Le sanctuaire du cyborg (2)

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— Comment vous appelez-vous ? Vous souvenez-vous des circonstances de votre mort ?

— Stanley McTiernan. Je... je suis mort... nous...

Restez calme Stanley, je détecte un pic de stress important.

La psychologue le regarde avec attention de l'autre côté de la vitre blindée. Elle pianote sur l'écran translucide de son calepin.

— Prenez votre temps Stan. Je peux vous appeler Stan ?

Il se calme un peu.

— Oui...

— Comment êtes-vous mort Stanley ? Il est très important que vous l'acceptiez.

Des émotions contradictoires accompagnées de bribes de souvenirs. Un immeuble désaffecté, Block Epsilon. Un homme, en uniforme noir et argent, lunettes de protection, cheveux blonds, pommettes saillantes, cicatrice au menton. Des cris suivis de quatre éclairs bleus. De la douleur ensuite. J'analyse

— On était en mission avec Jeff dans le Block Epsilon. Nos indics nous avaient rencardés sur un squat servant de fabrique de sunset. Une putain d’embuscade ouais !

Stanley, ne criez pas sur la doctoresse Soliani. Vous venez de perdre dix points de sociabilité. Actuellement, son affection à votre égard est de 40%. Je recommande de changer de ton et de posture.

— Quoi ?!

— Vous avez du mal à vous faire à votre EMB Stan ?

Désolé de vous avoir surpris Stanley. Je peux analyser les expressions corporelles et le timbre de voix de vos interlocuteurs afin d'établir un schéma de vos relations. Pratique dans votre travail.

— J'ai du mal à comprendre... Où est Jeff ?

Je décèle de l'empathie chez la psychanalyste. Vingts points supplémentaires.

— Navré de vous annoncer cela de cette manière mais...

— Ne vous en faites pas, j'ai compris...

Votre tension baisse de façon inquiétante. Vous n'avez rien bu depuis notre réveil.

— Parlez moi de votre relation avec Jeffrey Leppard.

— J'pourrais avoir un truc à boire ? J'ai besoin d'un truc fort.

De l'eau serait plus indiquée.

— Désolé, mais vous n'êtes pas encore habitué à vos augmentations. L'alcool est fortement déconseillé. Je peux vous faire apporter un verre d'eau.

— ... Okay.

Sage décision.

— Pour revenir à votre mort, gardez vous des douleurs en ce moment ? Avez-vous des hallucinations ?

— Rien du tout. Je me sens comme neuf.

Pour des raisons que je n'explique pas, Stanley se frappe le thorax du poing, produisant un son métallique.

— Vous voyez ? Rien à signaler ! Je n'ai peut-être plus aucun organe interne d'origine avec, en prime, une nounou cybernétique dans le crâne, mais je vais super bien.

Navré si ma présence vous déplaît. Sachez cependant que je n'ai pas d'autre but que votre bien-être.

Une fente s'ouvre dans le sol de la chambre. Un bloc de métal monte lentement jusqu'à hauteur de genou. Un verre d'eau y est posé.

— Merci.

Hydratation en augmentation. Stanley se détend

— Jeff et moi, on était potes depuis l'école de formation. Un vrai coup de pot qu'on se soit retrouvé partenaires ! Enfin... maintenant je sais plus trop si c'était de la chance. On se protégeait l'un l'autre. Le seul problème de Jeff, c'est qu'il a jamais été du genre sociable. On peut même dire que c'était moi le cerveau et lui les muscles.

— Je vois. La mort de Jeffrey ne semble pas particulièrement vous attrister.

Nouveau pic de nervosité.

— On connaissait notre métier. On savait que l'un finirait sans doute par claquer avant l'autre. Vous avez déjà croisé un camé au sunset ?

— Deux, à vrai dire. Mais puisque vous abordez le sujet, parlez-moi de vos problèmes avec la drogue.

— Nous y voilà... Sachez que, contrairement aux gars que je coince, je sais quand m'arrêter et je reste dans le conventionnel, mais ça les toubibs ont dû vous le dire. Vous devez sans doute mieux savoir que moi ce que j'ai dans mon propre corps.

— Cette consommation doit impérativement cesser Stan. De toute façon, il vous sera impossible de recommencer.

— Pardon ?

— C'est l'une des fonctions de l'EMB.

Je peux en effet contrôler temporairement vos mouvements et agir sur votre perception. Je peux, au choix, rendre votre ouïe plus performante ou bien vous faire détester votre plat préféré.

— Charmant...

— N'oubliez pas que vous représentez un investissement considérable. Vous ne pouvez pas attenter à vos jours ni adopter de comportement pouvant nuire à votre santé.

— En dehors de mon travail vous voulez dire ?

— Avec vos nouvelles capacités, je vous garantis que votre travail vous paraîtra presque reposant.

— Arrêtez votre baratin ! Vous savez très bien ce que les gens pensent des Embarqués ! Pour beaucoup de monde, je suis au mieux un pantin, au pire un monstre.

Cela signifie-t-il que vous me considérez comme faisant partie intégrante de vous même ?

— Vous êtes bien plus que cela, Stan. Vous êtes l'élite des forces de l'ordre. De plus, vous conservez le contrôle de vos moyens à moins que Virgile ne soit forcé d'intervenir ou que vous lui en donniez l'ordre.

— Donc il m'obéit ?

Exactement Stanley. En revanche, je ne vous conseille pas de me parler à voix haute. Cela pourrait, d'une vous faire repérer facilement, de deux vous faire passer pour un fou.

— Avec du travail et des séances de méditation, vous serez capable de contrôler vos sens à la perfection. Nous en avons fini pour aujourd'hui Stan. Reposez-vous bien, demain vous aurez droit d’appréhender toutes les possibilités que vous offre votre nouveau corps.

Il est 23 heures 49 minutes et 31 secondes.

Il serait bon de dormir Stanley. Il se fait tard.

— Pourquoi tu ne me forces pas comme l'autre fois alors ?

Pourquoi être si fermé Stanley ? Voyez moi plutôt comme votre ange gardien.

Je remarque de nouveau des émotions entremêlées accompagné par une forte libération d'acétylcholine.

Vous êtes triste Stanley. Vous aurais-je contrarié ?

Il se lève pour marcher jusqu'au miroir de la chambre. Là, il reste 2 minutes et 45 secondes à se regarder en détail. Des cheveux châtains, un visage fin au menton pointu, des yeux verts.

— La couleur...

Oui Stanley ?

— C'est pas la bonne. J'ai les yeux marrons.

Pourquoi vous en préoccuper ? Vos yeux sont maintenant plus performants que n'importe quel être humain non modifié.

— Justement... ce ne sont pas mes yeux.

Il donne alors un grand coup de poing dans la glace. Les murs de la chambre tremblent alors que le miroir éclate en un millier de débris. Il y a maintenant un impact de 20 centimètres et 62 millimètres de diamètre dans le mur au dessus de l'évier. Comme prévu, aucun dommage. Stanley regarde son poing intact. Un débris de plâtre tombe du mur. J'ai pu calculer que ce dernier fait deux mètres d'épaisseur, doublé d'acier. Stanley s'assoit au sol.

Attention, je détecte de nombreux débris au sol.

— Ce n'est pas mon corps.

Le stress de Stanley a atteint un seuil critique.

C'est donc cela : pleurer ? Intéressant.

— Un putain de monstre...

Stanley s'endort finalement à 1 heure 32 minutes et 28 secondes.

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