Chapitre 13 : Entrer dans le grand bain

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C’était la première fois que Kiso se rendait en voiture en Hauteville. C’était aussi la première fois qu’elle grimpait dans une limousine. Bon, ce n’était pas elle qui conduisait, elle était assise à l’arrière du véhicule avec son patron. Mais au moins elle était classe !

Un costume marin juste un poil trop grand. Sur le coup, Sebastian l’avait bien dépanné même s’il s’était maudit de ne pas pouvoir lui en faire un sur mesure. La boxeuse trouvait que plus en ferait trop, et puis ils n’avaient pas le temps. Elle avait pris soins de bien se préparer mais certainement pas jusqu’au point de se dénaturer avec du parfum ou maquillage. Même si l’un des deux frères Hispanique a bien essayé…

« Pas trop stressée ? Questionna une voix grave singulière.

  • Moi ? Si votre garde du corps panique, comment vous êtes sensé rester calme patron ? Lâcha la punk d’un rire franc.

Il acquiesça silencieusement. Impossible de savoir si l’homme souriait : il portait un masque cachant son visage. Le masque décrivait un visage neutre, fait en acier, et aux gravures artistiques en reliefs. Son patron était recouvert de la tête au pied : une capuche recouvrait son crâne, ne longue veste azur son corps ainsi que des gants de velours ses mains. Au final, seul ses yeux étaient visibles au travers de sa carapace. Couleur sombre, un regard profond et sérieux qui regardait la route défiler.

  • Kiso, ce soir c’est du sérieux. Il y aura surement tous les chefs de gangs de tous les districts. Mais également les hauts dignitaires de la haute-ville. Pas que de celle de Gyrion mais également celle de Graundur, de Saturnecity…

L’accumulation de notion politique ne provoqua qu’un long bâillement désintéressé de la part de la Punk. Déjà qu’elle n’avait que peu dormit… alors l’assommer avec des choses dont elle s’en contrefichait royalement ne faisait que la fatiguer davantage. Non, pour le moment son esprit était focalisé sur la défense du mafieux, et des mots à dire à Pauline. Si elle était là.

  • Si ça tourne mal là-dedans, enfuis toi. Termina son patron.

Curieuse cette fois, Kiso regarda boss. Elle arqua un sourcil, surprise par ce qu’il venait de lui dire. Il semblait tout à fait sérieux.

  • Que je m’enfuis ? Pourquoi me dire ça ?
  • Par précaution. Je sais que tu as tendance à ne jamais te rendre mais je ne suis pas sûr que ma carcasse malade tienne le coup si nous nous faisons encercler.

Comme pour corroborer ses dires, il se mit à tousser d’une toux sèche qui le fit trembler. Elle l’aida à se rassoir sur son siège, un peu inquiète mais il lui fit signe de main que tout allait bien. Ce qui ne la convainc qu’à moitié. Pourquoi penser à ça ? Son patron était quelqu’un de sinistre mais pas au point de penser dans pareil situation. Et puis pourquoi ils se retrouveraient encercler d’abord ?

  • Ne dites pas n’importe quoi patron. Soupira Kiso. Si quelqu’un s’en prend à vous il aura à faire à moi.

La boxeuse fit craquer ses phalanges pour accompagner son propos, un sourire d’assurance apparut sur son visage. Son patron hocha les épaules, incertain, mais cela ne découragea pas Kiso, il était du genre pessimiste de nature après tout.

Finalement, elle sentit que le véhicule ralentit et s’arrêta peu après. Le chauffeur sortit et ouvrit la portière du lépreux. La garde du corps suivit le mouvement et sortit, dehors elle ressentit alors une étrange pression dans son estomac.

C’était surement la faim. En effet Cela aurait été mentir que de dire que la Punk a réussi à manger quoi que ce soit de la journée, ni même boire ou s’entraîner. Et pourtant elle ne s’était jamais sentit autant en forme de toute sa vie qu’à ce moment. C’était étrange mais au fond d’elle elle savait que Pauline était ici. Et cette fois-ci elle se monterai à la hauteur.

La mairie était devant eux. De larges colonnes de marbres maintenaient la façade du bâtiment, mettant en valeur la largeur du palais. Des lueurs dorées sortaient des fenêtres, les faisceaux éclairaient intensément les alentours, révélant au passage la foule qui entourait le lieu.

C’était marquant : il y avait tellement de mondes : Kiso ne s’en était pas rendue compte tout à l’heure en étant dans la limousine, mais tout autour d’eux se dressaient des barrières métalliques et des cybergardes. Ils étaient les seuls obstacles entre eux et la foule qui les mitraillait de photos. Eux, et les autres V.I.P.

Un tapis rouge menait à l’entrée du palais. En marchant, la Punk reconnue que c’était franchement impressionnant : ça n’avait rien à voir avec les gradins des arènes de combat ! Le lieu, tout ces gens bien habillés, même les flashs des photos…. Tout ça était malgré tout intimidant, même pour une ancienne soldate. Un peu perdue, elle suivit son patron sur ses talons, le regard vif se déplaçant de pars en pars des autres arrivants.

  • Gregory ! Quelle surprise vieille canaille.

Kiso écarquilla les yeux et fixa la voix venant d’en face. Personne d’ordinaire n’appelait le boss par son prénom. Même pas elle. Elle dévisagea le téméraire, jaugeant immédiatement comment le mettre au sol. Il s’agissait d’un homme d’âge mûr, rasé de près et blond avec une calvitie avancée. Sa mâchoire était légèrement avancée mais il avait des lèvres fines qui ne collaient pas à son portait. Pourtant, ce que releva le plus la Punk fut ses petits yeux et son nez crochue qui lui était… familier. Lorsque leur regard se croisèrent, elle remarqua aussitôt toute la colère dans ses yeux. Ce n’était pas la première fois qu’une personne la regardait ainsi, mais cette fois-ci, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle lui avait fait.

  • Jean. Moi qui pensait pouvoir t’éviter. Répondit le lépreux d’un ton neutre.

Le petit rictus au coin des lèvres délicates de Jean trahit son agacement. Au plus grand plaisir de la boxeuse, contente de voir que son patron avait toujours autant de répondant.

  • Je vois que ton mal ne t’as pas encore fait avaler ta propre langue. Riposta l’Homme d’une voix sèche.

Était-ce une menace ? Ces mots suffirent à Kiso pour s’avancer, poings serrés avec comme objectif d’obtenir le respect. Néanmoins Grégory lui fit barrage de son bras et elle s’arrêta malgré tout. Soupirant de frustration.

  • Tu es donc tombé si bas Gregory ? Prendre une vulgaire brute épaisse comme cavalière ? Je te pensais stupide mais pas au point d’en oublier les traditions.

« Une cavalière, mais de quoi ils parlent ? » Pensa-t-elle aussitôt.

- Non elle est mon substitue, Tu te doutes bien que ma condition me donne le pas lourd et ma femme n’aime pas qu’on lui marche sur les pieds lorsqu’elle danse. La tienne ne doit pas avoir ce souci toutefois, est-ce ta nouvelle maitresse ?

Jean grimaça, la pique de Grégory sembla faire effet. Effectivement, une dame bien plus jeune était au côté de l’Homme. Son regard fuyant, son aire timide et sa posture en disait déjà long sur sa position ici. La cogneuse n’y prêta pas vraiment attention, trop concentrée sur la mention de substitue.

  • Si vous avez fini de cracher votre poison, je pense que nous allons y aller. Au plaisir de ne pas vous revoir. Lança Jean, le regard furibond.

Il lança un regard parfaitement condescendant en leurs direction, avant de tourner les talons et d’entrée dans le palais avec la démarche fière d’un coq.

  • Le baron rouge est donc là… Murmura Gregory sous son masque.
  • Le baron rouge ? Mais c’est pas à son fils à qui j’ai cassé le nez ?

Le lépreux opina silencieusement tout en se dirigeant également vers l’entrée. Elle comprit pourquoi Jean l’avait dévisagé tout le long de la conversation. Mais bon, en y repensant c’était cette nuit là qu’elle avait rencontrée Pauline pour la première fois. Elle avait bien fait d’intervenir, et elle le referait sans hésiter. Kiso profita du peu de même qui leur prêtait attention pour demander à son patron en chuchota rapidement.

  • Je suis ton substitue ? Mais c’est un bal boss…
  • Oui je sais. Se contenta de répondre le mafieux.

La punk fronça les sourcils en voyant la roublardise de son patron et dans quel pétrin il venait de la mettre.

  • Mais comment ça ? Tu veux quand même pas quand je danse à ta place ? Je suis ton garde du corps moi ! Et puis Je sais pas danser. Lâcha-t-elle hâtivement.
  • Oh, je vois. Eh bien Il y a une première fois à tout je suppose.
  • Patron…

Kiso aurait voulu argumenter mais ils venaient de pénétrer dans l’établissement et la population devint bien plus dense et porta son attention ailleurs.

Le hall était pour le moins impressionnant : nombre d’invités s’y trouvés, un verre conique en main. Une véritable armée de serveur se déplacés habilement entre eux, et le personnel ne s’arrêtait pas là. Au centre de la pièce un pianiste et deux violonistes jouait tranquillement un thème aux notes aigües. La salle était joliment meublée, des décorations recouvraient les murs et escaliers et les nombreuses lampes inondaient la salle d’une lumière dorée.

Une centaine d’invités se trouvaient dans ce Lieu. Vêtues de vêtements chics et extravaguant de soie rare et aux extrémités faites d’une dentelle raffinée. Instinctivement, Kiso se plaça derrière Gregory, le lieu était très beau, certes, mais elle ne s’y sentait pas du tout à sa place. Ça empestait le parfum et tout était trop brillant ! Elle en venait même à regretter l’odeur de charbon et les sons des jets de vapeurs de la basse-ville. Et si c’était seulement cela… autres choses crispa la cogneuse : Aux côtés des murs, des fenêtres et des portes, des cybergardes partout.

Alors que Gregory et Kiso venaient à peine d’arriver, l’un des automates vint à leur rencontre. La punk sentit aussitôt une tension naître dans son ventre. Même si ce foutu robot était « habillé » d’un costume de majordome, elle savait de quoi cette boîte de conserve était capable.

  • Bonjour, je m’appelle Sony, Pouvez-vous me donner votre nom pour savoir si vous figurez sur notre liste V.I.P ? Enclencha la voix synthétique
  • Bien sûr, je suis Gregory Macleod et elle, il s’agit de ma représentante. Répondit calmement le mafieux.

La machine feuilleta machinalement son calepin, exaspérant un peu plus Kiso. En effet ce n’était qu’une vulgaire blague à ses yeux : s’ils étaient autorisés alors ça figuré sur la base de données de ce « Sony » et de tout les cybergardes. Un voyant verre illumina le « visage » de l’appareil.

  • C’est bon monsieur, Profiter de votre visite au palais. Salua le garde avant de retourner à sa place.
  • Eh bien, s’ils étaient tous aussi courtois… murmura Gregory.
  • C’est sûr que c’est pas ceux qu’on nous envoie. Reprit Kiso en dévisageant les automates autour d’eux. D’ailleurs, qui est l’hôte ?
  • Officiellement ? Le maire. Il y a une fête depuis treize ans les deux juillets pour célébrer la victoire du pacifique.

En entendante ça, Kiso parvint à garder un visage parfaitement stoïque malgré un goût amère au travers de la gorge. Cela faisait treize ans déjà ? Pourtant la soldate se souvint encore du journal annonçant la fin du conflit. La coalition avait été mené par la ville libre de Gyrion, il était donc normal qu’elle organise des fêtes pour cause de fierté nationale victorieuse. Même en basse-ville des spectacles de rues et des pubs portait se même sentiment. Néanmoins en plus d’une décennie la Punk ne s’était jamais rendue à l’un de ces évènements.

  • Et officiellement ?
  • Hugues Kaplair… Souffla Gregory, désignant du menton les escaliers du centre de la pièce.

Elle se tourna vers la direction indiquée. En haut des marches de marbres descendait tranquillement un Homme, une femme à son bras. Vêtue d’un costume blanc impeccable fait sur-mesure. Un sourire suffisant et des cheveux noirs soyeux. La femme à ses côtés était tout aussi bien habillée : une belle robe noire aux nuances violettes sur la dentelle. Elle avait des cheveux synthétiques écarlate qui s’accordait parfaitement avec les quelques bijoux que l’Homme portait. Le tout donnait l’image d’un couple parfaitement complémentaire.

Les invités également se tournèrent vers eux. Qu’ils s’agissent des bourgeois de Gyrion, des Hommes d’affaires de LigminTown ou des mafieux de bas quartiers tous saluèrent le couple. Les bruit de leurs nombreuses discussions furent remplacées par des murmures et messes-basses. Arrivaient à Hauteur de la moitié de l’escalier, le couple s’arrêta. La femme adressa un sourire radieux à la cour. Semblable à celui d’une Divas sur le couverture d’un magazine. L’Homme quant à lui lâcha un rire ni trop grave, ni trop aigu.

  • Mes amis, allons allons… ménagés l’étiquette avec moi. Je suis trop jeune pour ça. Mais si vous tenez tant aux cérémonies vous pouvez en faire une au maire. Annonça-t-il, lançant au passage un clin d’œil en direction de la foule, et plus précisément au maire lui-même.

Les invités se mirent tous à rire légèrement. Le nain qu’était le de maire de Gyrion en fit de même, quand bien même ses joues s’en trouvaient rougies de gêne. Gregory et Kiso, eux, restèrent de marbre.

  • J’ai manqué un truc ? Demanda la garde du corps à mi-voix.
  • Débranche ton cerveau et tu trouveras peut-être ça drôle. Souffla l’homme masqué d’une voix cynique.

La punk pouffa légèrement cette fois-ci. En effet il s’agissait d’une blague personnelle, lorsque Gregory lui demandait de débrancher le cerveau de quelqu’un c’était pour le mettre K.O. Et sur le coup, elle aurait préféré être dans les vapes que d’assister à ces coutumes de nobliau : l’homme serrait des mains à tour de bras. Son sourire charmeur semblait satisfaire tous ses courtisans et courtisanes. Car oui, à ce stade l’étrange personnage rappelait à Kiso les histoires de prince et de princesse que son père lui contait autrefois. Et intérieurement, elle se demanda s’il était aussi fort et habile que ce que les contes du paternel racontaient.

La soirée se poursuivit tranquillement. Gregory salua quelques personnes, des discussions stériles sur la guerre ou des commodités entouraient la Punk qui tentait de faire abstraction de tout ceci. Si son père pouvait entendre qu’un dixième de ce que ses anciens ennemis racontaient aujourd’hui alors il se retournerai dans sa propre tombe. Et même elle, elle aurait préféré être six pieds sous terre plutôt que d’entendre une énième affirmation d’un caporal ayant « vaillamment repoussé une horde mécanoïde des japonais ».

Pourtant, la frustration de Kiso s’éteignit brutalement à la vue de quelques choses de bien plus intéressant. Ou plutôt de quelqu’un.

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