Chapitre 102

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Le lendemain...

LELIA

Tous les cinq assis dans la salle d'attente du psychologue nous nous regardons à tour de rôle dans le plus grand des silences et sans doute le plus pesant. Mon regard passe de Maman à Papa, de Matt à Anaïs qui se triture les doigts nerveusement les cheveux tombant sur son visage aux traits d'adolescente encore.

Nous avons confié Lou à son grand-père, Danny qui saura très bien s'occuper d'elle en espérant qu'elle ne chougne pas toute la journée comme elle l'a fait cette nuit à la maison. J'ai dû dormir deux heures à tout casser et Matt pas mieux, vu la gueule qu'il a ce matin c'est violent !

Le psychologue ouvre la porte de son bureau et salue d'un large sourire son client précédent avant de s'avancer vers nous pour tendre la main à chacun, ça en fait du monde pour des poignées de mains. Je ne suis pas très à l'aise avec ce genre de spécialiste mais je dois reconnaître que les séances m'apportent beaucoup de bien et me remettent en question.

Nous nous installons dans les fauteuils en face du bureau, mon homme à ma gauche, ma petite soeur à ma droite et mes parents sur la droite de Naïs. Le spécialiste nous lance un regard attentif et bien assez long. Je vois les bras de maman s'encercler autour de celui de papa et de l'anxiété traverse leurs regards.

  • C'est le tableau d'une famille plutôt soudée que j'ai en face de moi là dit-il d'une voix sympathique. Exactement ce que votre fille aînée m'a mentionné durant nos rendez-vous. C'est important que ce soit le cas pour que les liens restent entretenus. Ça fait plaisir à voir en tout cas ! Alors aujourd'hui nous allons évoquer les différents comportements et troubles de vos filles et comprendre pourquoi elles en sont arrivées là. C'est bien que vous ayez accepté notre entretien et que vous ayez l'envie de creuser le problème... Ensemble je pense que nous pouvons le résoudre ! Ce n'est pas tous les parents qui en sont capables, ça reflète les propos de votre fille qui a parlé d'un amour fusionnel avec ses parents, sa soeur et son mari ici présent ! Madame, Monsieur Gomez pourriez-vous me parler de leur enfance jusqu'à la transition en tant que jeunes adultes de vos filles ?

  • Nous avons eu deux petites filles exemplaires avec quelques années d'écart commence mon père. Les filles se sont toujours bien comportées toutes petites, pas de caprice, pas de mensonge, toujours obéissantes, polies, de bonnes notes à l'école !

  • Nous leur avons apporté beaucoup d'amour et d'affection, je suis très maternelle avec mes filles et comme vous l'avez mentionné il y a quelques instants, tous les quatre nous sommes très fusionnels s'exclame ma maman à son tour. On a toujours passé les filles avant nous ! Beaucoup d'amour dans notre foyer, de nombreuses sorties tous les quatre ! Je ne pense pas qu'elles aient manqué de quoi que ce soit, on est toujours survenu à leurs besoins, les avions aidé du mieux que l'on pouvait bien qu'on ne soit pas parfait ! On a toujours voulu le meilleur pour elles ! Aucune préférence, nous les avions traité et choyé de la même façon !

  • Nous les avons toujours écouté, conseillé pour leur faire prendre le bon chemin déclare papa. Je pense avoir été leur pilier durant toute cette période jusqu'au passage de l'âge adulte, maintenant elles ont leur petit copain, elles n'ont plus trop besoin de leur papa mais je serai toujours là pour elles, elles le savent !

  • Lélia êtes-vous d'accord avec les dires de vos parents ? Me demande le psychologue. Et vous Anaïs ?

  • Oh oui bien sûre ! Tout est vrai et ils ont été fantastiques ! Pour ma part j'étais en admiration devant eux ! Surtout pour mon papa étant gamine et aujourd'hui pour ma maman, pour la femme douce et attentionnée qu'elle représente ! Une mère de famille que tous les enfants rêveraient d'avoir ! Dis-je du tac au tac sans hésitation.

  • Oui répond hâtivement Anaïs n'aimant pas s'épancher sur ses sentiments.

  • Je sens une petite réticence de votre part Anaïs ai-je raison ?

  • Nan pas du tout juste j'aime pas me dévoiler wesh ! Rétorque t-elle en se renfermant de par son attitude croisant ses bras frêles contre sa poitrine plate.

  • Pouvez-vous poursuivre sur l'adolescence des filles, les différents changements de comportements de chacune ? Comment vous l'avez perçu ?

  • Je ne reconnaissais plus ma fille ! Commence ma mère troublée. Anaïs était toute calme enfant mais vers ses douze ans ça a dégénéré, nous n'arrivions plus à la canaliser ! Elle se montrait insolente, agressive, l'impression que rien ne l'atteignait, qu'elle s'en foutait de tout ! Elle devenait vulgaire, ses notes étaient en chute libre à l'école ! Premières bêtises, mauvaises fréquentations ! Drogue, alcool ! Taguer les murs, ses potes dealaient ! Ils ont fait brûler des poubelles, voler dans les supérettes, caillasser les pompiers et j'en passe ! Je pense que nous n'avions pas maintenu l'équilibre de la famille ! Ce que je veux dire c'est que notre fille Lélia a subi tout ça, on avait moins de temps à lui accorder !

  • Notre aînée en a même souffert même si on se montrait quand même présents pour elle, l'attention était complètement centrée sur Anaïs que nous essayons de remettre dans le droit chemin ! Poursuit mon père. Lélia s'est sentie délaissée et a sûrement cru que nous nous occupions uniquement d'Anaïs ! C'était dur pour nous de jongler entre nos deux filles, je pense que Lélia a manqué d'attention durant cette période, je le reconnais pourtant elle avait tout ce qui lui fallait ! Mais le passage à l'âge adulte est effrayant, voir compliqué psychologiquement pour certaines personnes, nous ne l'avons pas accompagné durant cette période, nous n'avions clairement pas le temps avec les problèmes que nous causait la plus jeune ! Elle s'est renfermée sur elle et s'est réveillée autour de ses vingt-deux ans ! Notre fille a développé un important trouble du comportement qui a été très difficile à gérer ! Je pense même que celui-ci n'est pas du tout réglé ! Lélia a fait le deuil de sa soeur durant cette période et était en recherche d'attention ! Il fallait que les gens la remarquent ! Sinon ça n'allait pas ! Son mari s'est montré présent à ce moment-là, tous les deux étaient seulement amis (enfin papa plus que des amis... Des amis qui couchent ensemble ) et ma fille a trouvé cette attention et ce sentiment d'être aimée auprès des différents hommes avec qui elle a eut des expériences sexuelles. Je ne détaillerai pas plus ça reste notre vie privée, surtout celle de ma fille !

  • Monsieur Gomez, Lélia a évoqué tous les détails de ses actes lors de nos séances de thérapie, vous pouvez poursuivre s'il vous plait.

  • Dans ces différentes expériences, notre fille a trouvé le réconfort et l'attention qui lui ont manqué durant l'adolescence d'Anaïs. Elle se sentait aimée et admirée par tous ces hommes et femmes qu'elle a fréquenté ! Mais lorsqu'elle a trouvé l'amour auprès de notre merveilleux gendre, celui-ci lui a fait ouvrir les yeux sur ses conneries ! Lélia s'est sentie mal psychologiquement d'avoir donné son corps contre un peu d'attention ! Et aujourd'hui encore son mal-être est présent voir même handicapant dans ses relations avec son entourage ! Continue mon père. Beaucoup d'engueulades avec Matt, ça a failli lui coûter son couple ! De la jalousie par rapport aux autres notamment par rapport au couple de son beau-frère ! Le besoin d'être constamment le centre d'attention de tous, si ce n'est pas le cas ça l'a fait paniquer ! Lélia a progressé depuis son addiction, elle a stoppé tout ça mais son état psychologique est fragile tout de même tout comme ses réactions qui passent de la joie aux pleurs en deux minutes à peine ! Lélia est compliquée à gérer et tous les problèmes des filles se répercutent encore aujourd'hui dans leurs actions et leurs propos. Nous avons cherché des solutions ça n'a pas fonctionné, les filles n'ont jamais voulu se faire aider aussi et c'est pas mal que l'on se voit aujourd'hui car je pense que nous même parents en avons besoin !

  • Oui, nous ne savons pas d'où vient le problème juste qu'à cent pourcent il vient de nous ! Mais quoi ? Demande ma mère.

Je ferme les yeux sur mon siège craignant la réaction de mes parents face à ce que le psychologue va leur dire. Papa sera blessé j'en suis consciente mais il ne le montrera pas contrairement à maman qui risque de craquer devant tout le monde. Je ne veux pas anéantir mes parents. Je cherche la main de mon mari pour la tenir entre les miennes sentant mes yeux luire de plus en plus.

Je regarde Matt avec un air qui veut dire '' Je vais craquer mon coeur ''. Matt me caresse l'épaule voulant dire '' Ne t'inquiètes pas ".

  • Lélia, je vous vois les larmes aux yeux. Pourquoi ? Me demande le psychologue.

  • C'est dur de parler de tous nos problèmes, mais pas que ! Dis-je en retenant mes larmes. J'ai peur que la vérité fasse du mal à mes parents, je ne veux pas voir maman pleurer ! Je sais que ça va les anéantir tous les deux même si papa ne le montrera pas ! C'est l'homme de la maison, il est fort mais tout ce qui touche ses filles, ça le touche lui aussi !

  • C'est normal, vous aimez vos parents et ils vous aiment toutes les deux déclare le professionnel. Mais si vous voulez avancer et vous les filles '' guérir ", il va falloir crever l'abcès. Forcément que la conversation va être difficile à entendre, qu'il y aura sûrement des pleurs dans la pièce mais il faut passer par là ! Avancer main dans la main. Madame, Monsieur Gomez êtes-vous prêts à entendre le trouble dont souffrent vos filles ?

Mes parents hochent la tête, je ferme les yeux retenant mes sanglots alors que quelques larmes se barrent de mes yeux, mes épaules se secouent silencieusement. Matt me caresse la peau de l'intérieur de mon bras, me murmure des '' chut ", '' calme toi ma chérie ''. Je n'en tiens pas compte et me laisse submerger par mes émotions, j'ai besoin d'évacuer.

  • Vos filles souffrent d'histrionisme commence t-il. C'est un trouble de la personnalité très courant qui se caractérise par un énorme besoin d'attention et une expression excessive de leurs émotions pour attirer l'attention ! Il vise à combler ou entretenir un besoin permanent d’attention par tous les moyens tels que la séduction, provocation, la manipulation, des démonstrations émotionnelles exagérées, dramatisation ou théâtralisme, difficulté à gérer les émotions, agressivité, une perception érronée des relations, humeur et tempérament inconstants qui changent très rapidement, discours superficiels. Ce trouble s'installe lorsque l'éducation est trop centrée sur l’enfant. Ce qui est le cas des filles, Anaïs en souffre moins que Lélia, elle s'en est détachée plus facilement ! Ce qui l'a fait souffrir ce sont ses erreurs d'adolescente hors Lélia ce qui lui a posé problème c'est justement que l'attention ne soit plus centrée sur elle ! Ce trouble se développe souvent au début de l'âge adulte, ce que l'on retrouve chez votre aînée ! Il y a eut une profusion d'attention portée sur vos filles leur donnant l'habitude d'être au centre des attentions ! Vous les avez trop couvées et trop été derrière elles ! Pour y remédier, c'est un travail long à faire sur vous Lélia, vous devez porter votre attention et vous intéresser aux personnes qui vous entourent, ne pas parler que de vous ! Votre médecin généraliste peut vous préscrire un traitement antidépresseur pour atténuer tout cela durant un temps.

  • Mais comment est-ce possible ça ? S'exclame mon père, ma mère éclate en sanglots, ça me brise le coeur. Alors quelqu'un qui ne s'occupe pas de ses gosses ce n'est pas bien ! Quelqu'un qui s'en occupe trop ça ne va pas non plus ?! A ne rien y comprendre !

'' Je me sens vraiment de trop ici... Voir ma belle-famille dans cet état me fait un sacré pincement au coeur. Les yeux de Xavier qui luisent et les trois femmes qui pleurent surtout Jade pour qui c'est dur d'entendre et d'encaisser. " Pense Matt intérieurement en se mordant la lèvre.

  • Excusez-moi je vais vous laisser entre vous ! Déclare mon mari en se levant. Je pense que vous avez besoin de parler, je serai là pour vous à la sortie !

La porte se referme doucement.

  • Papa du calme s'il te plait ! Dis-je d'un ton ferme.

  • Lélia, c'est normal que vos parents réagissent à leur façon ! Déclare le psychologue. Madame, Monsieur Gomez il va falloir digérer cette information pour pouvoir rebondir au mieux dessus.

Le psychologue écoute les paroles de nos parents ainsi que leurs questionnements. Celui-ci prend quelques notes et abrège la fin de la séance comptant nous proposer un autre rendez-vous pour pouvoir répondre à toutes nos questions. Nous le remercions avant de nous diriger à l'extérieur.

Dans la voiture, je n'ai pas envie de parler à mes proches, je me plonge dans mon portable pour contacter Manon.

" Coucou Manon, c'est Lélia. J'espère que tu vas bien ? "

" Salut ma belle oui très bien et toi ? "

" Comme ci comme ça ... Dis-moi, est-ce que ça t'est déjà arrivé de ne pas être heureuse à l'arrivée de ton bébé et de ne rien éprouver pour lui ? "

" Non, j'étais aux anges et déjà fusionnelle avec lui ! Mais dis-moi tout ... Si je peux me rendre utile c'est avec plaisir. "

'' Chais pas, c'est bizarre ce que je ressens puis tout me tombe sur la gueule en ce moment... Je te raconterai ça en face ! "

'' Oui, explique-moi ce que tu ressens ma belle. "

'' J'étais plus heureuse avant l'arrivée de Lou, je ne suis pas spécialement emballée de l'avoir mis au monde ! Elle nous fait passer des nuits épouvantables ! En fait elle m'énerve plus qu'autre chose, j'ai envie de la mettre au congele limite quand elle fait ça ! Alors je la refourgue à Matt ! Puis je suis jalouse de ne pas avoir le même lien qu'elle entretien avec son père ! Avec moi y a rien de rien trop les boules ! Tout le monde répète à longueur de journée oh mais qu'est-ce qu'elle ressemble à son père ! Je n'en peux plus, je me sens vide et j'ai envie de pleurer tout le temps. "

'' Lélia, ce que tu me racontes me fait penser à une dépression post-natal car le babyblues généralement se stoppe assez vite. Ton état psychologique était déjà fragile avant l'arrivée de Lou et avec le changement et la chute des hormones ça a amplifié tout ça ! C'est un trop plein émotionnel que tu n'arrives plus à gérer. Puis il faut aussi que tu trouves tes nouveaux repères toi aussi car maintenant tu n'es plus toute seule avec Matt mais le bébé est bien là. Il n'y a pas grand chose à faire après je vois un traitement antidepresseur léger pour ne pas être dépendante mais qui te permette de te sentir bien. Ne t'inquiètes pas, on essaye aussi de se voir très bientôt ! "

" Oh non, je ne veux pas tomber dans ce truc, je ne suis pas malade enfin ! Ça me saoule le psy m'a conseillé ça aussi ! Les gens après c'est des loques ! "

" Tu devrais écouter nos conseils, nous sommes des professionnels, Lélia. Nous ne sommes pas là pour t'enfoncer et une dose atténuée ou en faible quantité ne peut pas te faire de mal, il faut accepter d'être aidée et je pense qu'il y a très longtemps que tu aurais dû le faire... Vas voir ton généraliste, il sera là pour te guider. "

" Ok... Je verrai bien ! J'ai l'impression que vous me prenez tous pour une folle ... Je suis bientôt arrivée à la maison, je vais te laisser bisous, prends soin de toi ! "

Cette conversation a ajouté de l'énervement supplémentaire auquel je ne parviens plus à faire face. Tout s'accumule en ce moment et la cocotte minute ne va pas tarder à exploser. Je soupire bruyamment alors que Matt pose sa main sur le dos de la mienne.

Son regard bienveillant m'apaise, je me recale dans mon siège afin d'être plus confortable pour la fin du trajet.

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