11 - Quand vouloir n’est pas pouvoir

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Après avoir analysé sur Facebook la programmation du bar musical de la semaine passée, je décidai de m’y rendre un jour où je pensais que la miss Blue s’y trouverait. J’avais bien l’intention cette fois de ne pas la perdre des yeux. Arrivée là, j’observai la salle espérant l’y croiser de nouveau.

Vu l’affluence pour l’évènement, le lieu s’était transformé en une sorte de guinguette avec des tables installées à l’extérieur sur une grande terrasse qui donnait sur un cours d’eau. Là, se mêlait une foule hétéroclite qui semblait composée d’habitués de longue date. Homos et hétéros s’y mélangeaient dans une bienveillante indifférence. Des couples s’y enlaçaient. Dans un autre espace du bar, discourant avec gaîté, des groupes d’amis, déjà bien imbibés, enchaînaient les verres ainsi que des tapas généreusement distribués aux clients par d’affriolantes serveuses. Le patron, un personnage haut en couleur, avait su créer une ambiance chaleureuse dans un lieu ouvert à tous les vents. Un havre de paix en terre intolérante. La France dansait ces jours derniers sur un volcan. Les ombres s’organisaient pour nous reprendre nos libertés chéries.

Comme prévu, j’aperçus bien vite la miss Blue. Elle était venue accompagnée d’une petite cour joyeuse. En bonne habituée des lieux, elle embrassait à tour de bras un grand nombre de personnes et plaisantait avec certains. Croisant le patron, elle se pendit à son cou et éclata ensuite de rire. Rapidement, elle se fit servir un seau garni de champagne. Elle semblait avoir un petit côté flambeuse qui m’amusait. Je ne perdais pas une miette de ses faits et gestes.

Une jolie petite serveuse passa près de moi et j’osai lui demander des renseignements sur la belle et ses amis. Elle me confirma que la miss Blue était bien un des piliers du lieu, du genre à avoir un compte ouvert à son nom pour ses consommations. Les gens autour d’elle étaient des personnes de sa famille ou des amis de très longue date. Elle ajouta à mon oreille, comme une confidence, que la jeune femme se prénommait Salomée. Je souris et lui lançai un clin d’oeil de connivence. Mignonne tout plein cette serveuse. Un autre jour, j’en aurais bien fait ma cible de la soirée, mais là toute mon énergie et mon intelligence étaient concentrée sur une seule. Et elle était bleue.

Alors que l’ambiance musicale avait été jusque là plutôt discrète, un groupe jazzy occupa bientôt l’estrade et il ne fallut que peu de temps avant que les planches situées devant elle ne soient occupées par des danseurs. Même si la miss Blue n’avait pas quitté sa table, quelques unes de ses amies s’agitaient déjà parmi la foule. Il y avait là une petite brune tatouée et piercée ainsi qu’une jolie fille aux longs cheveux châtain et au look plus sage. J’entamai alors les travaux d’approche, espérant retenir l’attention de ma cible, mais sans effet. La belle restait en grande conversation avec un homme et ne semblait pas prêter attention à ce qui se passait autour d’elle. J’approchai la fille aux cheveux longs et commençai à tournoyer autour d’elle. L’effet fut immédiat, Salomée se mêla à son tour aux danseurs et resta à proximité. Je lui jetai des coups d’oeil discrets pendant que je chaloupai avec son amie.

Cependant, la miss Blue ne prêtait aucune attention à mon manège grossier. Dépitée, j’invitai alors sa jolie copine à boire un verre. Je commandai du champagne à mon tour et en offris à la jeune femme qui, entre temps, m’avait soufflé son prénom : Marion. Rapidement, elle m’indiqua qu’elle était venue avec sa soeur Salomée. A cet instant, je croisai le regard bleu acier de cette dernière qui s’était rapprochée de très près d’une petite blonde craquante. Bien vite, elle fourra sa langue dans la bouche de la blondinette peu farouche, puis d’éloigna avec elle dans l’obscurité. A cet instant, je ressentis un pincement au coeur ou, plutôt, comme un coup de couteau planté dans mon amour propre. Je n’écoutais plus la gentille et souriante Marion, mais seulement les reproches que je me faisais pour avoir été trop confiante et surtout trop stupide.

Voyant mon indifférence polie, la jolie Marion retourna danser et me laissa seule face à mes pensées sombres. Je finis la bouteille comme pour m’étourdir et oublier cet instant pathétique. J’étais juste sonnée sur place. La miss Blue était une joueuse de haut vol. Bien loin du genre de filles que j’avais l’habitude de côtoyer. Le jeu n’en était que plus intéressant, mais plus dangereux aussi.

J’étais à deux verres de renoncer à relever le défi, lorsque la mignonne petite serveuse repassa près de moi et me tendis un petit plateau rempli de tapas. Au milieu, je vis dépasser un papier que je tirai. Il y avait dessus griffonné à la hâte : Salomée ainsi qu’un numéro de mobile. Je n’en croyais pas mes yeux. Et d’un coup, je repris espoir. La belle jouait bien avec moi. Et, je n’étais pas femme à ne pas relever les challenges. Sans doute le savait elle trop bien. Même si je me doutais, par avance, que j’avais bien peu de chances de gagner cette fois. Et, d’ailleurs, le voulais-je vraiment ?

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