Solitude

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“La solitude est dangereuse. Elle devient une habitude dès lors qu’on réalise à quel point elle est calme et paisible. Après, on ne veut plus côtoyer les gens parce que c’est comme s’ils prenaient notre énergie. ”

   Les muscles tendus, aux aguets, cachée dans un buisson avec les oreilles relevées, elle fait attention à ne pas faire de bruit. Le bruit, c'est surfait, ça fait mal aux oreilles, ça fait peur, c'est inutile, et on ne peut plus entendre le monde qui nous entoure. Elle est là, et elle attend pendant que le vent ébouriffe son pelage. Un bruit, c'est un lapin, elle attend encore un peu.. Une seconde, deux secondes, il n'en faut pas plus avant qu'elle ne saute sur le pauvre animal, une morsure avait suffit avant qu'il ne succombe. Neptune ne prendra même pas la peine de retourner jusqu'à la cabane avant de manger, il faut dire qu'elle est affamée et, de plus en plus faible sans qu'elle ne sache réellement pourquoi, elle a de plus en plus de mal à chasser autre chose que les petits animaux qui ne suffisent pas à apaiser sa faim. Elle n'a rien attrapé d'assez gros pour pouvoir troquer depuis des jours, mais il va bien falloir pourtant, elle ne veut pas être obligée de s'en remettre au vol, parce qu'elle ne doit pas se faire remarquer. Elle s’en va, laissant derrière elle les reste de cet animal, les corbeaux et les vers en feront certainement leur repas à leur tour, et elle court dans la forêt. La mousse sous ses pattes, le vent dans son pelage, nul autre bruit que ceux de ses pas, les yeux qui pleurent à cause de la vitesse, mais elle n’est plus aussi rapide qu’avant, ni plus aussi agile, elle se sent juste faible, et même mal sans qu’elle ne parvienne à en expliquer les raisons, c’est plus fort que sa conscience, quelque chose au fond d’elle, ou plutôt, quelque chose qu’elle n’a pas justement. Mais, comme elle doute ne l’avoir jamais eu un jour, elle ne sait de quoi il s’agit, et préfère se dire que c’est juste passager, à cause de l’hiver qui amène avec lui la tristesse et lui enlève ses proies.

Lors de sa course, elle était tombée sur un oiseau blessé au pied d'un nid, elle s'était arrêtée dès qu'elle avait entendu son piaillement insupportable, sans qu'elle ne sut dire avec précision pour quelles raisons, elle avait sentit la colère l'envahir dès l'entente de ce son. De ce fait, elle n'avait eu que moins de remords à tuer la petite bête, si tenté qu'elle en ait eu à la base, et, un coup de griffe avait suffit à l'achever. Lorsqu'elle l'avait vue, elle n'avait songé qu'à ce qu'elle pourrait en tirer, pas grand chose, cela est sûr, mais elle pourrait au moins obtenir une boîte d'allumettes, voir même quelques pièces s'il était de bonne humeur aujourd'hui. C'était donc avec un léger sourire, qu'on ne lui avait pas vu depuis longtemps, qu'elle était rentrée à la cabane avec sa proie pour se changer, et se vêtir de sa cape, même si cela commençait à ressembler plus à un haillon qu'autre chose. Elle y tenait puisqu'elle appartenait à sa " mère " et elle ne cessait de recoudre les trous que formait l'usure. Elle se rendit donc au village d’un pas sûr mais, dès qu’elle s’approcha de l’entrée, elle se sentait faiblir ; les rues étaient animées. Tout ce bruit, toute cette agitation, tout ce monde. Elle sentit un grand malaise s’installer en elle, ainsi qu’une certaine frustration, tandis qu’elle marchait, tête baissée et capuche sur la tête dans les rues, en esquivant habilement les passants un peu trop maladroits. Dans une sacoche en bandoulière, elle transportait le cadavre de l’oiseau tué plus tôt, mais cela, elle était la seule à le savoir dans cette foule. Neptune tourna plusieurs fois, empruntant des ruelles de plus en plus étroites jusqu’à se retrouver face à une petite porte ancienne. Elle entra, sans toquer. Et, sans un mot, elle s’avança jusqu’à un comptoir qui se trouvait au milieu pour poser son sac. La suite se déroula sans un mot, un homme arriva, regarda à l’intérieur du sac après lui avoir jeté un coup d’oeil, et il soupira. Leur échange fut houleux et, finalement, elle repartie avec seulement une pièce qui ne lui suffirait même pas à acheter une seule allumette, peut-être aurait-elle dû manger l’animal.. Neptune s’était vite énervée face à l’homme qui l’avait aussitôt faite sortir de sa “ boutique ”, même s'apparenterait plutôt à un comptoir douteux, et la revoilà dans les rues animées, les poings serrés jusqu’à se planter les ongles dans les paumes, laissant des traces.

De retour dans la cabane, elle jette son sac sur la petite table en bois, et accroche sa cape derrière la porte, et elle se laisse tombée sur le canapé, épuisée par cette sortie. S'en était trop pour elle. Mais au moins, elle aura réussit à voler une boîte d'allumettes. Elle n'avait pu s'en empêcher alors qu'elle s'était retrouvée sur l'allée principale pour retourner jusqu'à ce qu'elle considérait comme son chez elle. Elles étaient juste-là, dans l'entrée, et le caissier ne semblait même pas se soucier de ce qui l'entourait, certainement était-ce une tâche trop ennuyante pour lui, cependant, en le voyant ainsi, elle l'avait envié pendant une seconde. Il y avait des moments, comme celui-là, où elle ne se sentait que plus isolé, cela faisait plusieurs années que son seul contact avec d'autres personnes se composait uniquement de ces petits tours en ville. Il y avait bien eu quelques fois où elle avait tenté d'aller vers quelqu'un mais, à chaque fois, les paroles de " mère " lui revenaient en tête, et la peur prenait le dessus, la poussant à fuir. Sa vie était devenue une fuite constante, mais elle doutait que ça ne soit réellement les autres qu'elle cherchait à fuir, c'était plutôt elle-même, sa condition, son histoire, tout ce qui faisait d’elle qui elle était.

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