Bon gré, mal gré, pieds et poings liés [2/4]

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  Arya se tendit et lâcha le bras du prince. Luc l’observait plein d’espoir. Est-ce qu’elle pouvait y croire ? Elle s’excusa auprès de Tobias avant de suivre le médecin qui lui expliqua tout en chemin.

 « Grâce aux recherches de mon référent, j’ai pu te concocter une potion. Cela devrait te stabiliser, rééquilibrer tes shakras et te permettre de passer des nuits tranquilles.

 — Devrait ?

 — Eh bien, les dosages me posent un léger souci, vois-tu.

 — À quoi tu joues dans ce cas ? s’écria-t-elle en s’immobilisant au milieu du chemin avec le sentiment d’avoir été trompée.

 — Laisse-moi finir ! Je ne joue pas le moins du monde, répondit-il aussitôt avant de s’expliquer. J’ai testé le mélange, il fonctionne. Sur une personne lambda en tout cas. Ce qui n’est pas ton cas, étant donné que tu as des shakras atrophiés, que tu ne sembles pas réagir normalement aux stimuli habituels et que j’ignore jusqu’à quel point tu es affectée par les transformations de ton système énergétique. Toutefois, tu n’as rien à craindre pour cette préparation. Les ingrédients sont naturels et mesurés avec précision. Par sécurité, j’ai dilué la solution afin de l’augmenter graduellement si les effets observés sont encourageants. Je ne m’amuserais pas avec ta vie. Elle est trop précieuse pour cela. Maintenant, me fais-tu suffisamment confiance pour me suivre et prendre cette potion ? »

  Arya croisa les bras et soupira. Elle était partagée. Elle avait envie d’y croire. Si une simple potion permettait de régler tous ses problèmes n’était-ce pas la meilleure solution ? D’un autre côté, qu’est-ce qui lui assurait que cela fonctionnerait ? Elle allait répondre quand Yugh Wolfgang les interrompit soudainement, comme sorti de nulle part.

 « Tu peux lui faire confiance, la tarée. Il est doué le doc.

 — Depuis quand… En quoi cela te concerne ? »

  Plus consternée qu’en colère, Arya les regarda alternativement. Elle essayait de comprendre pourquoi le loup se permettait d'intercéder, sans aucune raison apparente. Luc expliqua avant que Yugh n’intervienne avec sa délicatesse légendaire.

 « C’est sur lui que j’ai testé la potion.

 — C’est censé me rassurer ?

 — Oui.

 — Essaie autre chose.

 — D’accord. Écoute, j’ai pu accéder à des documents qui faisaient état d’un cas assez similaire au tien. Grâce à cela, j’ai pu élaborer la potion. Vu que Yugh était déjà intervenu auprès de toi, il n’a pas rechigné à se porter volontaire. Enfin, pas trop.

 — Déjà intervenu ? Comment ? Quand ?

 — C’est bon, je me tire ! s’écria le loup en repartant comme il était venu.

 — Arya, je n’ai pas beaucoup de solutions à te proposer. La quarantaine n’est clairement pas une idée convenable. Cette potion, comme je te l’ai dit, n’est qu’une aide provisoire. Mais je peux t’assurer que l’on se préoccupe de toi.

 — Cela ne me dit pas en quoi Wolfgang est ‘‘déjà’’ intervenu.

 — Il t’a calmé quand tu as fait ta crise l’autre jour. Personne à l’infirmerie n’a la moindre idée de la raison pour laquelle lorsqu’il t’a parlé tu l’as écouté, mais ça a fonctionné. Et c’était le principal. Alors que décides-tu ? »

  Arya soupira puis se remit en mouvement. Elle ne perdait pas grand-chose à essayer. Et si cela fonctionnait vraiment, alors tout le monde serait gagnant. La princesse haussa les épaules puis suivit Luc jusqu’à l’infirmerie. Le médecin se réjouit de sa coopération et se montra encore plus bavard en cours de route.

Ж


  En apercevant le liquide verdâtre dans la coupe, Arya fit la grimace.

 « Je dois avaler ça ?

 — Ce n’est qu’une petite quantité diluée, histoire d’observer comment ton corps réagit. Si je constate une amélioration de ton état, je t’en donnerai plus ce soir.

 — Combien de fois par jour est-ce que je vais devoir boire cette chose ?

 — Si tout se passe comme prévu, matin et soir. Même si cela ne t’empêche absolument pas de travailler sur le contrôle de ta magie en parallèle. Cette potion ne sera efficace que sur la régulation de ton flux énergétique. Ce n’est rien de plus qu’un coup de pouce en somme. »

  Arya soupira et balaya l’infirmerie du regard. Ils n’étaient que tous les deux. Aucun infirmier ne se trouvait là. Pas de témoin. Elle soupira, attrapa le gobelet et ingurgita la potion d’une traite avant de grimacer de dégoût.

 « Argh ! C’est immonde ! Sérieusement ? Yugh a avalé ça ?

 — C’est qu’il doit t’apprécier au fond, lança Luc en riant avant d’avouer la vérité sous le regard désabusé de la princesse. Bon d'accord, il m’a insulté et accusé de vouloir le tuer.

 — Ça me rassure. »

  Plus sérieusement, Nandru activa sa vision spéciale quelques minutes plus tard. Arya frissonna en se sachant observée de la sorte et croisa les bras sur son ventre en attendant le verdict du médecin. Luc fut satisfait en constatant que l’énergie se stabilisait comme prévu. Il demanda à Arya de créer une boule de magie dans sa main pour suivre le processus de création. Elle le fixa avec méfiance avant de s’exécuter. La facilité de l’acte la surprit. Elle lui montra la sphère parfaitement maîtrisée avec la spontanéité d’une enfant ayant trouvé un trésor.

 « Ça fonctionne !

 — C’est ce que je constate. Tu reviendras ce soir dans ce cas ?

 — Oh oui ! »

  Là-dessus, Arya réabsorba la sphère de magie au lieu de la laisser se dissiper, à la grande surprise du médecin qui s’étonna de cette faculté. Elle se jeta dans ses bras pour l’étreindre brièvement puis quitta l’infirmerie. Face à ce comportement, Luc s’assura qu’aucune entité n’avait pris le dessus. Il sourit avec bienveillance quand il se rendit compte que l’impulsivité de la jeune fille était un trait de caractère naturel. Il se sentit plus léger par la suite et s’attela à la préparation d’une plus grande quantité de potion.

  Le soir venu, Arya passa à l’infirmerie pour avaler un grand bol de jus vert. Le goût n’en était pas meilleur mais elle avait passé une journée tellement délicieuse que cela lui importait peu. Ce fut avec plaisir que la princesse raconta au médecin qu’elle n’avait eu aucun vertige ni mal de tête. Suite au bilan, Luc lui souhaita une bonne nuit et notifia les nouvelles observations dans son cahier d'études.

  De retour dans sa chambre, Arya se laissa tomber sur le lit. Elle se sentait tellement légère qu’elle se mit à rire toute seule. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle s’était sentie aussi bien. Mora la rejoignit peu de temps après et lui demanda tout en se séchant les cheveux :

 « Qu’est-ce qui te rend si joyeuse ?

 — J’ai passé une magnifique journée !

 — Heureuse de l’apprendre, ma belle. C’est vrai qu’on ne t’a pas vu une seule minute.

 — Je suis désolée. On se rattrapera demain si tu veux ! On doit bientôt passer nos évaluations, on a qu’à s’entraîner ensemble.

 — Excellente idée! »

  Mora sourit et lui souhaita une bonne nuit. Elle n’obtint aucune réponse car Arya s’était déjà endormie comme une bienheureuse. La fluvienne constata que sa colocataire dormait à poings fermés, puis se coucha à son tour. De son alcôve, Mora pria pour que le sommeil de son amie soit paisible et aussi doux que le sourire qui se déployait sur son joli minois.

Ж


 Un tapis de mousse, c’est rigolo sous le ventre. Elle se sent bien. L’odeur du sous-bois flotte doucement autour d’elle. Un vent frais soulève ses cheveux défaits dans une lumière dorée comme celle qui éclaire le ciel au coucher du soleil à la fin de l’été.

Derrière elle, un loup blanc est endormi. Il ressemble beaucoup à celui qu'elle a vu dans le cratère. Elle est contente qu'il se soit rapproché.

Tout est si paisible. Elle ferme les yeux. Le soleil réchauffe sa peau. Elle passe ses doigts dans la fourrure du loup qui s’éveille et plonge son regard doré dans le sien. Elle sait qu’il lui veut du bien.

Ils sont interrompus par un serpent qui veut jouer aux dames. Elle s’assoit et s’installe contre le loup. Il fixe le serpent qui perd la première partie. Enthousiasmée, elle continue de jouer avec le serpent.

*

  Les effets de la potion cessèrent au milieu de la nuit. La fenêtre entrouverte laissa tomber sur Arya un léger filet d’air frais qui la fit frissonner et rappela à son corps d’anciens souvenirs douloureux.

*

Elle gagne la partie. Le serpent se met en colère et de gros nuages noirs envahissent le ciel. Elle a peur soudain et se blottit contre le loup qui se met à gronder. Le serpent se dresse et sort ses crochets. Elle se lève et le défie. Elle ne veut pas que le loup soit blessé. Le serpent se détend et la mord vivement à la cuisse. Elle crie et brûle le serpent pour le faire disparaître.

Le serpent se rétracte et fond. Il prend forme humaine et ricane. Elle jette un nouveau rayon de feu sur l’homme effrayant. Son visage se déforme, bouffi par une longue cicatrice au milieu du visage qui lui met le nez de travers et lui fend les lèvres. Le reste de son visage semble avoir fondu.

Elle crie. Le loup a disparu. Elle est seule face au monstre. Elle a peur et crie plus fort pour qu’on vienne la chercher.

*

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