Grabinoulor, de Pierre Albert-Birot

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J’ai été étudiant en lettres à une époque où il n’existait pas de réseaux sociaux, où les téléphones portables faisaient tout juste leur apparition et où Internet servait principalement à s’envoyer des courriels, à alimenter des blogs, à discuter sur MSN, le tout au doux son d’un modem 56k.

J’ai été étudiant en lettres qui jouait à l’étudiant en lettres, respectant les attendus d’un tel statut : peu assidu en cours, très présent dans les salles de cinéma en revanche, découchant souvent, écrivant de la poésie maudite (pour ne pas dire mauvaise) et s’enthousiasmant pour un rien, pour un auteur méconnu dont on veut immédiatement présenter au monde entier comme le plus grand génie incompris de son temps. J’ai été cet étudiant, au milieu d’autres étudiants de lettres et de philo du même acabit. Le campus de l’université de Montpellier 3 s’y prêtait assez bien à l’époque avec ses espaces verts, une cafétéria à Vert Bois où la bière coûtait 1,50€ (je pense qu’ils ne vendent plus de bière aujourd’hui) et où se dressait une grosse bibliothèque universitaire, moche à en crever, mais bien achalandée.

Plutôt que de suivre un cours sur les journaux intimes d’écrivain du 19e siècle, je me suis mis à déambuler dans les rayons de poésie de la BU et suis tombé sur Grabinoulor, de Pierre Albert-Birot. Un gros livre de près de mille pages, complètement délirantes, avec un personnage truculent, obscène et poétique à la fois, comparé à Pantagruel et à Swift, mais bien unique, délicieux et outrageant à la fois, bref superbe. Il s’agit en réalité de six livres, écrits sur une longue période, qui ont été reliés et qui s’achèvent par un seul et unique point. Il n’y en a pas d’autre pendant ces près de mille pages. Il faut lire ce texte, les déprimés retrouveront le sourire, les heureux même rougiront de plaisir, et à par les plus bégueules de la troupe, tout le monde devrait pouvoir aimer ce Grabinoulor.

J’ai parlé souvent autour de moi de ce livre. Et autour de moi, il y a de nombreux professeurs de français. Pourtant, peu sont les ami.e.s qui ont osé franchir le pas. Au premier abord, c’est particulièrement rebutant, il faut bien l’avouer. On ne s’attend pas à de la gaudriole de première qualité. Et pourtant. Et pourtant !

Je ne suis plus l’étudiant de lettres un brin poseur que j’ai été, mais je garde au fond de moi ce Grabinoulor incompris qui mériterait bien plus que l’estime de quelques vagues universitaires et de jeunes étudiants désoeuvrés. Mais lorsqu’on a raté le train de la gloire, la postérité est difficile.

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