Rencontre avec la résistance

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 Après avoir mangé de minces côtes d’agneaux accompagnées de petits pois, les deux sœurs gagnèrent leurs chambres respectives sans même se dire bonne nuit. Comme tous les soirs, Aigneas ressassait son comportement à l’égard d’Alea. Elle était partagée entre l’indignation de la voir travailler pour les alliés des meurtriers de leurs parents et le regret de se montrer si froide alors qu’elles avaient partagé des moments d’intense complicité auparavant. À peine eut-elle mis sa chemise de nuit, qu’elle entendit une voiture s’arrêter dans la rue. Curieuse, elle tira légèrement le rideau de sa fenêtre et vit une berline noire garée devant la maison dont sortaient trois silhouettes armées de pistolets. Malgré l’obscurité, Aigneas voyait qu’elles étaient entièrement habillées en noir et portaient un brassard rouge avec un cercle bleu traversé par un éclair blanc, symbole du British Union of Fascists. Les ayant tout de suite reconnus, l’adolescente courut se cacher dans son lit, espérant ne pas avoir été vue par les Stewards qui formaient la police politique du Royaume-Uni fasciste. Leur présence inspirait systématiquement la terreur car ils pouvaient se montrer brutaux à l’égard de ceux qu’ils soupçonnaient être des ennemis du Parti. L’un d’eux, à la fine moustache et aux cheveux tirés en arrière, frappa violemment à la porte des Mac Brid.

 — Ici le capitaine James Cromwell, cria-t-il, au nom du Parti, ouvrez immédiatement !

 Les coups à la porte redoublant de violence, Aigneas était si terrifié qu’elle ramena la couette vers elle et se dissimula en-dessous. C'était sans compter sur Aléa qui débarqua dans la chambre, tenant un pistolet et une malette. Elle s'approcha de sa soeur et lui dit avec inquiétude :

 — C’est probablement pour moi qu’ils viennent ! Viens avec moi ! Nous ne sommes plus en sécurité ici !

 — Mais pourquoi les Stewards viennent-il chez nous ? Et où allons-nous ?

 — Nous allons au pub chez Fergus ! Lui seul saura nous aider maintenant !

 Sans rien expliquer, Alea poussa sa petite sœur à dévaler les escaliers. Une fois au rez-de-chaussée, elles furent surprises d’entendre des coups violemment frappés à la porte d’entrée. Elles se précipitèrent ensuite vers la cuisine et Alea ouvrit la fenêtre qui donnait sur une ruelle. Alors qu’Aigneas allait se glisser dehors, les deux sœurs entendirent la porte voler en éclat et des bruits de bottes accourir vers elles.

 — Prends cette mallette, dit Alea à sa petite sœur en la lui donnant, Ce qu’il y a dedans est très important et ne doit pas tomber entre les mains des fascistes ! Et quand tu verras Fergus, tu lui diras cette phrase !

 Elle souffla une phrase à l’oreille d’Aigneas et arma son pistolet. Comprenant son intention, l’adolescente retint sa sœur par le bras et lui dit :

 — Non ! S’il te plait, ne fais pas ça ! Tu n’as aucune chance contre eux ! Je ne veux pas te perdre !

 Pour toute réponse, Alea la poussa brusquement à travers la fenêtre et Aigneas atterrit dans la ruelle en tenant la mallette en main. De la cuisine, elle entendit des coups de feu retentir, ce qui la décida à se relever et à s’enfuir le plus vite qu’elle put.

 Aigneas courut à travers les petites ruelles d’Edimbourg plongées dans l’obscurité de la nuit. En chemin, elle dût régulièrement se cacher pour éviter d’être aperçue par des patrouilles de police, de l’armée ou encore des Stewards, eux seuls pouvant circuler durant le couvre-feu. Après une heure de parcours nocturne, Aigneas arriva épuisée dans ce qui était le centre historique et la vieille ville. Au croisement de High Street et South Bridge, elle aperçut le Lomond’s Pub et se précipita vers celui-ci pour découvrir qu’il était fermé, conformément au couvre-feu en place. Désespérée, Aigneas frappa violemment à la porte espérant que quelqu’un lui ouvrit. Personne ne se manifestait malgré de multiples coups et la jeune fugitive se mit à pleurer au pied de la porte. Elle fut interrompue dans ses pleurs par le bruit d’une voiture qui arrivait au loin. Elle reconnut la silhouette du véhicule conduit par le capitaine Cromwell et ses hommes. Tandis qu’elle ne voyait pas par où s’enfuir, la porte du pub s’entrouvrit, révélant le visage d’un jeune homme aux cheveux bruns. Celui-ci lui fit signe d’entrer rapidement, ce qu’elle fit au moment même où les phares de la voiture illuminaient la porte du pub fermé.

 — Aigneas, s’exclama le jeune homme après avoir fermé la porte à clé, Que fais-tu ici ? Pourquoi ta sœur ne t’a-t-elle pas accompagné ?

 — Fergus, répondit Aigneas en pleurs au fiancé de sa sœur, Guillaume est passé à Glencoe. Surpris de la réponse, Fergus regarda autour d’eux et emmena Aigneas dans l’arrière-boutique.

 — Comment connais-tu le mot de passe, demanda-t-il, Qu’est-il arrivé à Alea ?

 Au fur et à mesure que l'adolescente racontait ce qui s’était passé, Fergus paraissait de plus en plus affecté.

 — La situation est grave, réfléchit-il à haute voix, si ta sœur s’est sacrifiée pour te laisser partir et éviter que les codes contenus dans cette mallette ne tombent entre les mains des Stewards. — Quels codes ? Vas-tu me dire ce qui se passe ?

 — Vu ta situation, il est temps que tu apprennes enfin la vérité ! Ne pouvant accepter que les responsables de la mort de vos parents imposent leurs volontés à l’Ecosse, ta sœur fut l’une des premières à répondre à l’appel de la résistance. Et pour nous fournir en renseignements utiles, elle décida d’infiltrer le château d’Edimbourg comme auxiliaire féminin, afin de s’informer discrètement sur les dernières dispositions stratégiques et militaires. Elle retranscrivait ce qu’elle jugeait intéressant dans des messages codés qu’elle me faisait ensuite parvenir chaque fois qu’elle passait au pub. Je les transférais ensuite à des groupuscules armés dissimulés dans les Highlands ou aux armées britanniques libres menées par Winston Churchill et le roi George réfugiés au Canada. C’est dans cette mallette qu’elle a dissimulé les codes lui permettant de rédiger ses messages cryptés !

 — Mais pourquoi ne m’a-t-elle rien dit, demanda Aignaes, j’ai toujours cru qu’elle collaborait de son plein gré et moi, j’ai continué de la juger sans savoir !

 Elle éclata en sanglot et Fergus la prit dans ses bras.

 — Par mesure de sécurité, la résistance préfère que les familles ne sachent rien afin d’éviter toute délation et que les Stewards ne fassent pression sur eux ! Son silence n’avait donc pour objectif que de te mettre à l’abri du danger, toi et la résistance.

 — Mais que vais-je devenir maintenant? Je suis orpheline et les Stewards me recherchent ! Je n’ose même pas aller chez mes grand-parents dans les Highlands car je les mettrai en danger !

 — Même si ce ne sera pas chez tes grands-parents, les Highlands constituent tout de même l’endroit le plus sûr pour toi, notre camionnette de ravitaillement doit y aller demain, justement ! Notre chauffeur, Rob Wallace, te conduira vers une distillerie de whisky située à Carn na Caim dont le personnel nous est entièrement dévoué. De là, tu seras conduite vers un groupe de résistants cachés sous les montagnes avec les codes et les derniers messages qu’Alea m’avait fait parvenir.

 Après avoir remercié Fergus, Aigneas gagna la chambre improvisée qu’il avait pu lui mettre à disposition et se coucha. Avant de s’endormir, elle contempla la mallette contenant les codes à l’origine de la mort de sa sœur mais aussi son unique héritage et souvenir.

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