Vérité, ou mensonge ?

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“ Vérité et mensonge, la frontière est très fine et, à force de mélanger les deux dans notre quotidien, ce sont ces premières qui finissent par être les dernières crues ”

   Elle se souvient cependant parfaitement de ce qu'il s'est passé le lendemain, même si l'on oublie beaucoup de moments de notre enfance, beaucoup restent aussi gravés dans notre mémoire, souvent les plus marquants, que cela soit dans le bon, ou le mauvais sens. Dans son cas, elle ne sait de quel côté les classer, souvent mitigée sur la question. C'était donc au lendemain de sa seconde rencontre avec la louve, et elle se souvient juste que c'était pendant un temps de récréation puisqu'elle se trouvait dans la cour. C'était un endroit bruyant, mais elle parvenait quand même à faire entendre sa voix alors qu'elle parlait au groupe d'élèves, principalement des gens de sa classe et donc de tous âges, c'est une des premières fois où elle se sentit importante depuis son arrivée dans le village. Tous étaient là, à écouter ce qu'elle avait à leur dire, ils faisaient autre chose que l'ignorer cependant, même si elle avait secrètement souhaité que cela arrive, elle n'était pas sûre d'aimer cette situation étrange. En réalité, être le centre de l'attention la mettait presque mal à l'aise, et elle songea même qu'elle préférait lorsqu'on ne lui adressait même pas un regard. Heureusement, ça ne dura pas longtemps.

Lorsqu'elle racontait son histoire, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir la sensation de la revivre une seconde fois, mais, cette fois-ci, sans peur, mais bien de l'excitation dû au nombre d'inconnus dans son histoire, des mystères même. Elle n'avait pas besoin d'accentuer ses expressions faciales ou ses gestes pour convaincre ses camarades de ce qu'elle disait, tous étaient pendus à ses lèvres. Cependant, cela restait un récit maladroit, elle revenait parfois en arrière pour ajouter un détail ou deux qu'elle avait oublié, butait sur certains mots ou était obligée de reformuler des phrases entières parce qu'elles n'avaient pas de sens une fois terminées. Son regard se promenait sur les visages tantôt émerveillés, avec la bouche grande ouverte et des yeux de merlan frits, tantôt effrayés, ils étaient tous plongés dans le récit, ou presque, puisqu'il restait bien quelques sceptiques dans un coin qui la regardait avec un sourire moqueur et un sourcil levé. Ce petit groupe-là était composé d'un garçon, qui devait aller sur ses quinze ans et être ainsi le plus âgé de la classe ainsi que ceux qui se disaient être ses amis, mais étaient plutôt les larbins de ce premier. Cela se voyait, ils ne semblaient pas croire à ses paroles, mais, en cet instant, elle s'en fichait, tout ce qui comptait pour elle était de partager sa rencontre avec ceux qui voulaient bien l'écouter.

Lorsque le récit fut fini, personne n'osait parlait et une sorte de blanc s'installa. Il y avait, d'un côté, la jeune fille qui scrutait les visages des autres dans l'attente d'une quelconque réaction, elle se sentait idiote de l'intérieure et l'inquiétude montait en elle, et s'ils ne la croyait pas ? Et, d'un autre côté, il y avait les élèves qui y croyaient, mais ne savait quoi en dire, ils semblaient attendre eux aussi qu'elle dise quelque chose, mais rien ne vint, aussi bien de l'un que de l'autre côté. Il fallut attendre plusieurs minutes avant que quelques chuchotements ne daignent s'élever dans la foule, ce qui arracha un sourire à l'enfant. Un sourire de courte durée cependant puisque le plus âgé, elle ne se souvenait plus de son nom, se mit à rire, faisant taire tous les enfants qui se tournèrent, comme un seul, vers ce dernier. Elle se souvient parfaitement de ses paroles, presque mot pour mot : " Vous n'allez tout de même pas croire cette.. Citadine ? Elle vous raconte des salades parce qu'elle se sent seule, elle est seule parce que c'est une Citadine et que personne ne veut d'elle. C'est une Citadine et une menteuse ". En un instant, en quelques mots, la situation avait été inversée et c'était lui qui était le centre de l'attention, tandis que tout le monde la méprisait de nouveau. La frontière entre vérité et mensonge est très fine et, à force de mélanger les deux dans notre quotidien, ce sont ces premières qui finissent par être les dernières crues, surtout chez les enfants si facilement manipulables qui croient en priorité les plus âgés, ne sachant pas faire la part entre le vrai et le faux d'eux même, c'est à peine s'ils connaissent ces mots. En un instant, elle était de nouveau seule et ignorée, il y avait bien eu quelques mots pas jolis qui lui avaient été lancés par les autres enfants avant qu'ils ne se décident à trouver définitivement une autre occupation. De nouveau, elle n'existait plus, mais elle ne sentait pas spécialement plus mal, au contraire, les choses rentraient dans l’ordre et cette vérité n’appartenait qu’à elle, à elle et cette étrange louve.

La petite fille se retrouva bien vite seule dans la petite cour, ses bras pendant mollement le long de son corps tandis qu'elle réfléchissait, son regard fixant le vide. Il y eut un moment où elle sortit de sa torpeur pour lever le regard, elle ne savait trop ce qui l'avait sortit de ses pensées puisqu'il ne s'était rien passé de particulier, personne ne s'était approché d'elle, laissant un cercle vide dans la cour, et il n'y avait pas eu de bruit plus fort non plus. Toujours est-il qu'elle avait relevé le regard et balayer la cour de ce dernier, son regard croisa celui d'une personne qu'elle avait prit pour une surveillante sur le moment. Une jeune femme dont les cheveux châtains clairs étaient accrochés en une queue de cheval souple, il ne lui semblait pas l'avoir vue auparavant, mais elle eu une drôle de sensation lorsque leurs regards s'accrochent. Cela ne dura qu'une seconde et, l'instant d'après, la femme partie, comme si elle n'avait jamais été réellement présente, laissant l'enfant avec une sensation étrange dont elle ne parvint à se défaire pour le reste de la journée.

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