... A l'amour

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Première année de médecine, je n’ai plus le temps de m’occuper de vous. C’est vrai quoi, quarante minutes par jour, c’est beaucoup trop ! Alors retour à la technique CM1, baguette chimique (sur les Champs Elysées, cette fois, histoire de vous offrir de la chimie de qualité) et pouf ! me revoilà ravissante et ravie. A la fin de l’année, j’ai mon concours mais vous vous faites la malle. Je ne vois pourtant pas en quoi les bains de soude vous déplaisent …

Deuxième année, à force de chercher, je tombe sur une passionnée. Elle désespère de votre état et me dit qu’on peut faire du bon travail, vous, elle et moi. J’accepte et lui délègue pendant quelques temps vos soins. Je vous cache toujours sous des faux, c’est plus pratique et il paraît que ça vous permet de récupérer. Les faux sont chouettes, tous différents : des noirs, des châtains, parfois même un peu auburn ; des longs, des courts, des lisses et des frisés ! Il y en a pour tout les goûts, je change de tête au gré de mes envies (bon, dans la limite très limitante du porte-monnaie) et le Prince a l’impression d’avoir une nouvelle copine quatre fois par an ! Rien que parce que vous me permettez ces changements, je me mets à vous apprécier ! Je me sens belle et sexy (mais faut avouer que ça gratte horriblement et que c’est drôlement galère pour vous laver, en dessous …).

Avec Mme Passionnée, qui m’a fait promettre d’arrêter de vous torturer, vous reprenez du poil de la bête. Je grandis, vous aussi. Je sais que vous pouvez être beaux, j’ai cherché sur Internet. Des beautés noires avec un nuage de coton autour du visage, il y en a. Alors pourquoi pas moi ?

Peu à peu, je change de perspective, je décide d’apprendre à vous connaître, d’apprendre à vous aimer. Quand je vous sors, j’ai de plus en plus de remarques positives. Un peu de maquillage et une jolie tenue et je sens les regards impressionnés qui se posent sur moi, sur vous. Parfois même, on se retourne sur mon passage. Serait-ce de la fierté, ce sentiment nouveau ?

Je vous pratique, mes mains deviennent agiles. Je vous tartine de produits au pétrole, mais qui vous rendent un peu plus dociles (au moins pour un temps). Vous et moi, ce n’est pas encore ça mais maintenant je sais suffisamment vous gérer pour pouvoir poser la tête sur l’épaule du Prince, sans que vous adoptiez sa forme. Et lui, vous réclame ! Il paraît qu’il vous aime plus que les faux, maintenant ; que vous êtes soyeux et d’une douceur sans égale … Il vous adore et dans ses yeux, je vous aime un peu plus.

21 bougies, autant d’années de cohabitation. Je passe ma main sur vous alors que je vous écris et les larmes me montent aux yeux. Vous les avez faites couler tant de fois ! Mais aujourd’hui elles ont un autre goût. Celui de la colère et de l’hostilité est passé. Maintenant je vous estime, peut-être pas encore à votre juste valeur mais ça viendra. Lorsque je sors avec vous, qui me faites bien gagner dix centimètres, j’ai désormais la tête haute. Vous me couronnez d’un halo majestueux dont je suis fière. Il paraît que je suis magnifique comme ça, avec ce bel afro. Différente, originale, unique. On vous touche toujours (et oui, que ce soit les copains de 3ème ou les collègues de cinquante ans à l’hôpital, certaines choses ne changent pas), on plaisante encore en me demandant si j’ai déjà essayé de vous utiliser pour faire entrer de la drogue en boite de nuit, mais j’ai appris à en rire. C’est vrai, j’ai déjà oublié des stylos sur ma tête, en vous utilisant comme porte-plume …

J’ai décidé d’enterrer la hache de guerre et de vous demander pardon pour le mépris et la haine dont je vous ai arrosés toutes ces années. Nous nous sommes faits assez de mal comme ça. Aujourd’hui, enfin, je crois que vous aime. Il est temps pour moi d’apprendre à prendre soin de vous, à vous chouchouter, à vous comprendre. Parce que vous le valez bien, mes cheveux crépus. Vous êtes beaux avec votre couleur ébène, à vous ériger vers les étoiles, sans vous soucier de respecter Newton. Vous me rendez belle, vous me rendez fière et vous m’avez rendue plus forte. Vous êtes les témoins de mon métissage, vous affirmez ma différence.

Et comme toujours, vous me rendrez ce que je vous donne ...

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