Chapitre 3 – Paris

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Les écouteurs sur les oreilles, berçait par une musique mélancolique, je regardais le paysage défiler derrière la vitre du TGV. Mais ce n'était ni les champs à perte de vue, ni les bois épars que je voyais, c'était ce visage racé, ce nez droit, ces yeux d'émeraudes : Alistair. Nous avions à peine eu le temps de nous aimer vraiment. J'étais triste et je ne savais pas si je le reverrais un jour, mais malgré tout mon chagrin, malgré le nœud qui me serrait la gorge aucune larme ne coulait de mes yeux bleus. Trop d'événements m'avaient éprouvé depuis ce sombre jour d'hiver à Helsinki où ma vie avait basculée. Peut-être que j'étais blasée, peut être étais-je maintenant aussi dur et sans cœur que Thomas. Non, cela n'était pas possible, Thomas était un manipulateur, un assassin sournois, jamais je ne serais comme lui !

Une voix douce retentit alors dans le train, nous arrivions bientôt à Paris, gare du Nord. En entendant le nom de Paris je souriais malgré moi, mes pensées étaient chassées, comme des nuages éparpillés par le soleil de cette Ville Lumière. J'étais même excitée à la perspective de découvrir tant de merveilles. J'avais quelques heures avant de devoir me présenter devant Charles d'Harcourt, je comptais bien en profiter pour voir la tour Eiffel, les champs Élysées, le Louvre…

Je sortais du métro, je traversais une rue pour m'engouffrer sous une arcade de pierres taillés et je débouchais dans une cour où je découvrais pour la première ce magnifique ensemble : le Palais du Louvre, La pyramide de verre étincelante et ses bassins brillants sous le soleil. Je contemplais avec admiration les lieux durant de longues minutes avant de partir à regret. Je traversais la rue, je passais sous l'arc de triomphe du carrousel et j'empruntais l'allée centrale du jardin des tuileries. Bientôt je traversais la place de la concorde, sur laquelle je découvrais l'obélisque égyptien aux hiéroglyphes sculptés et au sommet étincelant d'or. Je remontais sur les larges trottoirs vers les champs Élysées, je voyais la colossale structure d'acier, de verre et de pierre du Grand Palais. J'avançais sur l'avenue maintenant bondé de badauds et de touristes, je m’arrêtais devant les vitrines des nombreuses boutiques de luxe. Je regrettais alors l’absence de Eva, elle aurait adoré toutes ces merveilles et plus que tout faire du lèche-vitrine. Je souriais en pensant à elle et mon esprit dériva pour s'échouer à nouveau sur le visage aimé, Alistair, car cette ville était une ode à l'amour, j'aurais tant aimé flâner avec lui sur ces grands boulevards, boire un verre avec lui dans un de ces cafés si romantiques et passer une nuit d'amour dans l'un de ces hôtels prestigieux.

Je passais l'après-midi dans Paris à m'étourdir des merveilles de cette capitale du luxe et de la culture. Mais le soir venait, le soleil couchant projetait les longues ombres des immeubles haussmanniens, je savais que cet intermède prenait fin, j'avais un rendez-vous que je ne pouvais manquer. A cette pensé j'hésitais, pourquoi ne pas partir, laisser cette folie derrière moi et refaire ma vie ailleurs ? Mais je connaissais maintenant les ressources de la Garde des Ombres, jamais je ne serais à l'abri, jamais je ne pourrais être tranquille. Je prenais donc un Taxi pour me rendre jusqu'à l'adresse inscrite dans la lettre qui m'avait amenée ici.

Le Taxi s’arrêta devant une grille en fer forgée dans une rue huppée du 16e arrondissement de Paris. Je remerciais le Taxi et je m'approchais de la grille pour appuyer sur le visiophone. Une voix monocorde me répondit, je me présentais rapidement puis le portillon s'ouvrit dans un claquement sec.

L'Hôtel particulier du Seigneur Charles d'Harcourt était un véritable palais, sol de marbre sombre veiné de blanc, murs en pierres de tailles aux stucs éclatants et finement ouvragées, plafonds à caissons peints de scènes variés, colonnes cannelées, arcs brisés, un escalier en colimaçon monumental, le tout meublé avec goût, paré de tapisseries anciennes et de tapis royaux. En somme rien ne manquait pour affirmer la richesse et la puissance de son propriétaire.

Je suivais un majordome au premier étage, il me menait jusqu'au cabinet de travail du Seigneur Charles d'Harcourt. Je tremblais à la perspective d'être confronté à un être aussi puissant, aussi vieux et sans aucun doute terriblement dangereux.

Le cabinet de travail aurait aisément pu servir de salon dans la plupart des maisons, pourtant dans ces lieux imposants, les dimensions de cette immense pièce pouvaient paraître modeste. Un grand bureau de ministre ornementé de bronzes : pilastres, cariatides et pattes de lion le tout recouvert d'un maroquin vert. Derrière le bureau un fauteuil massif à haut dossier, une grande fenêtre aux rideaux diaphanes encadrée par de lourds double-rideaux pourpres, et devant le bureau deux chaises légères en bois. Personne ne semblait présent, le majordome me laissa là, debout et seule dans cette pièce. Le long d'un mur se trouvait un sofa pourpre, un bar, une table basse en verre et deux fauteuils de la même couleur que le sofa. De l'autre côté le mur était entièrement occupé par des étagères chargées de livres jusqu'au plafond, une échelle arrimée à une glissière en bronze attenante à la bibliothèque permettait de saisir les ouvrages les plus hauts. Je me rapprochais de cette impressionnante collection d'ouvrages, je parcourais du regard la tranche des livres : Candide et d'autres œuvres de Voltaire, l'intégrale de la comédie humaine de Balzac, les misérables de Victor Hugo, les Rougon-Macquart de Zola, les œuvres de Edgar Allan Poe, de H.G. Wells, de H.P. Lovecraft, et tant d'autres. Ne voyant toujours personne venir je me décidais à prendre un livre, j’arrêtais mon choix sur Le Masque de la mort Rouge de Edgar Allan Poe, un livre en anglais.

Une douce voix grave résonna alors :

« Choix intéressant. J'ai bien peur que le sang et la mort ne nous suivent et qu’elles nous rattrapent toujours un jour ou l'autre. »

Je me retournais vivement, je découvrais alors stupéfaite l'homme le plus beau et le plus impressionnant qu'il m'ait été donné de contempler. Il était de haute stature, de larges épaules et un physique athlétique, un visage sans défaut digne d'une statue antique, des yeux d'un bleu azuréen, de beau cheveux châtain attaché en catogan et une courte barbe. Il était habillé simplement d'un pull à col roulé gris chiné et d'un pantalon en flanelle anthracite. Il avait au doigt une chevalière en argent gravée en gueule de dragon.

Je restais interdite, le livre à la main, mon bras pendant à mon côté. Il esquissa un sourire mi-moqueur, mi-amusé.

« Asseyons-nous voulez-vous. » Puis il se tourna pour aller vers son bureau.

Après quelques secondes d’absence je finissais par bouger et j’allais m’asseoir dans un profond fauteuil face au bureau.

A peine m'était-je installé qu'il parla d'une voix autoritaire et pourtant plaisante.

« Anya Fersen, j'ai une mission pour vous. »

« Je suis là pour vous servir Monsieur. »

« Mon seigneur. »

« Pardon ? »

« Habituellement lorsque l'on s'adresse à moi on me dit mon seigneur. »

« Ah !? Oui c'est à dire, excusez-moi, je ne suis pas familiarisé avec toutes vos façons et puis c'est pas mon genre.»

Il sourit franchement laissant apercevoir un sourire prédateur.

« J'ai effectivement cru comprendre que vous n'étiez pas des plus respectueuse du protocole et de la hiérarchie. » me dit-il en tapotant un dossier sur son bureau.

« Je ne suis pas l'une des vôtres. Je suis là contre ma volonté.»

« Alors pourquoi vous être présenté à moi, vous auriez tout aussi bien pu vous enfuir... »

« Vous savez pertinemment que je n'ai pas le choix, vous avez trop de pouvoir, trop de ressources, pour que je puisse espérer vivre tranquille. »

Il rit alors d’un ton amer et s'enfonça dans son fauteuil.

« J'aimerais être aussi puissant que vous le pensez, mais mon pouvoir a ses limites. »

J'étais alors déstabiliser devant cet aveu, je m'attendais à une démonstration de force ou d'autorité comme le Capitaine Vinter mit avait habituée.

« Mais vous ne m'avez pas convoqué ici pour me parler de mes états d'âmes, non… Mon Seigneur. » dit-je en appuyant exagérément sur ces deux derniers mots.

« Votre franchise et votre ton direct son étonnant Anya Fersen, les rapports le précisait mais de le constater par moi-même c'est tout autre chose. »

« Je suis désolée de ne pas convenir à sa seigneurie. » dit-je d'un ton railleur.

« Je n'ai pas dit que cela, bien au contraire, j'ai besoin de vous. »

« Et que voulez-vous d'une forte tête comme moi ? »

« Allons Anya, cessez vos enfantillages, je ne suis pas votre ennemi. »

« Ça reste à prouver. »

« Écoutez-moi attentivement, j'arpente cette terre depuis maintenant plus de trois cent soixante ans, j'ai commis des actes d'une horreur dont votre esprit juvénile n'est même capable d'imaginer, j'ai tué, détruit de nombreuses vies et je n'en éprouve absolument aucune culpabilité. Alors croyez bien que si vous deviez mourir ici et maintenant de ma main cela ne provoquerait aucun émoi de ma part. »

Charles d'Harcourt prononça ces paroles toujours de cette voix douce et sans émotions. Ce visage de marbre promettait une mort terrible à celui qui s'opposait à lui. Le sang reflua de mon visage, la colère disparue et je ressentais une peur instinctive un besoin de hurler et de fuir, pourtant j'étais pétrifiée. Devant mon silence, ma mine effrayée, le seigneur d'Harcourt repris la parole.

« Mais comme je vous l'ait dit j'ai besoin de vous et je ne suis pas votre ennemi. »

« Que, que voulez-vous ? … Mon Seigneur. »

« J'ai une mission spéciale pour vous. Vous êtes maintenant un membre de la garde des ombres. C'est une mission d'investigation. Je veux que vous enquêtiez sur une série de disparitions, des membres de deux lignées vampiriques ont disparus et je dois savoir par qui et pourquoi. »

« D'accord, mais pourquoi moi ? Vous avez sans doute de meilleur agents. »

« Effectivement, vos résultats sont à peine acceptables pour la garde, sans l'aide de vos amis et mes ordres vous n’auriez pas fini votre formation. Cependant votre condition et vos antécédents font de vous l’élément qu’il me faut. »

« C'est à dire ? »

« Et bien parce que vous êtes mortelle, parce que vous n'avez pour ainsi dire aucuns liens avec les factions vampiriques qui s'affrontent, vous êtes donc peu connu et êtes neutre. »

« Et par où dois-je commencer ? »

« Je vais vous transmettre les dossiers que nous avons, vous pourrez vous faire une idée. »

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