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Elle est assise et boit le moka réchauffé dans le poêlon bosselé. Parfois elle aime communier avec un mauvais café ardennais et son amertume rebouillie. Ceci est mon sang, brun. Et quelques vieux Petits Beurres. Ceci est mon corps, ramolli.

Monsieur Peeters veut absolument lui montrer un article de sa gazette – qu’il ne retrouve pas. Il s’agite et boitille de gauche à droite, fouille entre de rigides coussins en velours vert d’un divan à accoudoirs en chêne massif. C’n’est nin possib’. Coincée dans le fauteuil par quelques oreillers à la taie bleu clair, sa femme est là où l’aide familiale l’a installée ce matin. Toutes les cinq minutes, elle pousse un long aaaaaaaaaaaaaa qui varie parfois en uuuuuuuuuuuuu, puis replonge dans le silence. Ses yeux restent fermés. Son mari lui répond invariablement ‘suis là, M’amour.

Après avoir enclenché le lave-linge, elle se met à la vaisselle. Le jaune des œufs a séché sur les assiettes. Elle doit frotter fort. Elle ira ensuite nettoyer la petite salle de bain et vider la poubelle pleine de langes. Elle n’a pas de temps à perdre, elle ne revient que vendredi. Le sol aussi a besoin d’être récuré.

Le vieux lâche un cri de joie et l’appelle en agitant le journal qu’il étale sur la toile cirée protégeant la table de la cuisine. Il lui montre le titre « 40 ans après, toujours aucune réponse ! » sous lequel s’étalent trois portraits. Il lui résume l’histoire, la disparition de trois jeunes en ‘75 et ‘76, les familles accablées, la terreur, les habitants de Baulà et d’Horgnieux qui n’ont rien oublié. Que nenni. Il se rappelle la mère Cléchard, quéne affaire ! Vingt ans après la disparition de son gamin, elle a ‘co passé une annonce, pour savoir quoi, au moins retrouver le corps. Elle le savait, de toute manière on pourrait plus arrêter personne, y’avait péremption… Elle suppliait pour qu’on lui dise la vérité. Pauvre femme qu’est morte sans savoir. Enfin c’est peut-être mieux.

Elle s’acharne sur une casserole bien encrassée et écoute distraitement les souvenirs du vieux Peeters, répond oui-oui et mmmm. Le bruit du chauffe-eau électrique qui s’enclenche quand elle rince la vaisselle assourdit les anecdotes que réveille en lui l’anniversaire des disparitions. Elle pense à autre chose, au repas qu’elle préparera en rentrant, par exemple. Soudain un nom éveille son attention.

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