15. Je ne suis pas détective, je ne suis qu'un tacheron

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Quand Jules retourne à l’agence, il explique à Amandine ce qu’il a découvert.

  •  Super, tu devrais aller le dire à Legall, ça change la donne
  •  Mais t’es folle, je vais me faire défoncer
  •  Pourquoi ?
  •  Ben parce qu’il voulait pas que j’y aille…
  •  Putain, t’es un peu con con toi… Ben vas le voir, maintenant que tu l’as fait et que t’as eu des réponses, assume tes conneries, au moins t’as eu des résultats.

Il frappe à la porte de Legall et lui annonce ce qu’il a trouvé,

  •  QUOI ! Mais merde alors je t’avais dit que je donnais le truc à Mortier ! Tu comprends pas le français !... Qu’est ce qui m’a foutu un abruti pareil !
  •  En fait, non, vous aviez dit que vous le preniez en charge… mais, on dirait que… vous avez pas eu le temps en fait… Alors… j’y suis allé et voilà quoi, j’ai les renseignements…

Jules sourit bizarrement en dansant d’un pied sur l’autre. Il a l’impression de se retrouver devant le directeur du collège quand il a pris une bonne volée pour avoir séché les cours et s’être promené avec deux autres copains dans les souterrains de l’ancien couvent qui faisait office de collège. Ils recherchaient les secrets du couvent, une légende racontait qu’il y avait eu le meurtre d’une bonne sœur à l’époque et c’est pour ça que l’ordre avait été dissous et le bâtiment repris par la commune pour en faire un collège. Putain la rouste verbale qu’ils avaient prise ! Plus un avertissement, ce qui équivalait à être viré deux jours du collège… La vache. A ce souvenir, son sourire s’élargit doucement et il se marre. Il n’était plus collégien, il assumait, c’est ça.

Legall le regarde mi-figue, mi-raisin, se demandant si Jules se fout de sa gueule. Il réfléchit en son for intérieur, et se dit que merde, quoi il est pas directeur d’école, il dirige une agence de détectives, s’ils ont pas de caractère, ils iront pas loin. Il regarde Jules et sourit à son tour.

  •  Bah, t’as raison en fait, t’as raison… Enfin, non, tu as fait à ta guise et contre mes ordres, mais tu as eu les infos… Donc, tu n’as pas tort d’avoir insisté mais si tu n’avais rien trouvé, alors … Merde, je m’embrouille.

Il éclate de rire !

  •  Bon, Ok, mais maintenant, c’est moi qui reprends la main, je vais informer Me Raymond, je lui envoie un mail, prépare-moi une synthèse de ce que tu as recueilli pour que je lui joigne.
  •  Je vais le préparer avec Amandine, car on veut joindre un traqueur pour suivre ce que le dossier devient ensuite. Par contre, il faut l’inviter ici.
  •  Pourquoi ?
  •  C’est une idée d’Amandine.
  •  Ok, je lui propose de venir demain, préparez-moi ça fissa.

Dans le mail que Legall envoie à Maitre Raymond, Jules a joint un fichier Word dans lequel il a rédigé une synthèse de ce qu’il avait collecté, pas grand-chose au juste, un appât. Et Amandine a inséré un fichier connexe, avec un petit programme qui s’ouvre dès qu’on consulte le fichier texte. Ce programme installe une application sur l’ordinateur de celui qui consulte le texte.

Cette appli permet de consulter les répertoires de l’ordi mais aussi les mails présents sur la boite de réception en local, puis de les transmettre, via le mail même de son propriétaire à une adresse que Amandine a défini. A la fin, le programme supprime le mail envoyé.

Mais pour activer cette appli, ce n’est pas possible à distance car le pare-feu bloquerait. Donc, il faut être connecté sur le même réseau que l’ordinateur. C’est pour ça qu’Amandine a demandé à Jules de faire venir l’avocat avec son ordi et sous un prétexte quelconque, le faire se connecter sur le wifi de l’agence. Alors elle pourra activer son appli.

Lundi matin, l’avocat arrive dans les locaux de Legall Détective. Dans la salle de conférence, Legall est aussi présent, ainsi que Amandine. Jules re-raconte ce qu’il a résumé dans son fichier.

  •  C’est tout ! Vous me faites perdre mon temps là !
  •  Non, j’ai appris une autre chose : elle était présente ce soir là dans le resto où Van Loewen a diné… Elle n’est pas restée, mais elle a pu l’attendre dehors dans un coin… J’ai un témoin qui pourra le confirmer.
  •  Très bien, vous lui avez fait signer un papier à ce témoin ?
  •  Pas encore.
  •  Ok, faites-le. Je vous avais bien dit qu’il fallait suivre la fille, c’était la bonne piste. Mais ce n’est pas encore suffisant, pourquoi m’avoir fait venir ici ? Vous avez encore autre chose pour moi, je pense.
  •  Oui.
  •  Allez-y, j’ai pas de temps à perdre en devinettes !
  •  Alors voilà, j’ai récupéré un enregistrement vidéo, je voudrai que vous le visualisiez ici, mais avant de vous le transférer sur votre mail, vous me signez un papier comme quoi vous ne vous en servez pas, c’est à l’agence de remonter les faits juridiques, nous avons un engagement avec la police.

Legall confirme.

  •  Bien montrez-moi.

On voit un enregistrement flou où Fanny PICART sort du resto, prend à gauche sur le trottoir en direction du canal. Ensuite, elle sort du champ, et on ne voit plus grand chose. Ce ne sont que quelques secondes mais on reconnait bien son visage et sa démarche.

Sur l’enregistrement, 1h30 plus tard on voit des images de Van Loewen au même endroit avec une jeune femme inconnue, qu’il n’est pas possible de reconnaitre. Elles se dirigent vers le même endroit.

Suffisant comme preuve devant la justice dit l’avocat.

  •  J’ai récupéré ça grâce à la caméra de la boutique de fringues d’en face du restau, Lili et Lulu, ou un truc du genre.
  •  C’est bien Meunier, vous apprenez vite… Vous voyez, quand vous voulez, vous pouvez être un bon fouineur. C’est une bonne piste, persévérez maintenant et surtout… Je peux vous donner un conseil ?
  •  Ouais.
  •  Arrêtez de vous donner un genre ?
  •  … ?
  •  Vous avez lu trop de livres, arrêtez de vous prendre pour Nestor Burma. Il regarde Legall : tu te rappelles, Hugo, c’est ce que je t’ai dit aussi il y a 20 ans ! Et les deux hommes de se marrer comme des baleines. Bref, faites ça comme un métier pas comme une vocation et oubliez toute la mythologie autour des détectives, vous avez maintenant compris ce que c’était que ce boulot : mettre les mains dans la merde… rien de très honorable en fin de compte.
  •  Je confirme, dit Legall.
  •  Ok, je fais ce que vous voulez, c’est vous le client. Vous avez raison et Jules se marre avec eux. Maintenant, je peux vous transférer le fichier si vous me signez ce papier.

Maitre Raymond consulte Mr Legall du regard. Celui-ci ferme les yeux en guise d’assentiment : « tu peux y aller les yeux fermés, c’est moi qui ai préparé ce document, et c’est la procédure normale, il a raison, si jamais on doit donner ça à la police, faut pas qu’on puisse dire que ça fuité chez toi… sinon, la procédure pourrait être remise en cause, tu le sais bien. Vice de procédure. »

L’avocat fait une moue bonhomme et soupire. Bon, puisqu’on est entre gens de bonne compagnie..

  •  Où est-ce que je dois signer ?

Il signe le document en deux exemplaires et ouvre son ordinateur.

  •  Envoyez-moi une copie de ce document par mail aussi svp.
  •  Amandine, vous connaissez le code Wifi par cœur, je suis sûr, donnez-le à Maitre Raymond s’il vous plait.

Il se connecte à la Wifi, ouvre ses mails. Les consulte, ouvre le document enregistré et sourit.

  •  Ok et maintenant, je voudrai la copie de l’enregistrement.
  •  Très bien, Meunier, donnez-lui la clé USB avec l’extrait du film svp.
  •  Ah c’est moi qui l’ai, dit Amandine, attendez, je le copie sur une clé, et je vous la donne Maitre.
  •  Ah oui, je t’avais dit que j’avais embauché un Geek, hé bien c’est une Geek, en fait, c’est Amandine la spécialiste, Meunier lui n’est que spécialiste en filature….
  •  Ahah, se marre Raymond, ah ça en effet, j’avais bien remarqué qu’il n’était pas très à l’aise avec la technologie moderne, et il se marre encore.

Jules fait un petit sourire contrit. Amandine, fait quelques manips et tend la clé USB, c’est le fichier « Enregistrement F. PICART » dans le répertoire Jour 5. L’avocat copie le fichier pendant que Jules s’impatiente sur sa chaise.

  •  Ben quoi, Meunier, vous avez des fourmis dans les jambes !? Je comprends, quand on est proche du dénouement, ça fait ça, moi aussi , quand je défends des cas, c’est pareil.

Amandine, continue de taper sur son ordi l’air de rien, tout sourire également. Raymond demande à Legall de finir le boulot et de transmettre les informations à la police comme convenu, pour faire avancer l’enquête. Il savait que cette fille n’était pas nette, et il voudrait que la police l’interroge car il est convaincu que c’est elle la coupable. « On en aura bientôt le cœur net tu verras. »

On se congratule et on se salue. Et quand Raymond s’en va tout sourire, ils sont tous amis.

Jules et Amandine poussent un gros ouf de soulagement. Ils ont fermé la porte de salle, mais ils peuvent encore entendre parler l’avocat : Bon, ton enquêteur, là, tu as bien fait de le mettre au pas, il a du potentiel mais il est pas encore mature.

  •  C’est sûr
  •  Quant à l’autre, là, ta geekette, tu lui fais confiance ? Déjà c’est une femme, mais en plus, ce genre de femme là…
  •  Comment ça ?
  •  Ben tu vois ce que je veux dire non… ?

On n’entend pas la réponse de Legall car ils se sont trop éloignés. Jules regarde Amandine :

  •  Putain de gros raciste en plus… Encore des hésitations, ou un poil de mauvaise conscience, Amandine ?
  •  « No regrets, fuck him. » Répond sobrement Amandine.

Legall prend Jules à part : « Bon je me suis emporté l’autre fois, tu es têtu tu sais ? » Il l’encourage à poursuivre dans cette voir plutôt que de se fourvoyer dans le sentimentalisme. « Prends exemple sur Amandine, elle ne réfléchit pas, elle pense comme un code informatique, c’est 0 ou 1, c’est oui ou c’est non, c’est pas plus compliqué que cela. »

Quand il sort, Jules demande à Amandine si ça a marché.

  •  Hé minute papillon, tu sais bien que je raisonne que en 0 et en 1, mais je suis pas non plus un ordinateur quantique, chéri bibi !

Elle redresse l’écran de son ordi, et va consulter ses mails. Elle tripote son clavier pendant quelques instants en se mordant la lèvre, signe qu’elle est concentrée. Jules observe son visage éclairé par la lumière bleutée de son écran, en quête d’une vérité révélée.

Quand Amandine sourire avec gourmandise, il sourit à son tour : ça y est tu as trouvé ?

  •  J’ai téléchargé toute sa messagerie, et l’ensemble de ses répertoires ! Maintenant faut checker tout ça…
  •  Putain, alors vas-y commence !
  •  Non, mon petit, ON commence ! On va se répartir le boulot : je m’occupe des répertoires et tu regardes les mails, ça te va ?
  •  Ok, parfait, envoies.

Amandine lui transfère l’historique de la messagerie sur son ordi et ils se mettent à travailler comme deux étudiants studieux. Amandine lance des requêtes de recherche par mots-clés et utilise son savoir méthodologique. Jules fait appel à son intuition, il navigue dans la période où il pense que ce sera la plus fructueux, à savoir dans les 6 mois précédant la mort de la belle -mère.

Après vingt minutes de recherches, Jules commence à soupirer et à râler contre l’ordinateur et la souris. Je vais quand même pas me taper tous ses mails depuis 10 ans !

  •  Va me chercher un café steuplait, dit Amandine, bien sucré comme d’hab, et prends-en un pour toi aussi, ça te fera une pause.

Ils passent leur journée à compulser tous les documents et mails comme des forcenés. Je ne suis pas détective, pense Jules, je ne suis qu’un tâcheron.

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