Ma vie…

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J'étais à nouveau assise, là, dans cette même salle de classe que j'haïssais du plus profond de mon être, à ce bureau qui ne m'eut apporté que stresse, larmes, angoisse, et désespoir. Pourquoi étais-je encore ici ? La professeure m'interrogea alors, voyant que j'étais perdue dans mes pensées, ne faisant plus attention à son cours. Sa voix mesquine résonna dans la salle :

- Lia, viens résoudre l'équation au tableau. Si tu ne suis pas, c'est que tu dois maîtriser parfaitement le sujet.

Je me levai donc. Mes camarades de classe, toujours aussi aimables riaient en silence pour la plupart, ou alors me lançaient des sourires narquois, plus qu'heureux de pouvoir me voir me ridiculiser en public. Cela ne m'étonnait guère. Après tout, n'était-ce pas le propre de l'homme que de se moquer du malheur de ses congénères ? Je n'en savais rien. Je voulais croire que non, que nous valions mieux que ça, qu'un jour nous serions tous solidaires, unis, mais le spectacle devant moi était loin de confirmer mon idéal.

Une fois devant le tableau, je l'observai momentanément. Il s'agissait d'une équation de second degré. On avait commencé ce cours hier et je n'étais pas vraiment attentive. Heureusement je l'avais déjà étudié de mon côté. Je suivi donc la méthode pour calculer le discriminant puis, m'étant débarrasser du plus compliqué, finis le calcul sans encombres.

J'écrivis alors les différentes étapes de la résolution de l'équation au tableau, tout en expliquant oralement ma démarche. J'eus fini au bout de cinq minutes. La professeure s'approcha, tout d'abord sûre d'elle, croyant que j'allais me tromper, puis arbora un air mécontent en voyant que le résultat était le bon, et prit la parole :

- C'est bon, tu peux retourner à ta place. Sois plus attentive la prochaine fois ou je ne serais pas aussi gentille.

Mes camarades adorés maugréaient aussi dans leur coin. J'entendis alors un murmure :

- Toute façon elle est née comme ça, y a pas de quoi être fière.

Cette remarque me fit sortir de mes gonds bien que je ne le montrai pas. Il ne savait pas ce que je vivais. Tout ce qu'il voyait, tout ce qu'ils pouvaient voir, c'était Lia, la petite intello à lunettes, brune au yeux marrons, première de la classe. Ils ne me connaissaient pas, seulement ma façade, ma persona, et pas la personne brisée aussi bien par la pression scolaire que par les mauvais traitements, juste en dessous. Ces personnes là ne voyaient que ce qui les arrangeaient, bien trop lâches pour ne serait-ce qu'accepter la face cachée de ce monde. Il en serait toujours ainsi. Il était bien plus facile d'ignorer le malheur des autres que d'essayer d'y faire face.

Je soupirai, désespérée d'être coincé ici, et m'assis à ma place. Le cours continua normalement pour moi, quelqu'un ayant l'amabilité de m'écrire des petits mots sur des morceaux de papier, les roulant en boules pour me les lancer. Ceux ci faisaient preuve d'une gentillesse infinie pour m'insulter de divers manières. C'est ce que je découvris en y jetant un œil.

Ayant fait l'erreur de les lire, je dû retenir un sanglot. Après tout, je n'étais pas insensible, une accumulation de haine pouvait briser même la plus courageuse des personnes, c'était ce qu'il était en train de m'arriver. Je respirai lentement pour me calmer puis, je me retournai vers le coupable et lui affichai mon plus beau sourire. Je devais être forte, la chasseuse et non la chassée, la prédatrice au lieu de la proie. Au fond, c'était comme un jeux. Si je montrais un quelconque signe de faiblesse, je perdais, le but étant d'empêcher mon masque de se fissurer jusqu'à la fin, ma fin, la fin de tout.

La sonnerie, salvatrice, retentit quelques minutes plus tard. Toutefois je restai à ma place et attendis que tout le monde sorte. Les élèves se bousculèrent presque, impatients d'être enfin libérés de ce calvaire qu'était un cours de mathématiques pour eux. Je me surpris à envier cette insouciance, cette banalité, voulant les rejoindre. Pourtant je le savais, si je m'en allais en même temps que les autres, ils me charrieraient inévitablement.

Ethan, le garçon le plus populaire de la classe m'avait même poussé dans les escaliers une fois, car il m'avait accusé d'avoir volé ses affaires. Étonnement, mes camarades pensaient directement à moi quand un malheur arrivait. Résultat des courses, ma tête manqua de peu d'heurter violemment le sol, si ce ne n'était pas pour la rambarde qui me permit de me rattraper de justesse, évitant le pire.

Je sortis finalement de la salle de classe et continuai ma journée de cours, évitant d'aller aux toilettes des filles. La seule fois où je m'y étais rendue, mes camarades m'avaient volé mon téléphone. Ainsi, ma mère m'avait brutalement sermonnée. Je n'avais jamais compris pourquoi ces filles avaient fais ça, pourquoi tout le monde me détestait. Qu'est-ce que je leur avais fais ? Certes j'étais parfois froide, évitant de me mêler aux autres, mais je n'y pouvais rien, c'était dans ma nature. Qui n'aurait pas peur du rejet à force de le subir constamment ?

Mon seul ami, Mathéo, était dans une autre classe. Il était arrivé au lycée récemment. Nos caractères se ressemblaient beaucoup, timides, introvertis, généreux mais le cœur et l'âme éprouvés par le cours du temps. J'avais trouvé une sorte de réconfort dans sa présence. Même si c'était égoïste et que je me dégoûtais de penser cela, savoir que je n'étais pas la seule à souffrir me réconfortait. J'aurais aimé penser que je valais mieux que ça après tout ce que j'avais subi, mais non.

J'allai le rejoindre dans la cour, sur un banc à l'écart, comme à notre habitude. En effet, à chaque récréation, on se racontait nos problèmes, nos soucis, tous ces petits accidents de la vie qui provoquaient peu à peu la chute de notre santé mentale. Lui parler me permettait d'apaiser ne serait-ce qu'un peu mon esprit. Pourtant, j'en voulais plus, telle l'égoïste que j'étais je ne savais me contenter du peu que j'avais. Je voulais que ma mère m'aime pour ce que j'étais, elle aussi, j'avais besoin d'amis pour me soutenir, que les gens arrêtent de me regarder comme une abomination. Je voulais que mon père revienne, qu'il me sert à nouveau dans ses bras, me murmurant que tout irait bien.

Une fois la journée de cour finie, je rentrai à la maison, disant au revoir à Mathéo. Une fois arrivée chez moi dix minutes plus tard, j'allai dans ma chambre pour réviser. Si je n'avais pas au moins dix-huit de moyenne, ma mère ne me laisserait pas tranquille. Je ne le savais que trop bien. Cela me causait une pression scolaire sans limites. J'étais obligée de me bourrer le crâne de connaissances sans même savoir si elles me serviraient. Mon besoin d'avoir de bonnes notes en devenait maladif car, au fond, j'espérais que ma mère pourrait un jour m'aimer pour ce que j'étais si je satisfaisais ses attentes.

Elle se projetait en moi, croyait pouvoir réussir là où elle avait échoué par mon intermédiaire. Ainsi, elle m'avait fait intégrer un lycée privé rempli de gosses de riches, censé former l'élite, l'avenir du pays. Elle voulait que j'obtienne un jour un poste haut placé dans une grande entreprise où elle s'était fait recaler.

Pourtant moi, je voulais être écrivaine. Un stylo à la main, je me sentais invincible. Quand je laissais parler ma plume, tous mes soucis s'en allaient, noyés sous une ancre noire, et des mots crus, parfois poétiques. L'écriture me transportait loin de tout, dans un autre monde, quelque part où je n'étais plus Lia la paria, mais juste une jeune fille comme les autres, rêvant d'amour, d'amitié, et souhaitant plus que tout s'épanouir dans ce monde à la beauté cruelle. Ma plume me transportait dans l'univers des possibles, et surtout du bonheur. Les sens, les sensations, tout y était grâce à une seule et grande magie de l'écrivain, l'imagination.

J'en avais marre, marre de ne pas être moi, d'exister sans vraiment être, de rester en vie alors que j'étais morte. Ma personnalité s'était éteinte, je n'étais plus qu'une marionnette contrôlée habilement. Si je ne pouvais pas être moi même, exister pour ma propre personne, alors ma vie ne m'appartenait plus. Si je n'étais plus maître de mon destin, pourquoi étais-je donc encore là, en vie ?

Je faisais actuellement mon exercice de mathématiques, mais mes pensées, elles, étaient bien ailleurs. À quoi bon rester ici si je ne m'y sens pas bien ? À quoi bon travailler d'arrache-pied pour satisfaire ses désirs ? Pourquoi devrais-je exister, si ma vie lui appartient ? Au fond, quel intérêt de rester dans ce monde ?

Dans un état second, je me levai alors doucement de ma chaise de bureau, m'approchai de ma fenêtre et l'ouvris en grand. J'habitais au dernier étage d'un immeuble qui en comptait trois. Si je sautais, mourrais-je ?

Une fois l'action effectuée, l'air frais du début de soirée me caressa le visage un peu trop brusquement, tentant presque de m'éloigner, de me faire reculer, mais à cet instant, je ne répondais plus de rien, comme si toute mes émotions négatives avaient pris le contrôle de mon corps, bien décidées à mettre fin à mon calvaire.

Avant que je ne puisse le réaliser, j'avais déjà sauté. Au bout de quelques secondes, mon corps s'écrasa lourdement sur le sol goudronné, mon sang se répandant à une vitesse ahurissante. Je voyais flou, ma conscience s'estompant peu à peu, les bruit environnant se faisant lointains. J'entendis vaguement les halètements d'horreur des passants, et une voix familière crier d'effroi.

Finalement, je tombai dans de profonds ténèbres, semblant refléter la noirceur de mes pensées ainsi que mon âme.

Quand j'ouvris à nouveau les yeux, je me trouvais dans ma chambre. Un petit mot écrit à la main était posé sur ma table de chevet, à côté de mon lit sur lequel j'étais allongé. Était-ce un rêve ?

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