La resserre de Grand-Père

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A mes Grands-Parents

Tout au fond du jardin, mussé sous les ombrages,

Semé de liserons, égayé de ramages,

Se niche le chef-lieu des merles des parages.

Refuge des Anciens et fief du Grand-père,

La remise abrite tous ses outils de fer,

Sa pierre de touche, ses petites affaires,

Bref, ce qui ne peut traîner à portée d'épouse.

Aux clous sont alignés cotte de mailles, blouses,

Bliaud des Beornings, tunique écrue des Woses.

Au gilet chamarré manquent quelques boutons

D'or dérobés jadis par un petit aiglon.

Un chapeau rapiécé raconte au capuchon

Le hasard des chemins, le charme des contrées.

Aux patères compères écoutent l'ondée

Chanter sur la Comté à la glaise assoiffée.

L'attentive effigie de la grand-mère fée

Promène des regards de grand fauve cervier,

Sur les trésors passés du bel aventurier.

Derrière les outils bien rangés sagement,

S'entassent les reliques d'un tout autre temps.

Des pennes souvenir d'amours intermittents,

Des piles d'étoffes, des coffres rutilants.

Des fanes effeuillées, des sarments odorants

Égrainent les serments et les saveurs d'antan.

Parfois un malandrin s'en vient là farfouiller,

Le Touque de sa richesse un peu dépouiller.

Circulent sur son nom bien des supputations...

Gérontius jouit d'une étrange réputation.

Fortune il aurait fait sans grande éducation...

Pourtant aucun voleur n'a trouvé de trésor.

La remise hantée leur a jeté un sort,

Transis sous la pluie, bannis par l’ hellébore.

La resserre distille aux jeunes cœurs la sève

De l’aventure, l’élixir secret du rêve,

L'appel des montagnes, des sentiers et des grèves.

A la foire de Bree par le Touque acheté,

Un flacon caché de Vieux Clos décacheté

Exalte le cachet de ses jeunes années.

De cuir brut éculé, tout de buis basané,

Un masque ancien des nains grimace des présages

Sur la porte vernie impose son péage

De cauchemars honnis aux bambins de passage.

Le carillon des elfes pépie sous la brise,

Engravant dans l'air pur ses éphémères frises,

En mai les jeunes gens s’y volent prime bise.

A l'heure sacrée de la sieste, des ronflements

Font trembler les enfants et glousser les mamans.

A brumante tombée s'y faufile parfois,

Un vieillard tout courbé aux allures de roi

Pétunant des bouffées au coin du feu de bois.

Chaque soir les contes prolongent la veillée.

En creuset fabuleux. Au chevet du foyer,

Accroupis les petits s'érigent un passé,

Engrangent les brassées rêvées de souvenirs,

Ferment de tout courage et gage d'avenir.

La bicoque Touque tremble alors sous les rires,

Au hasard des colifichets à découvrir.

Gérontius pérorant retrouve l'allégresse

A tourner hardiment ses frasques de jeunesse

En fières rescousses de grand-mère en détresse.

Visité par les elfes errant sous les cieux

Son havre héberge des hôtes merveilleux,

Témoins d'un temps lointain, périlleux, bel et pieux.

Le souvenir sourd là par le tamis des âges

Où filtrent des lueurs au travers des nuages

Éclairant de magie de vastes paysages.

Ainsi rêvais-je là, alors petit enfant,

Lisant tout bas sous l’appentis de Grand-Maman,

Perdu dans les récits, féru de dits d'antan,

Attendant la gloire des légendes d'Aman.

Cultivant la gloire des légendes d’avant.

Mamie s’en est allée et Papi a suivi.

Le rêve créateur est question de survie,

Mussée sous l’appentis perdurera l’envie.

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