Chapitre 18

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J’enlève mes talons et me baisse pour les poser dans un coin de la terrasse en bois. Lorsque je me retourne, je surprends Adam me déshabiller du regard et ne pas s’en cacher. Son assurance est sans faille, ses yeux presque ébène se pose alors sur les miens et me captive. Je le trouve à cet instant plus beau que jamais. Je m’avance vers lui, hypnotisée par son charme magnétique et le rejoins devant l’orchestre.

- Une danseuse non adepte aux talons ? S’interroge Adam.

- Comment ? Mon profil…pensai-je tout haut, je danse aussi bien sur la pointe des pieds.

Mon entaille au pied me fait encore souffrir et mes tallons n’arrangent rien, mais je tiens à le garder pour moi.

- Très bien. Souffle Adam en retirant ses mocassins vernis.

- Tu n’y es pas obligé.

- Je ne tiens pas à te blesser quand tu feras un faux pas.

- Te croirais tu meilleur que moi ?

- J’en suis même sûr. Se vante-t-il

Les musiciens sonnent les dernières notes d’une rumba lorsque qu’Adam me tend la main. J’attends, anxieuse de connaitre le style de musique sur lequel je vais devoir entrainer mon cavalier quand le rythme d’un tango retentit.

Et merde, cette danse bien que dans la retenue est trop sexy pour ne pas faire paraitre mon attirance même minime pour Adam et ne pas exhiber la sienne. Je décide de ne pas me défiler et de garder mon sérieux. Je prends sa main et m’approche timidement, gardant une distance raisonnable entre lui et moi, afin de lui montrer mon intention de danser un tango simple et solennel. Mais il en décide autrement de son côté et appui au milieu de mon dos pour me plaquer encore plus près de lui.

Son parfum m’enivre au même titre que la musique. Nos pieds se mettent à bouger timidement cherchant à s’accorder l’un à l’autre.

- C’est la première fois que tu danses avec un homme ? demande Adam en me faisant glisser presque voler sur le côté. Ok il sait danser.

- Non, j’ai un partenaire… dis-je légèrement irritée par ce qu’il parait être une remarque.

Il me fait tourner puis immobilise soudain mon dos contre son torse en pressant la paume de sa main contre le bas de mon ventre. Tous mes muscles se raidissent sous cette dernière, comme pour refreiner un désir naissant qui intimide mes mouvements.

- Il est gay, c’est ça. Affirme-t-il sûr de lui en me retournant à nouveau comme une poupée inanimée.

- Contente-toi de danser. Je réponds d’un air suffisant, agacée par monsieur je sais tout qui une fois de plus avait raison…

- Tu veux savoir comment je l’ai deviné ?

Il souffle ces mots à mon oreille, un frisson me transperce jusqu’au orteil.

- Absolument pas. Je réponds les lèvres crispées,

- Tu es aussi raide et frigide qu’un cadavre. Continue Adam sans prendre en compte mon objection.

- C’est un tango pas une salsa.

- Oh tu es seulement nul alors, désolé, je croyais que tu valais mieux que ça.

Il me provoque et ça marche. Je maudis ses lèvres indociles si parfaites, exaspérée de ressentir tant de sentiments contradictoires à la fois, tourmentée qu’il me fasse tant d’effets alors qu’il est si détestable.

- Très bien. Montre-moi ce que tu sais faire. Je le défie, déterminée à lui faire ravaler sa langue insolente.

Je redresse ma colonne, bombe la poitrine et relève le menton, m’efforçant de reprendre confiance en moi... Mes pieds enchainent avec assurance les mouvements tout en restant accordés aux pas d’Adam. Il sourit, amusé de me voir me lâcher et tente de me suivre avec succès.

Je ne voulais pas en faire trop, pourtant ce tango solennel se transforme en une danse effrénée pervertie par une musique endiablée et mes émotions qui me poussent un peu plus à transgresser les limites du raisonnable. Nos jambes s’entremêlent, nos corps s’élancent et s’enlacent avec passion. Je virevolte et me laisse emporter par ses bras. Il fait ce qu’il veut de moi et je suis incapable de lui résister. Cela m’inquiète autant que ça me plait…

Je lève la jambe au-dessus de sa hanche qu’il s’empresse de retenir. Ses doigts s’enfoncent dans ma chair en descendant le long de ma cuisse jusqu’à s’enfouir sous le tissu de ma robe. Je brule, incapable de le repousser. Ses yeux me défient comme pour me dire « jusqu’où es-tu prête à aller ».

Quand il atteint ma limite, ma main part presque instinctivement pour le gifler, mais il retient mon poignet in extrémiste et esquisse un sourire diabolique avant de tendre mon bras sur le côté et me fait balancer en arrière.

Je m’aperçois alors qu’un attroupement se forme autour de nous et discerne des regards ravis de l’amusement mais aussi du mépris et des moqueries.

- Je te l’avais dit qu’il l’avait payé. Lance à haute voix une femme.

- Un futur médecin, ça ! de qui il se moque. Rétorque un peu plus loin un homme en riant.

Ces médisances me blessent et me perturbent. Je tourbillonne au même titre que mon esprit et mes pieds s’emmêlent soudain me faisant perdre l’équilibre. Je sens mon poids chuter inévitablement vers le sol avant que mon cavalier ne défie la gravité et ne me rattrape de justesse.

Dans ses bras, le temps s’arrête un instant tout comme ma respiration. Il me bascule sur le côté gracieusement, comme si mon faux pas n’en avait jamais été un.

- N’écoute pas ces mégères, elles sont juste jalouses de ne pas pouvoir danser avec moi.

Je grimace de sa plaisanterie narcissique et comprend alors que ces mensonges ne sont qu’un moyen de se défendre contre leurs langues de vipères.

La main qui soutient ma nuque me relève lentement tout en glissant le long de ma colonne jusqu’à s’attarder sur mes reins. Mes nerfs vibrent à l’endroit où il me touche et raisonne jusqu’à mon cœur qui s’emballe aussitôt. Je ferme un instant les yeux de peur qu’ils ne me trahissent et me convainc avant de les ouvrir que ce n’est qu’une danse après tout.Mais lorsque mes paupières s’ouvrent à nouveau, l’intensité de son regard m’embrase à m’en faire perdre la raison.

Plus rien ne compte mis à part lui et cette connexion vibrante entre nous, comme si tout ce que j’avais vécu avant avait été orchestré pour ce moment.

Quand la musique s’arrête enfin, ses lèvres frôlent les miennes. Je manque d’air et remarque que lui aussi surement dû à l’effort en ce qui le concerne du moins. Ses bras m’enserrent encore. Il ne bouge pas et me scrute laissant son souffle chaud s’évanouir sur mes lèvres sans tenter plus. Je sais qu’il faut que je m’écarte mais mes membres refusent de bouger comme indéniablement attirés. Mes lèvres brulent à l’idée de l’embrasser et quand je me décide enfin à céder, les applaudissements me ramènent brutalement à la réalité.

Je me libère alors de son emprise. Il n’essaie pas de me retenir, sert la mâchoire et me regarde m’éloigner. Son regard se trouble. J’aimerai tellement savoir à quoi il pense à cet instant mais les seuls songes que j’entends en me retournant me glace une nouvelle fois le sang.

- Même en les payant chère, elles ne veulent pas de lui. S’amuse une vieille folle sans scrupule.

Mon cœur saigne et la rage me gagne en éprouvant les coups verbaux qu’il subit. Mais au lieu de m’en prendre directement aux antiquités, je décide de rebrousser chemin.

Je cours vers lui et saute dans ses bras en encerclant mes jambes autour de sa taille. Il me sécurise en attrapant ma taille. J’ai toute son attention et sans attendre son approbation, j’écrase mes lèvres sur les siennes. Il ne réagit pas, reste stoïque avant d’écarter le bas de son visage tout en gardant son front collé au mien.

- Si c’est de la pitié tu peux te la garder. Marmonne-t-il quelque peu offensé.

- C’est plutôt de la vengeance.

- Alors j’accepte volontiers.

Mon mensonge le décrispe et me donne une bonne raison de continuer ce que je désire en secret sans perdre ma crédibilité. Sa bouche reprend sa place initiale venant caresser la mienne tendrement. Je m’agrippe plus fort encore à lui et le sent faire de même. Mon cœur grossit au fur et à mesure qu’il s’empare de mes lèvres. Jamais je n’avais ressenti ça auparavant. Ce sentiment est si puissant que j’ai du mal à le contenir. Je le sens se répandre dans tout mon corps, me traverser et résonner autour de nous, faisant disparaitre le reste du monde. Même si je sais qu’au fond ce baiser sonne faux il me parait tellement réel…

- Ça va devenir carrément indécent si on continu… lance Adam en interrompant brusquement notre baiser. La honte empourpre mes joues, choquée par mon habitude inhabituelle et irréfléchie.

Je hoche la tête incapable de répondre autre chose et repose les pieds à terre. Je réajuste ma robe et essaye d’éviter les regards médusés de peur de les affronter.

- Je crois qu’on devrait y aller, propose Adam amusé de me voir si confuse.

Il prend ma main et m’emmène vers la sortie.

- On va vraiment s’enfuir comme des voleurs ?

- C’est fort comme mots, je dirai plutôt qu’on s’éclipse discrètement. Les gens penseront qu’on est allé s’envoyer en l’air dans un coin.

- Quoi ?! Il rit

- J’oubliais… tu es surement la seule vierge de cette petite sauterie mis à part ma petite cousine ; et encore elle à quatorze ans donc… me charrie-t-il. Je tire ma main pour me libérer mais il la sert plus fort.

Nous traversons une nouvelle fois l’immense maison quand je me rends compte que je suis pieds nus et Adam aussi.

- Les chaussures !

- Tu veux vraiment y retourner ?

- En fait… non.

- Je t’en rachèterai une paire voir deux si tu es gentille. Tu vois encore une bonne raison d’être riche à million.

- Je ne vois pas l’intérêt d’acheter tout et n’importe quoi si ce n’est pour combler un manque.

- C’est exactement ce que je cherche à faire, te combler toi.

- Ce n’est pas ton argent qui me comblera

- Je ne parlais pas de mon argent… je reste bouche bé en comprenant son allusion

- Prétentieux.

- Ou simplement objectif.

- Je ne compte pas aller vérifier.

Nous évitons un serveur en nous arrêtant sur le côté.

- Et pourtant tu es toujours la... sourit Adam satisfait.

Sa voix est séduisante et pour le coup, je ne trouve rien à redire. Je lui souris en retour, irrésistiblement amusée par la situation, jusqu’à ce que son sourire meure brusquement en apercevant son père sur le perron de la porte les bras croisés.

- Ne t’arrête en aucun cas. M’ordonne Adam.

Nous reprenons notre chemin vers la sortie à vive allure et je prie silencieusement que notre course ne soit pas interrompue, en vain....

- Il a fallu que tu fasses ton show encore une fois ! grommela l’homme froidement.

- Moi aussi j’ai été content de te revoir papa, à l’année prochaine. Sourit hypocritement Adam en passant devant lui sans s’arrêter.

- Ne vous attachez pas à lui mademoiselle ou il vous brisera sans aucun scrupule… il n’en a que pour son cul et son argent. Attaque-t-il d’une voix forte et pâteuse.

La main d’Adam broie mes phalanges à ces mots et je sens sa rancœur ternir l’atmosphère. J’ai peur soudain qu’il ne fasse une erreur et me lance avant lui à lui répondre

- Sous le masque d’un bourreau, il ne peut y avoir qu’une ancienne victime… on se demande bien qui a pu être le sien…

J’accuse le regard méprisant de mon interlocuteur et tire Adam par le bras pour nous diriger vers la voiture.

Une fois dans l’habitacle, l’auto démarre et Adam nous isole en fermant la vitre qui nous s’éparent de Gabriel. Je m’interroge sur ses intentions et tombe littéralement de haut.

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