Chapitre 1 - Le départ (3)

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Dimanche 11 juillet 1965, gare de Paris Saint-Lazare

Pour bien commencer la journée, Koen proposa une petite branlette avant de se lever, afin de ne pas débander inutilement.

Ils prirent des taxis pour rejoindre la gare Saint-Lazare. Un train spécial était prévu pour les voyageurs du paquebot France à destination de la gare du Havre-Maritime. Une hôtesse contrôla leurs billets à l’entrée du quai, un employé mit leurs bagages sur un chariot. Ils étaient à l’avance, ils observèrent discrètement les autres voyageurs pour passer le temps. Koen dit :

— Vous avez vu ce couple avec leurs deux enfants, une fille et un garçon ?

— Oui, répondit Frédéric, enfin, je suppose que tu as surtout regardé le garçon…

— Très beau jeune homme, en effet, qui a l’air de s’emmerder en compagnie de ses parents tirés à quatre épingles.

— Tu connais le mot « s’emmerder » ?

— J’ai fait beaucoup de progrès. Il doit avoir l’âge nécessaire et suffisant pour qu’on puisse l’inviter dans notre cabine sur le bateau.

— Des petits-bourgeois, je pense, fit Dominique. Et qui te dit qu’il est gay ?

— Je me trompe rarement.

La rame à grand parcours X 2772 entra en gare, elle était encore aux couleurs des TEE : livrée rouge carmin et crème. Elle n’avait que deux voitures. La famille monta dans celle de tête, les amis dans celle de queue et ils la perdirent de vue. Le trajet dura près de quatre heures, un repas fut servi à la place pour passer le temps.

Dimanche 11 juillet 1965, port du Havre

Arrivés au port du Havre, ils descendirent du train et marchèrent une centaine de mètres. Ils ne pouvaient pas voir le paquebot en entier car il était en partie caché par le bâtiment où se déroulaient les formalités d’embarquement et les contrôles de douane. Celles-ci furent rapidement terminées, ils bénéficiaient d’un couloir prioritaire comme ils avaient des cabines de première classe.

Ils embarquèrent par une passerelle couverte. Frédéric fut frappé pas la décoration moderne de l’intérieur, assez hétéroclite et pas très originale, ce n’était pas le luxe du Titanic. Un membre de l’équipage les conduisit dans leurs cabines, l’une à côté de l’autre. Elles n’étaient pas aussi spacieuses qu’une suite d’hôtel, mais avaient deux balcons. Une porte communicante permettait de passer de l’une à l’autre sans sortir dans le couloir.

— Elle est ouverte, expliqua l’employé, car vous avez réservé ensemble, mais vous pouvez la verrouiller.

— Ce ne sera pas nécessaire, fit Koen, cela favorisera les échanges.

Une bouteille de champagne était au frais dans un seau rempli de glaçons. Un serveur vint la déboucher et remplir les flûtes. Les amis trinquèrent :

— À notre voyage ! dit Frédéric.

— Merci de nous avoir invités, dit Dom.

— Tu remercieras mon père.

— Je commence à m’habituer au luxe, dit Koen.

— Profite bien, après ce sera terminé. Que des motels crades et remplis de vermine.

— Tu exagères…

L’attente fut longue avant le départ, il y avait un exercice de sauvetage. Koen maugréa :

— Ce n’est pas le Titanic, il n’y a pas de naufrage prévu au programme. Et les passagers de la première classe ont la priorité.

— Plutôt les femmes et les enfants, dit Dom.

— Tu me prêtes une de tes robes, au cas où.

— Tu es une femme, maintenant ?

— Non, mais si je mourais, le monde perdrait un génie. Pense au bien que je ferai pour l’humanité dans ma vie. Cela vaut bien un passe-droit.

La sirène interrompit leur discussion, ils passèrent leurs gilets de sauvetage et se rendirent à l’endroit où se trouvait leur embarcation de secours.

— Et si le naufrage est pendant la nuit, demanda Koen, on se sauve à poil ?

— Oui, répondit Frédéric, comme cela tu pourras voir la bite de tous les passagers.

— Je préférerais la voir dans d’autres circonstances.

Le paquebot quitta enfin le port, ils sortirent sur le balcon pour assister au départ. L’aventure commençait, ils pourraient rentrer chez eux dans quelques semaines, ce n’était pas comme les émigrants qui les avaient précédés et qui étaient restés pour toujours au Nouveau Monde.

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