Chapitre 15

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Trempée jusqu’aux os, frigorifiée jusqu’à la moelle et dangereusement entêtée, je m’engouffrai à moitié nue dans cette ruelle lugubre. L’atmosphère y était angoissante. Aucune des fenêtres ne laissait entrevoir âmes qui vivent, toutes les ampoules des lampadaires avaient été brisées. La seule source de lumière venait de l’enseigne grillagée d’un restaurant chinois fermé. Ses néons rouges repeignaient les murs aux alentours de cette même couleur sans pour autant égayer les lieux bien au contraire. J’accélérai le pas pour sortir rapidement de là mais le sol était jonché d’ordures venant de poubelles éventrées m’obligeant à garder les yeux rivés au sol pour éviter de marcher sur l’un d’eux.

Un rideau de pluie s’abattit alors sur moi. Je regardai le ciel avec hargne avant de constater être à mi-chemin, ayant encore le choix entre faire demi-tour et rentrer sagement sous la coupe d’Adam, ou me débrouiller par moi-même en lui faisant ravaler au passage son arrogance. Mais ma fierté l’emporta à nouveau, je me retournai donc afin de poursuivre mon chemin, lorsque des silhouettes apparurent soudainement au milieu de la rue.

Ils devaient être à une dizaine de mètres de moi, m’observant. Ils tanguaient légèrement sous l’effet des bouteilles d’alcool qui prolongeaient leurs bras. La peur me transit. Je fis aussitôt demi-tour et rebroussa chemin rapidement mais il était trop tard… j’étais devenue leur proie. Ils lancèrent une bouteille qui se brisa juste devant moi et dans mon élan je ne pus éviter les éclats de verre se dressant sous mes pieds. Les pointes acérées s’enfoncèrent dans ma chair et la douleur fut telle que je me retrouvai à terre en moins de deux, mes mains et mes genoux amortirent ma chute mais ne furent pas épargnés par les débris. Je me relevai immédiatement sous l’effet de l’adrénaline, malheureusement trop tard…

L’un des hommes serra de son large bras ma gorge frêle.

- Ta maman ne t’as pas appris qu’il ne fallait pas se balader en sous-vêtement dans la rue ? A tenter le loup on en voit forcement la queue… s’amusa l’homme à mon oreille pour que je l’entende.

Les deux autres hommes arrivèrent et me firent face. L’un d’entre eux me reluqua avec perversion. L’autre visiblement plus sensé fronça les sourcils comme si lui se rendait compte que ce n’était pas une bonne idée.

- Je l’ai attrapé. C’est moi le premier ! se réjouit l’animal qui me faisait suffoquer comme si je n’étais rien d’autre qu’une poupée de chiffon.

Mon agresseur retira son bras de mon cou et je hurlai de toutes mes forces mais la pluie retentissait bien plus fort que ma voix, ne me laissant aucune chance de me faire entendre… Il me plaqua contre le mur d’une seule main et je compris alors que je ne pourrai rien contre lui et encore moins contre eux.

- Ça ne sert à rien de crier, personne ne te viendra en aide… et s’il te prenait l’idée de t’échapper ou de tenter quoi que ce soit d’autre, mes deux copains te rattraperaient et te le fairaient payer au centuple c’est clair ? demanda-t-il en passant une mèche détrempée de mes cheveux derrière mon oreille.

Je ne répondis pas et détournai la tête sur le coté pour ne plus sentir son haleine fétide et voir ses lueurs lubriques. Il s’empressa de retirer sa main froide et rugueuse de mon cou pour défaire la boucle de sa ceinture tout en gardant son corps pressé contre le mien. Si seulement… pensais-je perdu.

Soudain, le bruit d’un choc me fit tressaillir, je tournai vivement mon attention vers lui. Il avait l’air sonné et son visage ensanglanté était marqué d’une plaie béante au front. Je ne compris pas tout de suite ce qu’il se passait avant de voir rebondir sa tête une seconde fois violement contre les briques de l’immeuble derrière moi. Il perdit connaissance et tomba à terre. Adam m’apparut, le regard grave et légèrement essoufflé.

- Il t’a blessé ? demanda-t-il sérieusement, les poings serrés, regardant les blessures causées par les éclats de verre lors de ma chute.

- Non, il n’a pas eu le temps, je suis tombée... Répondis-je choquée.

- Ne bouge pas. Souffla-t-il avant de porter main forte à son garde du corps qui tenait tête aux deux autres hommes. Ils ne mirent pas longtemps à s’enfuirent en voyant Adam arriver.

Adam s’empressa de me rejoindre. Il retira son imper et le passa autour de mes épaules sans un mot avant de me porter dans ses bras.

- Je la ramène à la voiture. lança-t-il à son acolyte.

- Très bien je m’occupe de celui-là et vous rejoindrai dès que possible. Répondit-il en parlant de mon agresseur.

Gabriel nous ouvrit la portière et Adam s’empressa de nous installer à l’arrière. Je restais dans ses bras, collée contre son torse pour profiter de la douce chaleur réconfortante qui émanait de lui.

- Tu… ! s’étrangla Adam à travers sa mâchoire serrée avant de ravaler ses pensées en voyant ma détresse.

La tête sur son épaule, j’étais catatonique, choquée et épuisée par tout ce qui venait de se passer.

- Je vous conduis à l’hôpital ? demanda Gabriel.

- Non, elle n’a que des égratignures, l’appartement suffira.

Dix minutes plus tard, je me retrouvai dans l’appartement d’Adam. Il me déposa au pied d’un lit avant de se diriger vers la chaise du bureau et de la trainer vers mes jambes.

- Je peux regarder ? me demandait-il en s’asseyant.

J’acquiesçai de la tête et leva légèrement la jambe, il la prit délicatement au vol et la fit reposer sur ses genoux avant d’inspecter mes plaies.

- Tu survivras. Lança-t-il l’air impassible, mais tu as du verre incrusté un peu partout. Continua-t-il en quittant la pièce.

Il réapparut quelques secondes plus tard une trousse blanche à la main et reprit sa place. Il retira soigneusement chaque éclat, de mon pied jusqu’en haut de ma cuisse, les jetant au fur et à mesure dans la corbeille à papier.

- Comment tu te sens ? demanda-il d’une voix monocorde.

- Sale et blessée… répondis-je sans ménagement.

- Ma salle de bain est à ta disposition,

- Je ne pense pas que cela suffira mais ça aidera surement…dis-je reconnaissante.

- Il faut que tu retire l’imper que je regarde tes bras. Demanda-t-il hésitant

Je le regardai perplexe ne bougeant pas d’un millimètre en me demandant pourquoi je devrai lui faire confiance, c’est vrai au fond il ne désirait seulement de moi que la même chose que mon assaillant mais légalement. Je ne comptai pas beaucoup plus à ses yeux.

- Pourquoi tu es venu à mon secours ?

- Pourquoi ?! parce que je n’aurai pas voulu être accusé de non-assistance à personne stupide et bornée se mettant volontairement en danger.

- Tu insinues que j’ai cherché ce qui m’est arrivée ?!

- Je ne sais pas, si je dis oui tu comptes te jeter par la fenêtre ? lança-t-il avec sarcasme. Je lui lançai mon regard le plus noir mais ne relevais pas, bien trop faible pour cela.

- Ce que je voulais te demander en réalité c’est… est ce que s’il m’avait violé tu serais là à me soigner ? Adam stoppa son geste et me toisa légèrement irrité.

- Non je t’aurai laissé crever dans la rue… et peut être même que j’aurai participé qui sait ! Bon sang mais tu me vois vraiment comme un monstre !

- Désolée, non, j’essaie juste de comprendre…

- Tu réfléchis trop.

- La seule fois où je n’ai pas réfléchi c’était il y a une heure et regarde-moi.

- De toute façon la question ne se pose plus, je fais avancer ton vol à demain.

- Quoi ?!

- Tu es ingérable

- Je n’ai pas demandé à l’être.

- Ce n’est pas ce que je crois en te voyant. Renvoya-t-il d’un ton condescendant.

- Si tu n’avais pas essayé de me contrôler ce ne serait pas arrivé.

- Qu’est-ce que tu veux à la fin ? demanda Adam en perdant patience

- Je n’en sais rien ! Apprendre à te connaitre… ma voix se radouci. A la minute où tu as lancé ce stupide défi j’ai eu une envie viscérale de le relever et de savoir jusqu’où tu irais pour… m’avoir. Jusqu’à ce que tu ramènes ta copine rousse juste après l’avoir… enfin tu vois ce que je veux dire.

- Je n’ai pas couché avec Kim au lieu d’aller à notre rendez-vous si c’est ce que tu insinues… Elle est la fille chérie d’un très grand producteur à qui il vaut mieux faire de la lèche si on veut prétendre à un de ces rôles prestigieux et sa fille est une capricieuse de première qui obtient tout ce qu’elle désire de lui.

- Et tu n’as pas couché avec elle ?

- Pas ces derniers temps non… si tu avais lu le contrat, tu aurais vu que je n’ai pas le droit de toucher d’autres filles que toi durant la durée impartie de notre pari pour ne pas fausser les résultats des tests médicaux.

- Je ne te connais pas, comment aurai-je pu savoir que tu tiendrais ces termes ?

- Je ne risquerai pas un procès pour une semaine d’abstinence.

- Alors pourquoi tu as passé la soirée avec elle ?

- J’ai eu un repas d’affaire et elle était malheureusement là… lorsque j’ai voulu partir, elle s’ennuyait et à exiger que je reste avec elle j’ai refusé mais elle est allée s’en plaindre à son paternel. Je n’ai pas eu trop le choix que de rester. Après cela elle a insisté pour m’accompagner à la soirée et je me rends compte à l’instant que je l’y ai laissé et seule… Je ris nerveusement à ces mots.

- Crois-moi, ce n’est pas marrant… elle est bien capable de ruiner ma carrière. Répliqua-t-il plus détendu.

- J’en doute… tu n’es pas trop mauvais comme acteur.

- Pas trop mauvais ? venant de toi je prends ça pour une excellente critique.

Je ne pouvais m’empêcher de lui sourire et je repris quelque peu confiance en lui malgré ses piques incessantes. J’extirpai lentement mon bras des larges manches de son imper. Il m’aida en tirant sur celle-ci. Je me retrouvai à nouveau en sous vêtement devant lui cette fois bien moins sûre de moi. Je remarquai son attrait envers ma poitrine qu’il se forçait de refreiner. Il prit les paumes de mes mains glacées dans les siennes, ces dernières me paraissaient brulantes en comparaison. Il les joignit et inspecta mes bras en tournant mes poignets.

- Tu as quelques égratignures mais ça devrait aller. Dit Adam en se levant brusquement

- Attends lançai-je le voyant s’enfuir de la chambre.

- Merci de m’avoir sauvé et soigné. On peut dire que tu as été un vrai héros pour le coup…

- Je ne pense pas qu’un vrai héros pousse les personnes à se mettre en danger pour ensuite aller les sauver.

- Tu n’y étais pas obligé et j’ai peut-être réagis excessivement…

- Légèrement… ironisa-t-il.

Adam m’aida à me rendre dans la salle de bain. Une fois seule, je trainai mon corps glacé et meurtri sous la colonne de douche et laissai l’eau tiède couler un moment sur mes sombres pensées, les larmes coulèrent comme si je me permettais enfin de ressentir la douleur et laver ce traumatisme pour faire à nouveau peau neuve car ce sale type n’aurait jamais plus que cela de moi.

Je pris le pyjama qu’Adam m’avait déposé sur la commode ainsi qu’un de ses caleçons en guise de culotte et les enfila. J’abandonnai rapidement le pantalon bien trop large tombant à mes pieds à chaque enjambée et ne gardai que le long tee-shirt à l’effigie d’un groupe de métal dont le nom ne me disait rien. Je peignai mes cheveux et m’empressai de sortir de la pièce devenue un sauna. J’ouvris la porte et levai les yeux quand la silhouette d’Adam adossée contre le mur d’en face me surprit au point de me faire sursauter.

- Ce n’est que moi. Me rassura-t-il en fronçant les sourcils, constatant l’effroi sur mon visage.

- C’est une habitude de surprendre tes invités après leurs douches ?

- Seulement ceux qui ne portent pas de pantalon... fit-t-il remarquer en lorgnant mes jambes nues sous le long tee-shirt, un sourire charmeur esquissant ses lèvres ne me laissait pas indifférente.

- Il était bien trop grand…

- Je le portais quand j’étais au lycée, j’ai cru qu’il t’irait du coup. Je vais t’en faire livrer un neuf…

- Non ! Ça ira très bien je te remercie, enfin si ça ne te dérange pas ? demandais-je bêtement

- Non. Pouffa-t-il, Il te va mieux qu’a moi en tout cas…

- Merci.

- Tu devrais aller te reposer, ton vol est à sept heures demain matin.

La dictature d'Adam m’insupporta une nouvelle fois. De quel droit m’imposait-il ses choix. Il me donnait autant envie de le fuir que de le combattre car malgré tout, je voulais continuer cette aventure. Je ne m’étais jamais sentie aussi vivante que durant ces deux jours et voulais en connaitre la raison… l’imprévu de ce voyage, le luxe ou Adam.

- Tu déclares donc forfait, on peut dire que j’ai gagné… le défiais-je.

- Non je me décharge d’un fardeau. Et de mon point de vue, je crois plutôt que c’est toi qui as perdu.

Comment cet homme pouvait être aussi prévenant et me traiter de cette façon ensuite… Ma respiration s’accéléra comme si mon corps s’apprêter à se battre contre lui.

- Perdu de ne pas avoir eu ma première fois avec un connard prétentieux ? le provoquais-je d’un air aussi dédaigneux que le sien en me rapprochant de lui.

- Un connard prétentieux riche et célèbre qui a empêché ton viol au passage mais je devrais me taire ou tu risquerais encore de fuir et gâcher un peu plus ma soirée.

- Tu te trompes je ne te fuirais plus, tes remarques ne m’atteignent plus, elles ont autant de crédit que ton humilité et sonnent aussi creuses que ce que tu veux bien dévoiler de ton âme. Tu parais tellement vide. Je tapais du poing à ce dernier mot sur sa cage thoracique, au niveau même où son cœur hypothétique devait battre. Mais tout ceci est une imposture car il est impossible de ne rien ressentir. Rajoutai-je pensive.

Je m’aperçus à cet instant de notre proximité. Il m’avait tellement contrariée que je voulais lui faire mal autant qu’il m’avait fait mal, la colère m’attirant contre lui. Il posa sa main sur la mienne leva mon menton pour capter mon regard.

- Et là que vois-tu ? je plongeai mes yeux dans les siens cherchant la moindre faille.

- Rien. Soufflais-je. Son regard était inexpressif

- Et c’est exactement ce que je veux que tu voies de moi, si tu aperçois autre chose que cela c’est que je joue la comédie. Je suis comme ça et je ne t’ai jamais menti sur mes intentions. Je ne recherche ni l’amour ni l’amitié je ne veux de toi qu’une seule chose et je suis prêt à l’abandonner si cela devient trop dur de l’obtenir. Tu n’es pour moi rien de plus et ce sera toujours ainsi, et si cela te blesse je n’en suis pas désolé parce que je me fous bien de ce que tu peux penser. Mon cœur saigna à ces mots mais je restai de marbre. Il m’avait réduite à néant dans ces propos mais n’aurait pas mes larmes une fois de plus.

- Tu as raison de me renvoyer chez moi. Je ne suis pas une de tes fans que tu peux assouvir à ta guise sous ton masque d’acteur. Tu n’es pas une personne que l’on peut aimer pas même apprécier et ton honnêteté n’y change rien… comment as tu pu croire que je t’aurai laissé me toucher. Me moquais-je sèchement laissant la haine qu’il avait invoqué s’exprimer.

Adam sourit malicieusement en plantant son regard dans le mien avec une assurance hors du commun avant de caresser doucement ma joue de son pouce. Surprise, Je le laissai faire incapable de comprendre ce qu’il avait dans la tête, alors que son geste aurait dû me rebuter, il soulagea quelque peu la douleur dans ma poitrine, je ne pouvais lui résister alors qu’il y a une seconde je le détestais.

- J’aime les défis surtout quand ils paraissent insurmontables. Il descendit lentement sa main en caressant ma nuque du bout de ses doigts avant de l’étreindre et de rapprocher mon visage du sien. Mon cœur se mit à battre plus rapidement, ses cheveux longs encadraient maintenant mon visage. Son arrogance me répugnait mais son charme magnétique m’envoutait tout autant. Je restais immobile alors qu’il m’incitait à réagir.

- Si tu attends que…

Adam frôla tendrement son nez au mien avant d’épouser mes lèvres aux siennes d’une douce caresse, celles-ci s’entremêlant parfaitement l’une à l’autre, puis il s’éloigna alors que j’en désirai plus.

Mon cœur n’avait jamais battu aussi fort quand lui paraissait n’avoir rien ressentit.

- Tu vois, je fais ce que je veux de toi. Se joua-t-il ravi

Ma main partit et vint claquer sa joue avec force. Comme si mon corps avait réagi bien plus vite que ma pensée.

- Tu ne t’y attendais pas à celle-là. Vociférais-je en me délectant de la lueur de confusion que j’avais engendré chez lui.

Je disparaissais dans la chambre en claquant la porte derrière moi avant de m'appuyer contre.

Alix avait tort, c’est lui qui allait me rendre littéralement folle.

Je devais à mon amour propre de le fuir au plus vite, mais lorsque sa voix retentit à travers la porte…

- Très bien, la partie continue… je souris malgré moi.

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