1.Rêverie

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Réfugié à l'ombre d'un frêne, je lève le regard. Une feuille s'est détachée de l'arbre et s'égare sur ma page à peine entamée. Elle s'est échouée lentement, au rythme du vent qui souffle son haleine froide à laquelle je m'accommode sans plus de questionnement. Est-ce la fin de l'hiver, la décadence de l'automne ou le début des semailles du printemps ? Je l'ignore. J'ai simplement froid, l'herbe est simplement verte, le ciel est simplement grand.

Plus loin, des amoureux s'enlacent au bord d'un étang. Ils font l'expérience du silence, les yeux rivés sur le miroitement d'une eau calme et profonde. Il a sa main sur sa cuisse. Elle a sa tête tout contre lui. J'imagine qu'ils sont seuls avec l'autre, dans un moment où ils ne se demandent rien, où l'attente n'est rien de moins que la poursuite de l'éternel.

Mes yeux se plissent.

Elle se cambre légèrement, sa croupe se tend – belle, grosse et suave – pour donner à ses fesses la rondeur taquine des amantes sous un tissu fin et léger, une étoffe brillante qui reflète les rayons froids d'un soleil distant. Il fait glisser sa main. De là où je suis, je ne vois pas vraiment. Mais elle aime ça car elle rit. Je l'entends d'ici. J'imagine encore, car elle a serré les cuisses, car ses cheveux rebelles ont volé comme les pointes étincelantes d'une gerbe de blé sous les caprices du vent, car il rit lui aussi et que sa voix s'empare du silence pour l'éclater entre ses dents.

Ma bouche se plisse.

On dirait qu'elle tombe. Je crois qu'elle tombe. Elle se rattrape sur les brins d'herbe qu'elle agrippe entre ses longs doigts. Son corps s'allonge, sa gorge se déploie, ses coudes fléchissent ; je discerne son souffle qui se dessine en volutes souples et légères de fumée blanche et se perd dans la brise parfumée qui s'élève à ce moment. Elle tressaille et il poursuit. Lent et placide. Il la contemple tandis qu'elle frétille comme une ondine hors des eaux. C'est comme un mirage. Comme le reflet d'un fantasme où se dissolvent les plaisirs innocents de la chair. Une vision qui s'imprime en moi et me laisse le goût licencieux du libertinage sur la langue.

Mon cœur retranché dans son panier de côtes bat dans mon ventre, dans mes cuisses, dans mon entrejambe. Il vibre au travers de ma peau par autant de brèves pulsations et de remous indisciplinés. Il crève et se déverse dans mes artères, se débonde lorsque d'un geste, elle se tourne, me surprend, yeux hagards et bouche minaude, et qu'elle jette sa crinière en arrière pour mieux m'observer. Il m'a vu lui aussi. Il a souri. Et elle a joui, en phase avec le spectacle qu'ils m'offraient tous les deux.



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