.

- Où est Judith ?

- Elle a un rendez-vous médical, on va au lac pour pique-niquer, elle nous rejoindra plus tard, lui répondit-on. Ta sœur y est déjà avec ses amis, on la croisera peut-être.

Louis adorait le lac. Il ne pouvait que se réjouir de le retrouver si tôt. Il était assez fréquenté mais cela ne le dérangeait pas. Il s’allongeait sur la plage de galets et passait des heures à lire, à écouter de la musique ou bien à discuter avec sa famille. Il se baignait de temps en temps, nageait, faisait des pirouettes et s’amusait à retenir sa respiration le plus longtemps possible.

- Regarde papa, j’ai réussi ! s’écria soudain Nicolas.

Il tendit une petite boule de corde entremêlées qui tenait tout juste entre ses doigts.

- Qu’est-ce que c'est ? demanda Stéphane, se penchant pour mieux inspecter la chose.

Le jeune homme lui tendit son œuvre et débuta ses explications. :

- C'est une pomme de touline, un nœud de marin. Autrefois elle servait de poids pour faciliter le lancer des cordes d’amarrage par exemple. Aujourd’hui c'est plus un objet de décoration, pour des portes clefs, des trucs comme ça !

Louis regardait de loin. Il fut étonné que son camarade soit si cultivé sur le sujet. Il savait au fond de lui que Nicolas était loin d’être idiot mais il ne pouvait s’empêcher de l’assimiler à un véritable imbécile dont le niveau de culture était comparable à celui d’une coccinelle.

- Et la difficulté dans la réalisation de ce nœud, c'est qu’au centre, on place un objet sphérique et comme ça n’a pas de coins, ça glisse donc faut être hyper minutieux. Ça fait des semaines que je m’entraîne à faire ça.

Le père de Louis était impressionné, levant son pouce en l’air puis applaudissant lentement. Marcel attrapa l’objet et l’observa sous toutes les coutures.

- Bien joué Nicolas, elle est vraiment parfaite !

Caroline -la mère de Louis-, applaudit à son tour et son fils, bien que réticent à l’idée frappa deux fois dans ses mains. Maintenant, tout ce qu’il voulait, c'était finir son repas tranquillement, profiter du temps matinal encore doux puis se préparer pour aller se détendre au bord du lac.

***

Le soleil tapait déjà fort en cette fin de matinée. La rive du lac était occupée par bon nombre de vacanciers. Un grand homme aux cheveux grisonnants jouait aux raquettes avec une petite fille en maillot de bain violet, un chien se secouait ses poils mouillés, provoquant les cris des personnes aux alentours et, une femme dont les yeux étaient si petits qu’on pourrait croire qu’elle n’en avait pas, jouait aux mots croisés.

À quelques mètres de la plage de galets, la surface lisse du lac ondula. Des bulles remontèrent des profondeurs et, la tête du jeune Louis apparut. Il secoua ses cheveux mouillés qui arrivaient jusqu’à son cou et prit une grande inspiration. Le jeune homme n’aimait pas les eaux profondes, dès qu’il n’avait plus pieds, c'était la panique. Pourtant, il adorait nager, il adorait se baigner dans les lacs sauvages et il adorait rester le plus longtemps possible sous l’eau. Mais, s’il n’était pas dans une piscine, il ne s’aventurait jamais trop loin. Louis ne savait pas d’où venait cette peur. Sans doute parce qu’il savait que divers poissons habitaient ces profondeurs. Que des algues et autres espèces inconnues vivaient quelques mètres sous lui. Et cela l’effrayait. Non. Cela le terrorisait.

Louis se redressa et se rapprocha du rivage en de grandes et laborieuses enjambées. Il attrapa une serviette qu’il enroula autour de ses fines épaules puis s’assit aux côtés des adultes bavardant tranquillement. Nicolas avait retrouvé une de ses amies qui elle-même discutait avec Angelina. Tous trois nageaient au loin, riant et jouant.

Louis pris soin de bien se sécher les mains avant de fouiller dans le sac à dos et en sortir son livre du moment. Da Vinci Code de Dan Brown. Depuis qu’il avait vu le film quelques semaines auparavant, il s’était empressé d’acheter le livre et s’était plongé dedans. Ces histoires de théories du complot, de secrets ancestraux et de sectes religieuses le passionnaient. Il allait commencer sa lecture lorsque Nicolas, telle une tornade, arriva en courant à leurs côtés.

- Si vous saviez ! On a vu une sacrée carpe ! Elle était énorme ! s’exclama-t-il.

Louis tenta de se plonger dans son ouvrage, faisant fi des remarques bruyantes du jeune homme. Celui-ci était en train de se rhabiller malgré son corps encore trempé, son tee-shirt à rayures froissé s’humidifiant par endroits.

- Tu t’en vas ? questionna sa mère.

Le concerné se passa la serviette dans ses cheveux, les ébouriffant au passage et attrapa son sac à dos.

- Je vais faire un tour sur le bateau. Une envie soudaine !

Nicolas fit une bise sur la joue de sa mère et salua les autres d’un geste de main avant d’enfiler ses satanées lunettes de soleil, toujours trop grandes pour son visage trop fin. Mais, alors qu’il allait quitter la plage pour de bon, Judith se redressa, et l’interpella.

- Tu pourrais emmener Louis avec toi. Vous pourriez pique-niquer sur le bateau.

Nicolas se retourna vers sa mère et baissa ses lunettes sur son nez. Cela ne le dérangeait pas vraiment mais, il savait bien que sa relation avec Louis était tendue et il ne se voyait pas partager avec lui un quelconque moment d’accalmie. Louis, quant à lui, avait entendu cette phrase comme une sentence. Il ne voulait surtout pas passer du temps seul avec Nicolas. Encore moins sur son bateau, au beau milieu de la mer. C'est pourquoi il priait pour que le concerné refuse.

- Je sais pas. C'est comme il veut.

Louis ferma les yeux quelques secondes tandis que Judith et sa mère se tournèrent vers lui. Cette dernière lui demanda d’un ton doux :

- Tu devrais y aller. Au lieu de rester là, enfermé dans tes bouquins aux côtés de vieux comme nous !

Le jeune homme avait presque envie de pleurer. Il aimait rester enfermé dans ses bouquins et il aimait rester aux côtés de vieilles personnes – comme elle disait –. Même si dans ce cas, les adultes présents n’étaient pas si vieux ! Alors non, il ne voulait pas venir avec lui. La voix tremblante, il répondit en haussant les épaules :

- Non mais ça va. Je peux rester là. Je ne veux pas déranger.

Leurs parents respectifs savaient que les deux garçons ne s’entendaient pas particulièrement pour la simple et bonne raison qu’ils ne les voyaient jamais rire ou discuter ensemble. Ils savaient aussi qu’une certaine animosité les animait. Cependant, ils ne se doutaient pas que leurs enfants s’étaient persuadés au fil du temps que jamais ils ne pourraient s’entendre. Et, ils avaient gardé tout au fond de leur cœur, l’espoir qu’un jour, ils pourraient développer une affection réciproque.

- Ne dis pas de bêtises ! Tu ne vas pas le déranger. Crois-moi, avait dit Marcel de sa grosse voix rocailleuse.

Louis risqua un regard vers Nicolas et put voir dans ses yeux la même lueur qui habitait les siens. Comme une sorte de peur, un mauvais présage quant à la suite de cette journée. L’un comme l’autre ne voulait pas devoir supporter la présence d’une personne avec qui le peu d’interactions qu’ils avaient eues avaient été tendues par le sarcasme et le mépris.

- Allez Louis, ne fait pas ton timide, ça va être sympa. Vous êtes jeunes, allez vous amuser un peu ! continua Stéphane. Et puis ce n’est pas tous les jours que tu pourras monter sur un beau bateau comme celui de Nicolas !

Mais le jeune homme n’était pas timide. Ou du moins pas avec son ennemi. Il préférait seulement rester ici, dans sa bulle. Or, les adultes ne semblaient pas le comprendre. Il aurait pu riposter, se justifier et insister. Mais, s’il y avait bien une chose qu’il ne supportait pas, c'était d’être le centre de l’attention. Et encore moins si on se préoccupait de lui parce qu’il faisait un caprice ou qu’il râlait. Alors, la mort dans l’âme, il se leva et rangea son ouvrage d’un geste monotone puis, s’engagea à la suite de Nicolas, sans un mot.

Les garçons empruntèrent un petit sentier de cailloux qui serpentait entre les pins et les herbes aromatiques. À chaque pas qu’il faisait, Louis essayait de poser ses pieds sur les plus gros galets qu’il voyait. Astuce pour occuper son esprit et lui éviter de trop angoisser quant aux heures à venir. Il n’aimait pas cette situation et il se sentait fatigué rien qu’en y pensant. Ils passèrent devant la grande plage de la Londe et ils déboulèrent dans le port de plaisance.

À leur gauche, une multitude de commerces et de restaurants peuplés de touristes heureux. À leur droite, des centaines de bateaux. Des grands, des plus petits, avec ou sans voile, colorés ou pas. Nicolas s’arrêta finalement devant un élégant voilier blanc décoré de bleu. Il sauta à l’intérieur et se mit à farfouiller dans les cordages du pont tandis que Louis le regardait faire, planté comme un piquet devant la bitte d’amarrage.

- Reste pas là Galilée, monte, ordonna le plus vieux.

Le jeune homme fronça les sourcils à cette appellation.

- Pourquoi tu m’appelles Galilée ?

- Parce que Einstein ça aurait été trop cliché, répondit-il, hilare.

Louis souffla par le nez bruyamment. Il avait désormais la certitude que Nicolas le prenait pour un petit intello de la science et cela l’énervait au plus haut point. Il aurait aimé lui balancer une réplique bien cinglante mais il se contenta de reserrer sa poigne sur les bretelles de son sac-à-dos et de monter prudemment sur le bateau.

Quelques minutes plus tard, les deux garçons s’éloignaient tranquillement du rivage, une légère brise dans leurs cheveux et le soleil brûlant leurs épaules. Louis observait l’immense étendue bleue, saisi d’une légère angoisse. Il s’imaginait les pires scénarios possibles : un orage, le bateau qui chavire, une attaque de requins, la voile qui se déchire…

L’eau était calme et Louis observait minutieusement Nicolas qui s’affairait à piloter le navire. Il se servait de cordes pour orienter la voile puis les attachait sur des emplacements prévus à cet effet. Le jeune homme s’activait dans des gestes précis et experts : de ses grandes mains abîmées, il nouait, détachait et bricolait à droite puis à gauche, répétant des gestes habituels pour lui. Ses lunettes étaient toujours posées sur son nez et son haut avait totalement séché. Lorsque le bateau fut lancer vers l’horizon, le plus âgé vint s’assoir en face de Louis, laissant son voilier avancer lentement mais sûrement, glissant sur les vaguelettes comme luge sur neige.

- Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ? Tu m’admires ? ricana-t-il.

À ces mots, le plus jeune roula des yeux, fulminant. Déjà que Nicolas était le narcissisme incarné, il ne devait surtout pas l’encourager dans sa conquête d’une tête encore plus grosse que la sienne.

- Admirer quoi ? répondit-il en soufflant.

Son interlocuteur afficha son plus beau sourire, se leva et remonta ses lunettes de soleil sur son front. Puis, il posa un de ses pieds sur le banc du mat et mit ses mains sur ses hanches, levant le regard vers le ciel, un air conquérant sur le visage.

- Admirer un homme fort et robuste : une auguste représentation de l’être !

Bien que Louis fût étonné par sa deuxième partie de phrase assez élaborée, il afficha une mine désintéressée puis répondit d’un ton fier :

- Admirer quelqu’un qui a arrêté les études après son BAC pour se lancer dans un gouffre de flemmardise ? Je ne crois pas !

- Un gouffre de flemmardise ? Explique-toi. questionna Nicolas, croisant ses bras sur son torse, les sourcils froncés.

Louis se redressa tout en restant assis et reprit la parole en fixant l’autre, une main sur son front en guise de visière pour se cacher du soleil.

- Eh bien, tu passes ton BAC et, paresseux comme tu es, tu décides de te pavaner sur les plages, faire du bateau et manger des glaces à longueur de temps alors que tes anciens camarades étudient et apprennent. Tu te vautres dans la luxure et la dépravation sans aucune certitude d’avenir et je te laisse moins d’une décennie avant de te retrouver seul et sans un sou.

Louis s’en voulut un peu d’avoir utilisé certains termes durs. Mais Nicolas l’énervait tellement à se croire si fantastique, si apprécié. Le jeune homme espérait dans un sens que son explication permettrait à son camarade d’ouvrir un peu les yeux sur ce qu’il était en train de faire. Qu’il se rendrait compte que sans études, il abandonnait toute espérance de future profession et qu’il ne pourrait passer sa vie à emmener des jolies filles sur son voilier pour ensuite rêvasser dans sa villa, ou plutôt, celle de ses parents.

Cependant, il était vrai que Louis aurait peut-être dû peser ses mots. Il se mordit la lèvre lorsqu’il aperçut le regard peiné, presque blessé de Nicolas. Celui-ci passa une main dans ses cheveux châtains déjà en bataille et fixa l’horizon quelques secondes avant de réafficher un petit sourire.

- C'est vrai, j’ai arrêté les études. Mais, contrairement à toi, j’ai un but dans ma vie. Je sais ce que je veux faire et ce qui me rend heureux. Et je ne pense pas avoir besoin de conseils d’un mec qui fait une filière scientifique pour ensuite se barrer dans la littérature. Si ça c'est pas une preuve d’incertitude d’avenir !

Déjà peu confiant quant à son orientation et son choix d’études, Louis se sentit attaqué. Nicolas venait de toucher une corde sensible mais le plus jeune refusait de se laisser atteindre par celui qu’il détestait de plus en plus. Alors, il se leva et s’approcha de lui, tentant un air menaçant.

- Un but dans ta vie ? J’avoue que tu piques ma curiosité. À part faire de stupides nœuds de marins ou piloter ce rafiot, qu’est-ce que tu sais faire ? Recoudre des pulls ? Je pense que tu es juste jaloux. Moi au moins j’aurais des notions dans le monde de la science et en littérature contrairement à toi qui ne sauras que compter les coquillages.

Au fond de lui, Nicolas était blessé. Profondément. Oui, bien que ce soit dur à admettre, le regard des autres comptait beaucoup pour lui. Il avait tout de même une personnalité bien marquée : il n’était pas non plus le mouton de toute la région mais, les critiques et les préjugés avaient toujours énormément touché son amour-propre. Est-ce donc ce que les autres voyaient en le regardant ? Un stupide frimeur qui avait arrêté les études pour flâner sur la côte en prenant le soleil ? Il n’était pas comme cela. Louis ne le connaissait pas et il n’avait pas le droit d’affirmer ce qu’il n’avait pas pris la peine de vérifier. Alors, pour ne pas montrer qu’il avait été touché en plein cœur, Nicolas afficha son plus beau sourire.

- Tu veux que je te dise la différence entre nous ? Dans dix ans, quand tu seras sorti de tes prestigieuses études et que tu seras déjà dans la deuxième moitié de la vingtaine, tu te diras peut-être que tu as loupé des choses, enfermé dans ta bulle de travail tout seul. Parce que ne me dis pas que tu as et que tu auras des amis, asocial et coincé comme tu es ! Alors que moi, j’aurais vraiment vécu mes vingt ans qui sont juste les plus belles années de nos vies. Et après, tu travailleras dans une grande entreprise et ce sera à ton tour de frimer parce que tu auras obtenu une promotion ou parce que tu auras finalisé un dossier important. Et moi, je ferai mon petit bonhomme de chemin, je vivrai des expériences, tenterai des choses nouvelles, je rencontrerai des gens honnêtes et bons, différents de la fosse aux requins qu’est le monde du travail. Et quand tu seras vieux et ridé, peut-être que là, tu repenseras à moi et que tu te diras que finalement, se vautrer dans la luxure n’était pas si mal que ça.

On entendait seulement le bruit des vagues lorsque, pris d’une rage folle, Louis poussa brutalement Nicolas en arrière, le faisant tomber sur les fesses. Ni une, ni deux, il se releva d’un bond et à son tour, le poussa. Le plus jeune perdit l’équilibre et trébucha sur la petite rambarde pour finalement tomber à la renverse dans la mer. Bien qu’il sache nager, sa peur pour les profondeurs le fit paniquer : il agita ses bras et ses jambes en respirant vite et fort. Il imaginait d’immenses créatures sous-marines venir l’engloutir et dès qu’une algue avait le malheur de toucher son mollet, il avait l’impression de voir divers méduses et poissons dangereux. Non, il avait l’impression de mourir. Il essayait de se concentrer sur des choses heureuses et positives pour éviter de songer aux profondeurs de la mer dans laquelle il baignait, ne pouvant s’empêcher de se les représenter comme d’immenses abysses noires et effrayantes. Il regagna enfin la coque du navire mais sous le stress, il n’arrivait pas à remonter sur le pont. Ses muscles étant comme paralysés.

Celui qui était resté sur le bateau hésita deux minuscules secondes à le laisser regagner la côte à la nage, ils ne devaient pas être très loin, mais, il prit en compte la détresse de Louis et se pencha pour l’attraper et le hisser sur le voilier. Tremblant et encore sous le choc, le jeune homme se dégagea des bras de Nicolas et recula de quelques pas.

- Ne me touche pas ! Hurla-t-il.

Il alla ensuite s’assoir à l’opposé de son ennemi et entoura ses jambes pliées de ses bras, attendant leur retour sur la terre ferme. Il était trempé de la tête aux pieds. Heureusement qu’il avait posé son sac-à-dos sur le bateau. C'est alors dans un silence de mort que Nicolas conduit le voilier vers le port, la culpabilité montant en lui.

***

À peine arrivé au port, Louis avait sauté du navire et était parti en courant vers la villa. Nicolas avait cru le voir pleurer silencieusement et il s’en voulait encore plus. Il repensa à leur dispute. C'est la première fois que cela arrivait. Ils avaient toujours échangé de petites piques et de petites attaques mais jamais ils ne s’étaient lancés des mots aussi lourds dans la figure. Nicolas avait été blessant. Il le savait et s’en mordait les doigts. Il avait déjà entendu sa mère et celle de Louis discuter et il savait que le plus jeune avait un cruel manque de confiance en soi en plus d’une timidité presque maladive avec ceux qu’il ne connaissait que depuis peu. Et qu’avait-il fait lui ? Il avait appuyé sur son dos alors qu’il se trouvait déjà à terre. Il lui avait dit toutes ces choses affreuses et le pire dans tout cela, c'est qu’il ne le pensait pas. Ou du moins, pas de cette manière.

Mais Louis n’avait pas été tendre non plus ! Ses mots trottaient toujours dans un coin de la tête de Nicolas et il savait qu’il n’était pas près de les oublier. Plus il pensait à leur relation conflictuelle et plus le jeune homme voyait la célèbre image des deux serpents d’Ouroboros, chacun dévorant la queue de l’autre. Tous deux se nourrissant de l’autre. Se déchirant mutuellement. Sans que personne ne puisse rien y faire.

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