Prologue

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Ce jour-là, le soleil ne s’était pas levé.

Comme la veille, comme le lendemain.

Il ne se lèvera plus.

D’un œil lessivé, Kurtis ne pouvait détourner le regard du paysage meurtri que lui offrait la fenêtre. Les longs immeubles autrefois blancs et immaculés affichaient maintenant une couleur terne, sale. Il caressa doucement la vitre du bout de ses doigts, presque comme s’il pouvait la ressentir. Ressentir cette énergie faible qu’émettait la ville, sous ses yeux.

Ce paysage, il l’avait vu mille fois. Cette chambre aussi. Cette lampe de bureau, sur laquelle son regard était maintenant posé, aussi.

Du coin de l’œil, il aperçut une silhouette bouger dans l’encadrement de la porte. Kurtis tourna la tête vers celle–ci, et la vit.

Une jeune femme, aux longs cheveux sombres et au regard clair et perçant qui regardait Kurtis, avec un sourire malicieux.

— …

Les mots ne sortaient pas de la gorge de Kurtis, mais il les sentait se déchaîner à l’intérieur de celle–ci. Son cœur battait à toute allure, mais il était comme paralysé. Alors qu’il voulait se lever, ses jambes ne répondaient pas. Alors qu’il voulait parler, ses lèvres étaient comme scellées. Entre deux battements de cils, une larme s’échappa de son œil. Elle perla sur sa joue, semblable à une lame. Cette traînée humide laissée par sa larme lui lacérait la peau, le brûlait presque.

La main de la jeune femme, qui s’était lentement avancée, se posa doucement sur la joue de Kurtis. Du pouce, elle essuya sa larme, d’une douceur qui semblait infinie aux yeux de l’adolescent. Il détourna le visage, fermant délicatement les yeux.

— Qui es-tu ? demanda Kurtis d’une petite voix.

Son interlocutrice retira sa main de la joue de Kurtis, se recula légèrement et lui tendit une fleur mauve.

Les doigts de la main fragile de Kurtis se déplièrent pour attraper la plante, mais un écran de fumée obscure s’en échappa lorsqu’il toucha l’une des pétales. Il agita les mains dans le voile brumeux, qui se dissipa.

Lorsque celle–ci s’effaça entièrement, Kurtis découvrit avec déception sa chambre, sans personne. Il se laissa tomber dans son lit, dans un grand soupir. Il ferma doucement les paupières, et tomba dans les bras de Morphée.

– Il dort encore tu crois William ? demanda le petit blond à son ami.

– Bah vu l’heure, oui...

Les deux amis se tenaient devant la porte de la chambre de Kurtis, hésitants à entrer. Le brun posa son sac sur la moquette, l’ouvrit et en extirpa un caméscope.

– Tu fous quoi Alex ? chuchota William.

Alex sourit malicieusement, et enfila la dragonne sur la paume de sa main.

– Allez mec, c’est son anniv ! Viens on fait un montage !

– Doucement ! s’exclama William en chuchotant, faisant signe à Alex de parler moins fort. Écoute, j’suis chaud mais pour ça faudrait qu’il arrête de pioncer !

– OK OK, j’ai compris…

Le blond saisit doucement la poignée, et ouvrit la porte. Il rentra sans faire de bruit, et fit signe à William de rentrer.

Il pénétra la pièce à pas doux à son tour, et s’agenouilla aux côtés d’Alex. Le blond alluma son caméscope, et commença à se filmer, l’objectif tourné vers son visage.

– OK, on commence à tourner une p’tite vidéo pour l’anniv de Kurtis.

Alex se leva et s’approcha de Kurtis, endormi et enroulé dans sa couette. Il trouva un angle parfait, et continua :

– Regardez–moi ce beau tigre qui fête ses dix–sept piges là !

– Doucement gros ! fit William en fronçant les sourcils.

– Eh, j’ai failli oublier de le présenter ! s’exclama Alex en tournant l’objectif du caméscope vers William.

– Arrête tes conneries !

– Un beau brun ténébreux aux yeux d’un bleu perçant qui ravira le cœur de vos filles…

– Ferme–là !

– Mais passons ! William, raconte–moi ton meilleur souvenir avec Kurtis !

– Un meilleur souvenir ? répéta–t–il, confus.

– Tu as trente secondes !

William se prit au jeu en souriant, et se mit à réfléchir sérieusement.

– Tant pis, je joue le jeu de la sincérité. En vrai, j’crois pas avoir de « meilleur » souvenir… genre Kurtis est vraiment perché mais tellement spécial, il parle encore moins que moi mais j’douterai jamais d’à quel point il est incroyable.

– La vache.

– Quoi ?

– J’sais pas, je m’attendais pas à ça.

Alex posa le caméscope par terre, et s’assit en tailleur sur le sol.

– J’ai à peu près la même réponse. J’adore trop ce mec pour choisir un seul moment.

Kurtis, le visage du côté du mur, entrouvrit légèrement les yeux et sourit doucement. Il prit une inspiration, et poussa un grand bâillement en étirant ses bras.

Il se frotta les yeux, et tourna la tête vers Alex et William.

– Désolé, j’vous ai fait attendre ?

Une fois le sursaut dû au réveil soudain de Kurtis passé, les deux amis hochèrent négativement la tête.

– Nan, t’inquiètes, le rassura le blond. On vient d’arriver !

– Bon, tant mieux alors ! fit le métis en souriant.

Les trois amis s’étaient installés sur un banc du parc du coin, pour profiter une nouvelle fois de la vue sur la mer ; paysage de leur enfance commune. Pour l’anniversaire de Kurtis, le trio avait unanimement décidé de prendre à manger chez Gus, le seul fast–food du quartier.

Mais aujourd’hui, le burger de Kurtis n’avait aucune saveur, aucun goût. Le pain était horriblement sec, la sauce dégoûtante et le steak semblait pourri de l’intérieur. Ses muscles du visage se contractaient légèrement à chaque bouchée, qui semblait pire encore que la précédente.

– P’tain, ce burger m’avait trop manqué ! s’exclama le petit blond, dévorant son met. Faut qu’on retourne plus souvent là–bas !

– J’avoue, c’est pas mal en vrai…, fit William, mangeant lentement la salade qu’il avait pris à côté d’un sandwich.

Kurtis lança un regard hésitant à son burger mais sourit, et prononça à son tour :

– Ça m’avait manqué aussi.

Sans prévenir, une sensation de froid s’empara du corps du Kurtis. Il frissonna légèrement, et releva instinctivement la tête, regardant autour de lui. Ses poils s’étaient hérissés, et la chair de poule avait gagné ses bras.

– J’vais aller pisser, fit–il en se levant du banc. J’reviens.

– Bonne pisse mon gars ! pouffa Alex.

William, quant à lui, hocha simplement la tête sans lever les yeux de sa salade. Kurtis quitta ses amis et suivit le long chemin en gravier du parc, jusqu’à être hors de leur champ de vision. Complètement seul devant les arbres qui le surplombaient, ses forces lâchèrent et une larme perla sur la joue du jeune homme.

C’était juste là, il le sentait.

Il leva les yeux au ciel, en essuyant sa joue d’un coup de manche. Il prit une grande inspiration, et croisa son regard.

Pleurant, un enfant allongé en position fœtale se trouvait juste sous ses yeux. Kurtis s’accroupit à son niveau, et prit doucement son épaule.

– Qu’est–ce qu’il se…

Il tourna lentement la tête, révélant un crâne fendu dont le cerveau s’écoulait lentement sur ses cheveux trempés d’hémoglobines. Le ventre de l’enfant, quant à lui, était grand ouvert, laissait s’échapper ses organes dans une mare de sang tandis qu’il continuait de pleurer. Un haut–le–cœur prit le ventre de Kurtis, qui retira la main de son épaule pour la porter à sa bouche.

– Elle… a…rrive, articula péniblement celui–ci en crachant du sang entre chaque syllabe.

Kurtis fronça les sourcils ; ces mots lui échappaient.

– Elle… arrive…, répéta l’enfant, encore plus fort.

– Arrête…, demanda Kurtis, presque à bout de souffle.

– Elle arrive ! s’obstina–t–il, en fixant Kurtis avec ses yeux rouges de douleur.

Une vague de sensations désagréables parcourut le corps du métis, le faisant tomber sur les fesses dans la terre. La forêt autour de lui se transforma lentement en une chambre ; le sol sombre et sale devint un beau parquet soigné, le ciel quatre murs orange et les arbres des meubles sentant le neuf.

Kurtis se releva, pour mieux observer le décor autour de lui. Malgré la propreté évidente, cette pièce dérangeait l’adolescent. Il s’y sentait sale, indésiré. Regardant ses petites mains blanches, il constata qu’il avait pris sa place.

Un poing lourd et ferme cogna à la porte derrière lui. Il se retourna, découvrant une simple porte blanche.

Le poing derrière toqua une nouvelle fois, encore plus brutalement. Et puis, encore. Jusqu’à devenir frénétique, et tétaniser Kurtis par la crainte dans un corps qui n’était pas le sien.

– Ouvre la porte ! hurla sévèrement une voix sifflante.

La poignée de la porte s’agita presqu’à s’en casser, sans succès.

Sans rien contrôler, alors que la porte s’ouvrit dans un fracas, Kurtis se refugia sous sa couette et la haussa jusqu’à couvrir son nez, et ferma les yeux en chuchotant lentement : « Elle arrive, elle arrive, elle arrive ». Alors qu’il entendait les bruits de pas se rapprocher lourdement, ses paupières semblant peser une tonne ne voulaient pas s’ouvrir. Les hurlements de la femme à côté de lui ne parvenaient pas à ses oreilles, rendues sourdes par la terreur. Elle poussa un énième grognement, et arracha violemment la couette.

La femme saisit une paire de ciseaux sur la table de chevet et, dans un accès de rage, la lui planta dans l’arrière du crâne. Kurtis hurla de douleur, en larmes, tandis que celle–ci resserra sa poigne sur les ciseaux et les enfonça plus profondément en remuant, ignorant le jet de sang projeté sur sa joue. Chaque mouvement, chaque moindre geste procurait un frisson froid et insoutenable dans tout le corps. Il agrippa un coussin, suppliant pour de l’aide d’une voix de plus en plus faible, jusqu’à s’éteindre complètement. La mère de l’enfant retira sa main, laissant le ciseau planté dans son crâne lacéré.

Agonisant faiblement, l’enfant tenta de tendre la main vers la fenêtre, dans un semblant d’espoir brisé. Il ouvrit légèrement ses yeux obstrués par le sang, et vit sa mère, un couteau à la main cette fois–ci, s’approcher de lui avec un visage tordu par la haine.

Il rouvrit les yeux, les arbres l’entourant. Son t–shirt lui collait à la peau, et il sentait ses mèches frisées froides contre son front. Il était seul, assis dans la terre. Kurtis se releva, tremblotant, et passa une main dans ses cheveux mouillés. Aucune blessure, pas la moindre goutte de sang. Seulement une migraine désagréable qui lui piquait les tempes. Il rejoignit ses amis, s’excusant du temps mis pour arriver.

– T’inquiètes, répondit William, concentré sur l’écran de son téléphone. On regardait une vidéo en attendant.

– Ah ouais ?

– Un truc sur les délires bizarres de William, railla Alex.

– Ta gueule un peu, tu regardes aussi.

– Non, on regarde mec.

William soupira, et prit une bouchée de son sandwich à peine entamé.

– Eh, c’est pas Clara là-bas ? demanda le blond.

Kurtis leva les yeux vers où le menton d’Alex pointait, et la vit, marcher dans leur direction.

– C’est qui Clara ? répondit William, sans lever les yeux de son snack.

– Fais un effort gros, c’est la meilleure pote de Léana.

– Et on en a quoi à foutre d’elle ?

– Rien, mais d’abord elle est sympa, ensuite elle marche vers nous.

Kurtis secoua ses cheveux, et s’assit à côté d’Alex, sur le banc. Clara arriva en face d’eux, et fit la bise aux trois garçons.

– Vous avez un feu ? demanda–t–elle, une cigarette portée aux lèvres. C’est la galère j’ai demandé à six personnes déjà là.

– Contre une clope, rétorqua Alex avec un sourire, c’est équitable.

– Pas mal, j’aime bien. Vas–y.

Elle sortit le paquet de sa poche, sortit une cigarette du lot et la tendit à Alex, qui lui prêta un briquet en retour.

– Les affaires sont les affaires ! lança-t-il en pouffant alors la rousse allumait sa clope.

– D’ailleurs, glissa-t-elle entre deux petits nuages de fumée, vous venez ce soir ?

– Y’a quelque chose ? demanda Kurtis.

– La nouvelle de la classe fait une soirée chez elle pour s’intégrer.

– La nouvelle ? répéta William, les yeux rivés sur son portable.

– Elle est pas encore arrivée qu’elle invite déjà tout le monde chez elle. J’imagine que vous aussi alors.

– Je sais pas, j’ai rien vu passer perso ! répondit Alex.

– Bah, j’lui envoie un message si vous voulez. On vous voit jamais vous trois, ce serait sympa pour elle.

– Chaud, répondit Kurtis, les mains dans les poches.

William et Alex haussèrent un sourcil.

– T’avais rien prévu pour ce soir ?

– Non, du tout. Grosse flemme.

– C’est son anniversaire en gros ! chuchota bruyamment Alex à Clara.

Elle gloussa, et souhaita ses meilleurs vœux à Kurtis. Elle sortit son portable, tapota rapidement un message, et l’envoya. Une réponse fut reçue presque instantanément.

Clara leva le pouce en hochant la tête.

– C’est OK. A ce soir, alors !

Elle adressa un dernier sourire au trio, avant de détourner les talons.

– Elle vient vraiment de nous incruster à une soirée ? fit Kurtis, brisant le silence, sourcils froncés.

– Bah ouais hein ! répondit Alex, enjoué.

William hocha légèrement la tête, sans jamais lever les yeux de son téléphone.

– Ça le fait ça tu penses ?

– J’en pense que tu te prends trop la tête, mais sérieux. Tu vas pas aller choper un boulot hein !

William était assis sur la chaise de bureau de Kurtis, tournant occasionnellement la tête vers son ami pour voir ses tentatives vaines de trouver une belle combinaison de vêtements. Il feuilletait un livre qui traînait sur le bureau, sans réellement le regarder.

– J’ai pas envie de me retrouver comme un débile qui se serait sapé dans une poubelle ! rétorqua le métis, essayant d’arranger le col de sa chemise.

Le brun tourna la chaise, se retrouvant face à Kurtis. Il l’examina de haut en bas, et conclut :

– Enlève cette chemise, t’as l’air d’un bouffon.

Kurtis laissa échapper un soufflement de nez, et déboutonna la chemise en question.

– J’te fais confiance.

William sourit, et retourna à sa lecture. Kurtis replia la chemise, la posa délicatement sur le coin de son lit et se dirigea vers son armoire, à la recherche de choses à porter. Pendant qu’il cherchait, poussant ses manteaux les uns après les autres, la température ambiante devint comme glacée. Un frisson traversa Kurtis, identique à celui qu’il avait ressenti plus tôt. Ses sourcils se froncèrent, tandis que ses poils se hérissaient doucement.

– Tout va bien ?

– Quoi ? répondit Kurtis, accroupi face à sa garde–robe.

– Tu t’es mis à trembler d’un coup alors que c’est une fournaise dans ta chambre. Tout va bien ?

– Oui t’inquiètes pas, sourit–il. J’viens des îles, si il fait moins de cinquante degrés, j’me les gèle.

Mais, une sensation froide et désagréable continuait d’envahir, d’empoisonner lentement son cœur. Une goutte de sueur perla sur le front de Kurtis, suivie par d’autres. Kurtis porta la main à sa poitrine, serrant son t–shirt de son poing.

– Je vais aller voir dans la chambre des darons si y’a pas des trucs à mettre. J’reviens.

William releva brièvement les yeux vers Kurtis, et hocha silencieusement la tête en levant le pouce. Kurtis se releva, et marcha vers la chambre de ses parents.

Les deux pièces étaient séparées d’un long couloir, où sur les murs s’empilaient tellement de tableaux qu’on aurait pu croire à une longue fresque. Ils semblaient presque tous tellement vieux qu’il se demandait si ces toiles avaient déjà étés déplacées un jour. Kurtis avait mémorisé chacun d’entre eux, bien que son préféré soit celui auquel il s’arrêtait toujours de marcher. Aujourd’hui ne faisant pas exception, il s’arrêta devant celui–ci pour le regarder, une fois de plus.

Parce que c’était le premier qu’il avait ressenti.

Il posa délicatement ses doigts sur les fibres de lin, où les traits construisaient un paysage meurtri, où une petite forme féminine dans l’ombre semblait regarder Kurtis droit dans les yeux, depuis l’un des nombreux bâtiments sales et insalubres du tableau. Ses doigts longs et fins pouvaient sentir, malgré la poussière, cette chaleur émanant du tableau. Une chaleur réconfortante, contre laquelle il voudrait se blottir pour toujours s’il le pouvait.

Le métis repris ses esprits et secoua la tête, lâchant brusquement du toucher la toile. Il continua son chemin, et poussa la porte de la chambre de ses parents. Il la ferma derrière lui, et se précipita dans la salle de bain, annexe à la pièce. Il se mit à genoux devant les toilettes, agrippa les bords de la cuvette et laissa échapper un long et douloureux vomissement, presque sanglant. Il toussa grassement, et s’essuya la bouche avec ses mouchoirs. Kurtis se releva en titubant, et agrippa cette fois–ci le rebord du lavabo. La sensation devenait insoutenable, l’empêchant de réfléchir, de penser. Fixant son reflet dans le miroir, il ouvrit le tiroir sous le lavabo et en sortit quatre pilules. Il les avala d’une traite, comme il le faisait d’habitude.

La sensation s’estompa peu à peu, tandis qu’une larme rougeâtre s’échappa de l’œil du métis. Elle perla le long de sa joue, et s’écrasa contre l’évier. Son poing se serra tout seul à l’instar de sa mâchoire. Il leva les yeux vers le reflet dans son miroir.

Il y voyait les traits de son visage se déformer sous l’effet des pilules. Il la voyait, aussi. Elle, avec un sourire espiègle au coin des lèvres. Elle, avec ses longs cheveux noirs, et son regard d’un bleu froid.

La main de la femme caressa doucement la joue du reflet en regardant Kurtis, droit dans les yeux. Elle passa une main dans ses cheveux frisés, le même sourire aux lèvres.

La mâchoire de Kurtis se desserra, le laissant bouche bée.

Cette confusion chez le jeune homme la fit rire aux éclats.

– Kurtis ?

Le métis se retourna, et croisa le regard perçant de William.

– Ouais ? répondit–il, après un long silence.

– Si on veut pas arriver en retard, faut qu’on décale maintenant.

– Déjà ? Mais il est quelle heure ?

– Il est dix–neuf heures. Je t’attends en bas.

William détourna les talons, et descendit les marches de l’étage. Kurtis lança un coup d’œil à son miroir, parfaitement normal. Il secoua les têtes, et rejoignit William.

Les néons bleus et rouges du salon éclairaient la masse d’invités, comme entassés sur la piste de danse. Tous chantaient, dansaient ou criaient en chœur. Cela faisait maintenant plusieurs heures que la soirée battait son plein dans la maison, que les basses des enceintes faisaient presque trembler le sol, que des fous rires et des hurlements enjoués résonnaient dans la nuit.

– Eh, t’aurais pas vu Ariane ?

Kurtis, assis sur le canapé depuis le début de la soirée releva les yeux vers Clara, hochant négativement la tête.

– Du tout.

– Mh. Apparemment elle te cherche.

L’adolescente s’assit aux côtés de Kurtis, en lâchant un soupir. Elle sortit une cigarette de son paquet, la porta à ses lèvres et en alluma l’extrémité. Elle inspira la fumée, et la recracha lentement, le regard dans le vide.

– Tout va bien ? fit Kurtis.

– Crevée, répondit–elle avec un long bâillement. Et toi, ça fait quoi d’avoir dix–sept piges ?

– Que dalle, sourit le métis. C’est les dix–huit que j’veux.

Clara laissa s’échapper un rire, et prit la bouteille de rhum posée sur la table basse.

– On fête ça?

Kurtis attrapa deux petits verres vides sur la table, et en tendit un à la rousse.

– Partant.

Les deux adolescents se servirent un shot de rhum chacun, trinquèrent et le burent cul sec. Le goût amer de l’alcool fit grimacer Kurtis, qui reposa le verre brusquement la table.

– Wow t’as pas kiffé toi ! s’exclama Clara en riant.

– Comme le café. J’m’y ferai jamais je crois.

– Ah ouais, t’es vraiment un enfant quoi !

– Tant mieux, soupira–t–il avec un sourire. C’est à chier de grandir.

– C’est bien vrai ! Bon j’te laisse, je rejoins Léana dehors.

– Ça va, répondit Kurtis en faisant un V avec son index et son majeur.

Clara se leva, et laissa tomber la cendre qui pendouillait sur le bout de sa cigarette dans son verre.

– Reste pas le cul vissé ici toute la soirée, tu vas chopper des hémorroïdes.

– T’en fais pas pour moi.

La rousse sourit de nouveau, et s’engouffra dehors, cigarette et verre à la main.

Kurtis sourit, et baissa les yeux vers la table basse, jonchée de paquets de tabacs et de feuilles.

– Alors, c’est toi qui fêtes ses dix–sept ans ? fit une voix féminine inconnue aux oreilles de Kurtis.

Il releva les yeux, et la vit.

D’abord, son regard perçant d’une couleur lavande si profonde qu’elle paraissait irréelle. Les yeux de Kurtis parcourent le visage de celle-ci, tandis qu'il pouvait sentir son cœur se mettre à battre à toute allure. Puis, cette chevelure sombre qui semblait si douce. C’était elle. Il ne savait pas pourquoi, mais il le savait. Du moins il en était persuadé, comme si toute son âme s’efforçait de lui faire confiance.

– Tu… T’es qui ? demanda–t–il, confus.

Elle répondit d’un sourire taquin, et tendit le poing vers Kurtis pour le saluer. Il fronça les sourcils, et la salua en la checkant.

– Profite de la fête Kurtis, prononça–t–elle d’une voix douce. Tu as l’air tendu.

Elle sourit une nouvelle fois, et détourna les talons. Kurtis secoua la tête, et s’affala sur le canapé avec un soupir. Ses pensées étaient en feu, d’une puissance telle qu’il en avait mal au crâne.

Les yeux verts du métis se posèrent de nouveau sur la table, ou plutôt sur la fleur mauve maintenant posée dessus.

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