Chapitre 2 - La traversée (8)

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Jeudi 15 juillet 1965, à bord du France

Koen se leva de bonne heure, il était nu, le sexe bandé, il ouvrit les rideaux et contempla l’océan. Le temps était magnifique, pas un seul nuage, l’eau brillait. Il déclama :

—  La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres. 


Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres

D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !

— Tu es lyrique ce matin, dit Frédéric en se frottant les yeux, je ne te reconnais plus.

— C’est parce que je suis en vacances. Un souvenir du cours de français, Brise marine, de Stéphane Mallarmé.

Frédéric se leva aussi. Il n’avait pas d’érection matinale, Koen s’en inquiéta :

— Tu n’es pas malade ?

— Non je vais bien, tu sais que je me contente d’une seule éjaculation journalière.

— C’est mieux de désengorger la prostate avant de débuter la journée.

Frédéric se plaça à côté de son ami, prit le pénis de celui-ci dans sa main et lui demanda :

— Tu crois vraiment que la chair est triste ?

— Pas du tout, la chair est gaie, dans tous les sens du terme.

— Et tu as lu tous les livres ?

— Non, il m’en reste quelques milliers à lire.

— Tout va bien, alors.

Frédéric débuta de doux mouvements de va-et-vient sur le membre érigé.

— Tu devrais lire le Journal de Novalis, il parlait de ses érections matinales et de ses masturbations.

— C’est qui ce Novalis ?

— Un noble allemand, né vers la fin du dix-huitième siècle. C’est le poète Gustave Roud que je suis allé trouver qui me l’a signalé et qui a traduit ce texte.

— Et comment en parlait-il ? Je bandais et je me branlais ?

— C’était un poète, fit Frédéric en riant, pas un écrivaillon de livres de gare. Il disait : la sensualité demeura en éveil ou je m’abandonnai entièrement aux rêveries voluptueuses.

— Il était gay ?

— Non, hélas, sa fiancée était morte, et lui aussi est mort jeune, à 29 ans. J’ai pris le bouquin avec moi, tu pourras le lire.

Les caresses de Frédéric devinrent plus intenses, il s’agenouilla et mit le gland, puis la hampe dans sa bouche, tout en caressant les couilles de son ami qui jouissait toujours assez rapidement le matin, alors qu’il était plus endurant le soir. Frédéric avala le sperme, c’était bon pour le teint.

Ils allèrent à la salle de bain pour se doucher. Koen, qui était très consciencieux, vérifia que Frédéric pissait correctement et ensuite bandait pendant qu’il lui lavait le sillon fessier.

— Ça me rassure, dit le Néerlandais, ta sensualité demeure en éveil.

— Comment pourrait-il en être autrement, avec mon médecin privé qui la réveille tous les jours ? Heureusement que tu ne me demandes pas d’honoraires.

Après le petit déjeuner, Amaury vint les informer qu’il ne serait pas à la salle de sport car leurs nouveaux amis Pierre et Gilles préféraient la piscine.

— Je suis déçu, fit Koen, j’aurais aimé voir leurs bites. Elles sont belles ?

— Je ne sais pas, répondit le Parisien, contrairement à ce que tu penses, nous n’avons pas encore baisé hier, juste une promenade sur le pont au clair de la lune.

— Vous êtes romantiques. Et si nous allions aussi à la piscine ?

— As-tu pris un slip de bain ? demanda Frédéric.

— Non, je pensais qu’on se baignerait à poil.

— À New York, peut-être. Tu pourrais en acheter un à la boutique.

— Je n’ai pas assez d’argent. Pourrais-tu me le payer avec mes honoraires ?

— Quels honoraires ? fit Dominique.

— Je vérifie tous les matins qu’il bande correctement sous la douche et que sa prostate n’a pas grossi.

— Va pour les honoraires, fit Frédéric en soupirant.

Amaury ajouta, l’air gêné :

— Si vous discutez avec eux, inutile de dire ce que nous avons fait il y a deux jours ensemble.

Ils se rendirent à la boutique, la vendeuse présenta différents modèles à Koen qui choisit un slip de bain avec une ancre sur le devant.

— Excellent choix, fit-elle, on pourrait même y voir un symbole phallique, sauf votre respect. Voulez-vous l’essayer avant de l’acheter ?

— On peut ?

— Il y a une cabine, mais vous devez laisser votre slip dessous.

— Pourquoi ? Je me suis lavé ce matin,Frédéric en est témoin.

Frédéric ne répondit pas, il ne savait jamais si son ami était si peu au courant des bonnes manières ou s’il le faisait exprès. La vendeuse l’accompagna, elle demanda si elle pourrait voir une fois que Koen serait changé. Celui-ci ressortit ensuite de la cabine et dit :

— Il est un peu serré, mais cela met mieux en valeur mes attributs.

— On appelle ça un moule-bite, dit Frédéric, pour enrichir ton vocabulaire.

— C’est vous qui l’avez dit, dit-elle en riant, je n’aurais pas osé.

Au bord de la piscine, ils firent connaissance avec Pierre et Gilles qui sortirent du bassin pour les saluer, ils avaient aussi mis des moule-bites. Ils se ressemblaient, les deux étaient noirauds, les cheveux coupés courts. Pierre était plus musclé, il avait le torse et le ventre plus larges, alors que Gilles était fluet. Koen apprécia les contours de leurs organes sous les maillots de bain mouillés, très prometteurs ; ils n’étaient pas circoncis, la queue de Pierre semblait plus longue, en tout cas au repos, Amaury avait eu la main heureuse.

— Tu es bien curieux, dit Gilles à Koen, nos queues t'intéressent ?

— Amaury nous a dit qu’il est aussi gay, fit Pierre, comme moi.

— Je sais, je plaisantais. Tu veux les voir ?

— Je n’aurais pas osé te le demander, dit Koen.

Gilles s’assura que personne ne les regardait, il baissa rapidement son slip. Pierre l’imita ensuite, son pubis était plus garni. Koen les remercia puis alla se baigner avec eux, tandis que Frédéric restait couché sur une chaise longue pour lire un livre, en compagnie de Dominique et Daniel.

Au milieu de l’après-midi, Frédéric demanda à Koen :

— Tu viens au concert avec nous à 17 heures ?

— Je suis fatigué, je pourrais m’endormir.

— Je te réveillerai si tu ronfles.

— Non, je ne ronfle jamais, je préfère réviser mon français et lire ton livre de Novalis.

Le concert était en fait donné par deux passagers du navire : le compositeur Benjamin Britten, âgé de 52 ans, au piano, et le ténor Peter Pears, âgé de 55 ans, qui chanta des airs traditionnels anglais. Nos amis étaient assis au premier rang. À la fin, Daniel demanda une dédicace de son programme de salle. Les artistes acceptèrent avec plaisir, puis discutèrent quelques instants avec lui.

C’était la dernière soirée à bord du navire, le capitaine offrait un dîner de gala. Pendant le repas, Koen s’impatientait :

— C’est long, il y a encore beaucoup de plats ?

— Encore le fromage, le dessert, dit Frédéric. Nous pourrons prendre le café, le digestif et les friandises au salon. Pourquoi es-tu si pressé ?

— J’ai un rencard avec Amaury et Pierre, je les ai invités pour baiser en paix dans notre cabine, il laisse la leur à Aurianne et Gilles.

— Sans me demander la permission ?

— Je sais que tu aurais été d’accord. Ce sont deux frères et, en seconde classe, ils sont avec leurs parents dans la même cabine. Tu pourras aussi voir la queue de Pierre, Amaury m’a dit qu’elle est grosse lorsqu’il bande.

— Comment le sait-il ? s’étonna Frédéric. Il n’a pas encore baisé avec lui.

— Exact, il a senti la bosse alors qu’ils s’embrassaient sur le pont hier soir.

— J’ai aussi un rancart, avec les deux musiciens du concert de cet après-midi.

— Sans me demander la permission ?

— Je sais que tu aurais été d’accord. Daniel m’accompagnera.

— Pour baiser avec eux ?

— Pour discuter de leurs œuvres, voyons, nous n’avons rien convenu d’autre.

— Tu es un obsédé, dit Dominique à Koen. Bon, puisque les cousins nous abandonnent, la porte de ma cabine te sera grande ouverte ce soir, et pas seulement celle de la cabine. Je ne m’intéresse pas trop à ce genre de musique.

Pour nous abandonner entièrement aux rêveries voluptueuses ?

— Tu progresses vraiment en français.

La chair est triste, hélas ! ajouta Frédéric.

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