L'histoire que je vais vous raconter n'est pas une fiction tirée d'un roman quelconque, elle est véridique et c'est mon histoire...

Je m'appelle Edgar Lafosse, je suis natif du Vermont et âgé aujourd'hui de cinquante et un ans. Vous ne me connaissez peut être pas, mais vous avez certainement déjà entendu mon nom. J'ai été porté disparu le trente août 1986 au Québec, dans le Parc National d'Aiguebelle, et déclaré décédé par les autorités, après de longues années de recherches sans résultat. J'avais vingt et un ans...

En cette fin des années 80, je veux bien le reconnaître, mon état mental n'était pas très stable. J'avais même des tendances suicidaires. Je sortais d'une déception sentimentale et avais de ce fait, beaucoup de mal à reprendre pied. Je suivais donc un traitement médical dont on m'assurait du résultat, même si en mon for intérieur j'avais plutôt l'impression qu'il n'agissait pas vraiment..

A cette époque il m'arrivait fréquemment de faire de longues marches en forêt, seul, histoire de me vider la tête. Mes parents n'y étaient guère favorables, craignant pour ma sécurité. Ils ne savaient pas encore que le danger ne viendrait pas des autres mais de moi-même..car c'est au cours d'une de ces marches, que l'impensable s'est produit. 

Savez vous que le Québec ne compte pas moins de vingt trois parcs nationaux, tous plus beaux les uns que les autres ? Et que si vous aimez la randonnée, c'est sûrement l'endroit idéal pour la pratiquer ? J'avais donc jeté mon dévolu sur cette région et plus particulièrement sur le parc national d'Aiguebelle, en ce mois d'août 1986.

D'une superficie d'environ deux cent quarante kilomètres carrés, situé au coeur d'une forêt boréale, il se démarquait des autres parcs par ses formations géologiques aux noms évocateurs comme : " marmites de géants, coussins volcaniques ". Mais ce qui en faisait un lieu vraiment incontournable, était cette passerelle géante haute de vingt deux mètres, comme suspendue dans les airs. C'est en essayant de l'atteindre que j'ai glissé et que je suis tombé la tête sur les rochers. Inutile de vous dire que je n'avais prévenu personne, erreur à ne jamais commettre, et visiblement pas un marcheur n'emprunta ce sentier ce jour là..

Ce n'est que le lendemain en fin d'après midi, que je me suis réveillé..non sans un formidable mal de crâne, comme vous pouvez vous en douter. Je ne sais plus comment j'ai retrouvé la sortie ..mais j'y suis arrivé. Sauf qu'à ce moment là je ne savais plus où j'étais ni qui j'étais. J'étais contre toute attente, devenu amnésique. Le ranger du parc a bien voulu me déposer jusqu'à l'hôpital le plus proche. 

Les examens n'ont rien montré d'anormal et les services sociaux m'ont pris en charge. J'ai refais ma vie, sous un autre nom ...à  cent trente kilomètres de mon ancien domicile..et cette situation a perduré pendant trente ans..Je ne savais pas alors, que mes parents, de guerre lasse avaient fini eux aussi par croire à une mort accidentelle. Mais comment aurais je pu le savoir puisque je ne me souvenais  même pas de leur existence...

Il y a quelques jours, alors que j'étais en train de remplir des formulaires pour les services sociaux , j'ai eu des flash-back et je me suis soudainement rappelé de mon véritable nom. Je me suis alors confié à l'assistante sociale, qui m'a regardé comme quelqu'un atteint de troubles mentaux. Mais à force d'insistance et sûrement par curiosité, elle a fait quelques recherches sur internet et à découvert mon avis de disparition. Elle a ensuite contacté la police locale, qui s'est empressée de me faire des tests ADN pour vérifier la véracité de mes propos. À leur grand étonnement ces derniers ont confirmé mon ancienne identité...Un enquêteur de police a aussitôt contacté ma mère, âgée aujourd'hui de soixante seize ans..Ils ne m'ont pas dit si mon père était encore en vie...

Je ne l'ai pas encore eu au téléphone, car ils ont peur que l'émotion soit trop forte,  mais il a été convenu que l'on se voit dans les jours qui viennent...trente ans ont passé..va t'elle me reconnaître ?