Service Client

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(Jamais deux sans trois)


C’était un matin comme tous autres. Stan s’interrogeait sur sa vie passée, présente et à venir devant un café bleu océan, une tartine de miel artificiel. Il conjuguait ses mathématiques sans y voir clair et dédaignait les assistants personnels, bien trop intrusifs : son jardin secret n’appartenait qu’à lui.

Après s’être résolu à écouter un oracle interactif anonyme aux prédictions fâcheuses, il lui vint l’idée d’appeler le Service Client de sa femme, car tous les problèmes qu’il rencontrait - et dieu sait qu’ils étaient nombreux - ne pouvaient venir que d’elle. Au temps de son célibat, il n’en avait aucun. C’était mythologique, depuis que le monde est monde, avec ou sans dieu. Adam et Ève, tout ça.

D’une voix atone, il scanda le numéro d’accès retrouvé dans sa librairie virtuelle Lifesecure. Très vite, un champ de chiffres apparut devant ses yeux. Après avoir tapé treize fois sur la touche virtuelle étoile en quête du service idoine, un chargé de clientèle lui répondit aussitôt… avec une voix si suave qu’elle aurait pu, dans un monde sans boîtes, attiser sa curiosité.

L’homme s’enquit du numéro de série de sa femme, que Stan donna sans broncher : il avait beau ne pas souvenir du jour de réception de sa partenaire, de la date de leur mariage, de son anniversaire… son numéro de série, il l’avait comme gravé en lui, dans sa mémoire, dans sa chair. N’était-elle pas, après tout, la femme parfaite pour lui - sur le papier ? Drôle d’expression dans un monde où le papier n’existe plus.

L’opérateur, très prévenant, lui demanda des faits pour étayer sa réclamation ; l’homme les lui dévoila sous sa perspective, de son seul point de vue, et rien n’est moins vrai que des faits vus, revus et rerevus, sous le prisme d’un ego. Cela n’empêcha pas la conduite de cet interrogatoire aussi personnel qu’impersonnel, ce qui agaça Stan. Néanmoins, malgré sa réticence à dévoiler certains détails de son intimité réelle ou fantasmée, il attendait la solution du Service Client avec une patience d’ange, tant l’empathie qui se dégageait de son interlocuteur lui donnait confiance.

Après dix minutes d’un entretien méticuleux, le verdict tomba enfin :

« Le modèle XD467AF baptisé Moira fonctionne parfaitement. Il n’est pas utile d’effectuer une révision. En revanche, vous devriez en faire une : votre femme recevra sous pli confidentiel avec accusé de réception un bon de retour pour vous, pour remplacer votre batterie hormonale. Il semblerait que, vu l’attitude que vous décrivez, vous ne la comblez pas. Veuillez, à réception du bon de retour, vous conformer à toutes les instructions qu’elle vous donnera. Nous vous souhaitons une excellente journée, Monsieur TF312X. »

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